top of page
revolution-francaise-trois ordres-consti

            Révolution Française    [ 6 ] 

 Le « plus grand séminaire de théorie politique

         que le monde ait jamais connu* »       

                La Constituante

    avril à juillet 1789

                          Tot tot Tot

                      Battez Chaud

                         Tot tot tot

                         Bon courage

               Il faut avoir cœur a l'ouvrage. 

              Les trois ordres travaillent

               à forger la  constitution (détail)

             Eau-forte colorée à la main,

 

                            1789 

 

               British Museum, Londres

                         

 

Expression du juriste et politologue  Karl Loewenstein (1891-1973), qualifiant l’Assemblée constituante de 1789 (cf.  Christophe. Achaintre, L’instance législative dans la pensée constitutionnelle révolutionnaire (1789-1799), Paris, Dalloz, 2008, p. 64.

 

                           

 

              

La misère, partout

Les communes, un bras de fer

Les droits de l'homme (1)

12 juillet 1789, Camille Desmoulins

«... une alliance auguste et éternelle... »

Robespierre en quelques dates

     de mai 1758 à mai 1789

la misère

 

 

 

 

La misère, partout.

 

De nombreuses autres régions de France continuent d'être touchées par différents mouvements populaires, principalement causés par la faim :

"Dans les quatre mois qui précèdent la prise de la Bastille, on peut compter plus de trois cents émeutes en France. Il y en a de mois en mois, et de semaine en semaine, en Poitou, Bretagne, Touraine, Orléanais, Normandie, Ile-de-France, Picardie, Champagne, Alsace, Bourgogne, Nivernais, Auvergne, Languedoc, Provence." 

 

Hippolyte Taine, "Les origines de la France contemporaine" (publié de 1876 à 1893 en six volumes), Volume III,  "La Révolution — L'Anarchie", Livre I, chapitre 1, § 3, Paris, Hachette 1878. 

A Amiens, la situation restait très difficile depuis plusieurs années déjà, et au lieu de répondre à la misère, le pouvoir renforçait  la centaine de fantassins déployés déjà en automne 1788 par des détachements de cavalerie (Archives communales d'Amiens, BB. 98, Registre des délibérations de l'échevinage, 1788-1789, f°19 v°, Assemblée du 24 septembre 1788).  Pendant l'hiver 1788/89, "la crise économique plongea brutalement nombre de familles ouvrières dans un extrême dénuement.(Engrand, 1984). Pour huit livres, Le pain le moins cher, le pain bis, valait 10 sols, entre janvier et mai 1788, 15 sols en septembre, 18 sols et 6 deniers en mars 1789 et enfin, 24 sols en juin (Archives  communales d'Amiens, Dossiers de la Révolution, 3 I (7) 1, Registre aux causes de police, 27 juillet 1786- 20 avril 1793). On chercha à occuper les ouvriers sans emploi à des travaux d'intérêt public, comme réparer des chemins vicinaux : "Aux travaux de charité, en janvier 1789, ils se présentèrent les sabots aux pieds, les vêtements en lambeaux sans autre ressource pour lutter contre le froid que de se couvrir « du jupon de leur femme ou de la couverture de leur lit »" (Engrand, 1984).  Du 28 au 30 avril, la colère est à son comble et des émeutes se produisent. On pille des magasiniers, des boulangers, ou on les oblige à vendre le pain à bas prix. Pour calmer la situation, les officiers municipaux distribuèrent du pain, rouvrirent des ateliers de charité qui avaient été fermés (op. cité).  En mars, à Reims, "artisans, ouvriers et paysans exigent la baisse du prix du pain et troublent l'assemblée électorale du Tiers (Guicheteau, 2014).  En Bourgogne, en avril, "la municipalité d'Autun ne reçoit pas le blé qu'elle a acheté à Saint-Andeux en Auxois, les gens de Saulieu et d'Arnay-le-Duc ayant tout fait pour l'empêcher de passer.(Sagnac, 1910).  Et à Saulieu, justement,  au même moment, "le sieur Buniot, qui avait été chercher du blé dans le pays d'Epoisses, est arrêté ; ses sacs sont percés ; et il est forcé de donner à la populace sa marchandise à perte, « fort heureux d'avoir sauvé sa vie ».(op. cité). A Orléans, "en mars et avril 1789, ce sont des troubles en permanence" (op. cité).  "Le 20 avril, le baron de Bezenval [Besenval, NDA], commandant militaire des provinces du centre, écrit : Je renouvelle à M. Necker un tableau de l'affreuse situation de la Touraine et de l'Orléanais ; chaque lettre que je reçois de ces deux provinces est le détail de trois ou quatre émeutes à grand peine contenues par les troupes et la maréchaussée(Taine, op. cité).  En avril, toujours, comme dans de très nombreux endroits de France, c'est la cherté du pain qui pousse les pauvres à se soulever à Besançon, mais aussi la résistance acharnée des aristocrates, qui s'arc-boutent sur leurs privilèges. La foule attaque la voiture de blé de la boulangère Leschère, roue de coups la femme, sauvée par des cavaliers de la maréchaussée (cf. Jean étienne Laviron, "Annales de ce qui s'est passés de plus Remarquable dans la Ville de Besançon pendant la Révolution en 1789 — Vive Marie conçue sans péché", Ms 1638, Bibliothèque municipale de Besançon : TEXTE INTEGRAL DU MANUSCRIT).

laviron-annales besancon-rvolution francaise 1789.jpg

 

 

D'ailleurs, le 24 avril, la disette y cause une émeute frumentaire (Guicheteau, 2014). "Beaucoup de Picards à la veille de la réunion des États généraux étaient donc préoccupés par la faim et par le pain quotidien qui manquait cruellement . Cette triste situation favorisa, entre autres, à partir du mois de mai 1789 un puissant soulèvement agraire des paysans du Vermandois et de la Thiérache." (Slimani, 2012).  Du pesage contestable des grains au pillage des réserves de particuliers, les révoltes contre la faim à Saint-Avold, les 11 et 12 mai 1789, ressemblent peu ou prou aux autres émeutes de la faim. Mais on ne voit pas partout des Mathias Steinmetz  faire revenir à la ville "101 quartes de blé qu'il avait stockées dans des fermes à l'extérieur de la ville", ni de nombreux bourgeois vendre des grains aux boulangers  (Martin ; Flaus, 1989). De mauvaises récoltes dans les régions du Nord "entraînent des difficultés d’approvisionnement et provoquent la disette, augmentant encore la précarité des conditions de vie de la population. A Armentières, comme à Lille, Hazebrouck, Hondschoote, Bergues ou Dunkerque, on pille les boulangeries. Des troupes occupent notre cité de mai à septembre 1789 afin de maintenir un calme qui restera cependant précaire. Le 22 juin 1789, la populace assiège deux bateaux chargés de blé et en exige la vente immédiate(Fernagut, 2000). "Le 28 mai, le parlement de Rouen annonce des pillages de grains, de violentes et sanglantes mêlées où beaucoup d'hommes, des deux côtés, ont péri, dans toute la province, à Caen, Saint-Lô, Mortain, Granville, Évreux, Bernay, Pont-Audemer, Elbeuf, Louviers, et encore en d'autres endroits." (Taine, op. cité).  Dès la fin du mois de juin à Saint-Etienne "un comité, constitué de représentants des trois ordres, est mis en place pour aider les échevins à maintenir la sécurité publique mais devant son inefficacité un second comité est formé en septembre" (Rojas, 2014).  Etc. etc. 

etats-generaux-procession ouverture-4 ma

L'Accomplissement du vœu de la nation : vue de la procession de l'ouverture des Etats-généraux sortant de Notre-Dame pour aller à St Louis, prise de la place Dauphine, à Versailles, le 4 may 1789eau-forte, col. ; 29,5 x 59,5 cm, Paris, chez Tardieu, 1789, BNF.

les communes

Les communes : un bras de fer

Le 5 mai 1789 s'ouvrent les Etats Généraux, à l'hôtel des Menus-Plaisirs de Versailles, et le directeur générale des Finances prononce un discours comptable, bien policé, qui est loin des dénonciations d'injustice et d'inégalités affirmées par Maximilien Robespierre dans son adresse à la Nation Artésienne ("A la Nation Artésienne, Sur la nécessité de reformer les Etats d'Artois", dite "L'adresse à la Nation artésienne", 1789, bien qu'il ait réservé quelques lignes aux "hommes du peuple que la crainte de l'indigence a rendus laborieux, et qui, dans l'abandon d'une douce confiance, ont déposé entre les mains de leur Roi, à l'abri de sa probité et de son amour, le fruit  des travaux pénibles de toute leur vie, et l'espoir longtemps acheté de quelque repos dans les jours de la vieillesse et des infirmités qui l'accompagnent.(Discours de Jacques Necker, ministre des finances, lors de la séance du 5 mai 1789, Archives Parlementaires de 1787 à 1860 - Première série (1787-1799) Tome VIII - Du 5 mai 1789 au 15 septembre 1789, p. 9).  Paroles de circonstances, le banquier suisse Necker n'a pas grand chose à voir avec la défense des plus humbles, nous l''avons montré, et nous en verrons un nouvel aspect un peu plus loin. Elles rappellent tous les propos des premiers libéraux sur le bonheur du peuple, hypocrites et mensongers, nous l'avons aussi déjà examiné. Et cela est encore vrai ce jour-là. Pourquoi les ministres Necker et Barentin (Charles-Louis-François de Paule de Barentin, 1738-1819, garde des sceaux) réclament-ils fermement aux députés à résoudre les problèmes de la France en quelques jours et pourquoi les nobles et les clercs s'appliquent-ils avec zèle à ce mouvement de  précipitation ? Les députés du Tiers comprennent aisément la manigance :  "Évidemment, ce délai intenable est rapidement identifié comme une manière de limiter les États généraux à une assemblée traditionnelle et à une consultation purement formelle, visant à résoudre la question fiscale.(Mazeau, 2016)D'ailleurs, pour Barentin, la situation est simple : le roi "a tout écouté avec bienveillance : les demandes justes ont été accordées". (Discours du ministre M. de Paule Barentin, garde des sceaux, lors de la séance du 5 mai 1789, Archives Parlementaires de 1787 à 1860 - Première série (1787-1799) Tome VIII - Du 5 mai 1789 au 15 septembre 1789, p. 3-4).  Pour le reste, ce sont des "chimères pernicieuses aux principes de la monarchie" (op. cité). Une façon de dire que beaucoup d'idées contenues dans les Cahiers de Doléances sont  "ces innovations dangereuses que les ennemis du bien public voudraient confondre avec ces changements heureux et nécessaires qui doivent amener cette régénération, le premier vœu de Sa Majesté.. L'histoire ne nous a que trop bien instruits des malheurs qui ont affligé notre royaume dans les temps d'insubordination et de soulèvement contre l'autorité légitime.(op. cité).   

                                           

 

 

 

    Ouverture des États généraux à Versailles 

(Salle des Menus-Plaisirs)

 

​               Charles Monnet (1732 -1819), dessinateur

                          et peintre du Roi. 

           Isidore Stanislas Helman (1743-1836), graveur

              de l'Académie des Arts de Lille en Flandre

                Eau forte et burin coloriée                

 

                                         Vers 1789     

                                               BNF,

            Département des Estampes et de la Photographie,

                                 RESERVE QB- 370 (1) -FT 4

​​

                                               

Les nobles et le clergé conservateurs veulent conserver la division de l'assemblée et le vote par ordre, alors le Tiers refuse cette assemblée de corps et réclame le vote par tête et une "Assemblée nationale", "Assemblée de représentants des communes", et bientôt "les communes"  : "..en envisageant les communes comme le peuple, la nation, et les autres ordres comme des classes sous sa protection, sous sa sauvegarde, mais forcées de lui obéir" (Journal d'Adrien Duquesnoy, député du Tiers état de Bar-le-Duc, sur l'Assemblée constituante, 3 mai 1789 - 3 avril 1790, Tome 1, 3 mai - 29 octobre 1789, Paris, Alphonse Picard et Fils, 1894,  p. 76).  Puisque personne ne rejoint les communes, le Tiers ajourne la  première séance du 6 mai.  Pendant une dizaine de jours, c'est "plutôt une cohue qu'une assemblée" ("Le Point du jour, ou résultat de ce qui s’est passé la veille aux États généraux",  samedi 9 mai 1789 : quotidien de Barère lancé le 4 mai 1789, et qui paraît jusqu'en octobre 1791 : "Le Point du jour, ou Résultat de ce qui s'est passé la veille à l'assemblée nationale").

 

Le 18 mai Mirabeau, élu du Tiers à Aix-en-Provence, après un désaveu cinglant de la noblesse lors  de sa candidature à la députation de son ordre, joue comme elle a carte de la peur, en accusant Le Chapelier, qui propose de déclarer "Assemblée nationale" la seule assemblée des communes présente,  de courir à "une dissolution qui livrerait la France aux plus terribles désordres" (Suite de la discussion des motions tendant à opérer la réunion des trois ordres, lors de la séance du 18 mai 1789,  "Archives Parlementaires..." op. cité,  Tome VIII ,   ). 

 

C'est un argument récurrent des élites, que de remettre trop en cause les institutions, prendre beaucoup de temps au débat contradictoire, c'est aller vers la confusion et le désordre.  Le 22 mai, la noblesse, par la voix d'un noble peu orthodoxe, partisan de la Révolution, du Tiers comme fondement de l'Etat, contre la noblesse héréditaire, affirme  "la renonciation de la noblesse à ses privilèges pécuniaires(Archives Parlementaires, op. cité). On  est très loin d'un consensus général, et le rapporteur de la séance note : "Cette motion trouve des contradicteurs qui sont fondés sur ce que cette renonciation ne peut être générale et indéfinie ; qu'il sera nécessaire de la particulariser".  

 

 Pendant ce temps, le roi Louis  XVI "semble de plus en plus absent et dépassé, au sens propre, par la vitesse des événements" (Mazeau, 2016). Il déclare deux mois de deuil national après la mort du jeune dauphin, le 4 juin et le député Bailly n'arrive pas à lui rendre compte de la situation, "car celui-ci continue d'aller à la chasse(op. cité).  

Revenons un moment à Necker, par le biais de son épouse, Suzanne Curchod, la mère d'Anne-Louise Germaine, devenue depuis trois ans Madame de Stael. Elle fait partie d'un certain nombre de femmes animant des cercles libéraux (pour l'économie) mais néanmoins très conservateurs du point de vue de la morale (très hostiles au divorce), et très actifs sur le plan politique depuis l'annonce de la réunion des Etats Généraux, bien décidées à les saboter.  Mme Necker a probablement écrit "une foule de libelles en forme d’apologie de son mari(Blanc, 2006).  Elle accueillit  des personnalités comme Sieyès, Condorcet ou Talleyrand. Du côté de la Cour royale, Madame de Polignac, entourée de sa belle soeur, Diane, de la comtesse Brunet de Neuilly ou de la comtesse d'Ossun réunissaient sociétés et coteries ultra à l'hôtel Fortisson à Versailles pour leurs "manoeuvres" antirévolutionnaires (Blanc, 2006).  La comtesse de Brionne, quant à elle, "fut ainsi accusée d’avoir perçu des fonds importants de la Liste civile pour faire échouer la réunion des États généraux".

Quand Madame de Stael essaie de tirer des enseignements de la Révolution Française, son aveuglement idéologique lui fait attribuer aux passions toute la responsabilité dans le bonheur ou le malheur des gens, dans la sphère privée ou publique, sans une seule réflexion sur les inégalités dus à la naissance  :

 

"Les passions, cette force impulsive qui entraîne l'homme indépendamment de sa volonté, voilà le véritable obstacle au bonheur individuel et politique. Sans les passions, les gouvernemens seraient une machine aussi simple que tous les leviers dont la force est proportionnée au poids qu'ils doivent soulever, et la destinée de l'homme ne serait composée que d'un juste équilibre entre les désirs, et la possibilité de les satisfaire. Je ne considérerai donc la morale et la politique que sous le point de vue des difficultés que les passions leur présentent; (…) Avant d'aller plus loin l'on demanderait, peut-être, une définition du bonheur; le bonheur tel qu'on le souhaite, est la réunion de tous les contraires, c'est pour les individus, l'espoir sans la crainte, l'activité sans inquiétude, la gloire sans la calomnie, l'amour sans l'inconstance, l'imagination qui embellirait à nos yeux ce qu'on possède, et flétrirait le souvenir de ce qu'on aurait perdu; (…) le bonheur sur lequel la réflexion et la volonté de l'homme peuvent agir, ne s'acquiert que par l'étude de tous les moyens les plus sûrs pour éviter les grandes peines. C'est à la recherche de ce but que ce livre est destiné."

Mad. la Baronne Stael de Holstein,  "De l'influence des passions sur le bonheur des individus et des nations". Lausanne, 1796, p. 10 et 14.

Madame de Stael, c'est aussi l'incarnation d'un féminisme bourgeois, pour sa classe, une héritière des Lumières, pour tout ce qui touche à la culture et à la liberté des privilégiés, et qui conserve comme l'ensemble des gens de son milieu, une indifférence dédaigneuse à l'égard du petit peuple :

"Dès qu’une femme est signalée comme une personne distinguée, le public en général est prévenu contre elle. Le vulgaire en juge jamais que d’après certaines règles communes, auxquelles on peut se tenir sans s’aventurer. Tout ce qui ressort de ce cours habituel déplaît d’abord à ceux qui considèrent la routine de la vie comme la sauvegarde de la médiocrité. Un homme supérieur déjà les effarouche ; mais un femme supérieure, s’éloignant encore plus du chemin frayé, doit étonner, et par conséquent importuner davantage. Néanmoins, un homme distingué ayant presque toujours une carrière importante à parcourir, ses talens peuvent devenir utiles aux intérêts de ceux même qui attachent le moins de prix aux charmes de la pensée. L’homme de génie peut devenir un homme puissant, et, sous ce rapport, les envieux et les sots le ménagent ; mais une femme spirituelle n’est appelée à leur offrir que ce qui les intéresse le moins, des idées nouvelles ou des sentimens élevés : sa célébrité n’est qu’un bruit fatigant pour eux."

Mme de Staël-Holstein,  "De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales", Tome Second, Paris, chez Maradan, 1800, pp. 154-155

    cercles   :  On ne désigne pas encore ce type d'assemblées par le mot "salon", ce sera une acception du XIXe siècle. Ce mot est alors "utilisé pour désigner les expositions de peinture de l’académie royale, de la jeunesse ou de la correspondance etc. On trouve aussi un Salon des arts - club réunissant des amateurs de peinture dans les galeries du Palais Royal - ou le « Salon Français » qui n’était pas un cercle mondain comme le suppose Antoine Lilti, Le monde des salons. Sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle, Fayard, 2005, mais un club d’activistes contre-révolutionnaires."

 

Plusieurs conférences de conciliation se succèdent et échouent. Le 13 et le 14 juin, une dizaine de curés rejoignent les communes. Le 17 juin, le doyen de l'Assemblée déclare :

 

"La dénomination d'Assemblée nationale est la seule qui convienne à l'Assemblée dans l'état actuel des choses, soit parce que les membres qui la composent s18ont les seuls représentants légitimes et publiquement connus et vérifiés, soit parce qu'ils sont envoyés directement par la presque totalité de la nation, soit enfin parce que la représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qui soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée.

 

Le 20 juin, devant une salle fermée et gardée par des troupes, au nom du roi,  les députés des communes décident de se réunir dans la salle du Jeu de Paume : "L'assemblée nationale, considérant qu'appelée à fixer la Constitution du royaume, opérer la régénération de l'ordre public, et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu'elle ne continue ses délibérations dans quelque lieu qu'elle soit forcée de s'établir, et qu'enfin partout où ses membres sont réunis, là est l'Assemblée nationale.

« Arrête que tous mes membres de cette Assemblée prêteront, à l'instant, serment solennel de ne jamais se séparer, et de rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie  et affermie sur des fondements solides ; et que ledit serment étant prêté, tous les membres et chacun d'eux en particulier, confirmeront par leur signature cette résolution inébranlable." 

décret du 20 juin 1789 sur la nécessité de ne pas se séparer avant de donner une Constitution au royaume et annonçant le serment du Jeu de Paume, "Archives Parlementaires...", op. cité. 

revolution francaise-serment du jeu de paume-david-esquisse 1791.jpg

 Serment du Jeu de Paume

       Jacques-Louis David

               (1748-1825)

 

  esquisse, dessin préparatoire

              lavis, plume   

 

      1791    66  x  101  cm 

    

                  Versailles,

        Châteaux de Versailles

                 et de Trianon,

                       France

                                 

                                     SERMENT DU JEU DE  PAUME,    

                                              liste des députés basée sur 

                              l'Indicateur du serment du Jeu de Paume

                        de  J-L David et  Pierre-Louis Prieur de la Marne (cf. plus bas) 

                                                                        ​​​

1 - Jean-Sylvain Bailly (1736-1793), mathématicien, astronome, fait la lecture du serment                dont  il est le principal rédacteur (Grenot, 2014), élu député du Tiers à Paris le 12 mai 1789         et maire de la capitale le 16 juillet.

2 - Emmanuel-Joseph Sieyès (1748-1836),  dont le père, est receveur des droits royaux et                   maître de poste à Fréjus (Var), ordonné prêtre en 1774 (cf.  Révolution Française 5 /                      Sieyès)

3 - Henri Grégoire,  dit l"abbé Grégoire (1750-1831) : cf.  Naissance du libéralisme,

       La France 4 / Henry Grégoire

4 - Jean-Paul Rabaut Saint-Étienne, dit Rabaut-Saint-Étienne (1743-1793), fils d'un pasteur             protestant du Languedoc, pasteur lui-même, qui défendra la liberté de culte pour les                   protestants avec succès, Louis XVI signant l'édit de tolérance du 7 novembre 1787.  Il                   deviendra député du Tiers pour la sénéchaussée de Nîmes  et Beaucaire (Gard, Occitanie)           le 27 mars 1789. 

5 - Christophe Antoine Gerle, dit Dom Gerle (1736-1801),  "curé rouge" (pro-révolutionnaire)          auvergnat de l'ordre des  Chartreux, natif de Riom, où il est élu député du clergé le 21 mars         1789

 6 -  Jérôme Pétion de Villeneuve (1756-1794), avocat au présidial de Chartres,  auteur  de                     nombreux mémoires moraux et politiques, élu député du Tiers le 20 mai 1789  à                            Chartres. 

7 -  François Nicolas Léonard Buzot (1760-1794), avocat d'Evreux (Eure) où il est élu député               du Tiers le  27 mars 1789, s'en prenant vigoureusement aux privilèges de la royauté, de                l'aristocratie et du clergé, il est le premier, le 6 août 1789, à demander la nationalisation              des biens de l'Eglise.

8 - Philippe-Antoine Merlin (1754-1838), surnommé Merlin de Douai (Nord), dont le père est          un cultivateur aisé. Avocat,  jurisconsulte au  Parlement de Flandre en 1773, élu député             du Tiers dans le bailliage de Douai  le 4 avril 1789. Monarchien, il travailla à la législation             entourant l'abolition de la féodalité. 

9 - Pierre Samuel Dupont de Nemours (1739-1817), économiste, physiocrate : cf. Naissance du         Libéralisme, France 3,   élu le 16 mars 1789 député du Tiers par le bailliage de Nemours à l          l 'Assemblée Nationale, où il développa une riche activité, cf. notice biographique.                10 - Robespierre : cf. notice biographique plus bas

11 -  Michel Gérard, dit "Père Gérard" (1737-1815), breton, « d'une famille de cultivateurs et         d'ouvriers aisés de la paroisse Saint-Martin des Vignes au faubourg de Rennes »                    (notice biographique de l'Assemblée Nationale), seul député issu du monde paysan, élu le            17 avril 1789.   

revolution francaise-pere gerard-gravure 1789-mucem.jpg

 

         Portrait du Père Gérard  

                                anonyme

                               1789

               Gravure en bois de fil

           coloriée au pochoir

             sur papier vergé

 

 Edité chez Jean-Baptiste Letourmy

                  à Orléans

            40,5 x 32,5 cm 

               

Musée des Civilisations de l'Europe

               et de la Méditerranée

                        (MUCEM)

                

12 -  Honoré, Gabriel Riquetti de Mirabeau (1749-1791), né au château de Bignon (Généralité            de Paris),  sur les terres de son père, le marquis de Mirabeau, Victor Riquetti qui le fit                  enfermer par lettre de cachet sur l'île de Ré : cf. aussi La prison sous l'Ancien Régime.                   Pour son élection particulière  à l'assemblée, cf. plus haut      

13 -  Antoine Joseph Marie Pierre Barnave (1761-1793), avocat de la haute bourgeoisie de                     Grenoble   (Isère, Dauphiné), qui se distingue à la Journée des tuiles avec son confrère              Jean-Joseph Mounier (cf. partie 1). Elu le 2 janvier 1789 par l'Assemblée des trois ordres            du Dauphiné, il est un des premiers à soutenir les revendications populaires et votera                  contre le veto absolu du roi. 

14 -  François Denis Tronchet (1726-1806), fils d'un procureur au parlement de Paris, devient           avocat en 1745, bâtonnier de l'ordre en janvier 1789, député du Tiers le 13 mai,                              rapporteur de différentes mesures liées à la suppression des droits féodaux. 

15 - Armand-Gaston Camus, (1740-1804), avocat parisien, élu du Tiers à Paris le 13 mai 1789,           janséniste austère et républicain, archiviste de l'assemblée à compter du 14 août 1789, il

        proposera, en particulier, d'associer les droits de l'homme à des devoirs (cf. partie 11).

16 -  Joseph Martin, d'Auch (Dauch, 1741-1801), élu député du Tiers le 26 mars 1789, dans la            sénéchaussée de Castelnaudary (généralité de Toulouse, Occitanie) où il est né ; il est le               seul député à ne pas avoir voté en faveur du  serment du Jeu de Paume.

17 -  Jean-François-César de Guilhermy (1761-1829), d'une vieille famille de robe de                             Castelnaudary (Aude, Occitanie), grand défenseur de la monarchie. député du Tiers à                  partir du 26 mars 1789. 

18 -  Jérôme Legrand (1746-1817), d'une famille bourgeoise de Châteauroux, dans l'Indre,                    avocat du roi au bailliage de Châteauroux, élu député du Tiers par le bailliage du Berry                le 26 mars 1789.

19 -  Pierre-Louis Roederer (1754-1835),  fils d'avocat, avocat lui-même qui sur l'avis de son                père acheta une charge de conseiller au parlement de Metz, élu du Tiers  le 26 octobre                1789. Il défendra les libertés à l'Assemblée (en particulier de la presse), ce qui ne                          l'empêchera pas de remplir  de multiples fonctions sous le régime liberticide de                             Napoléon  :  cf  Napoléon 1 / Roederer

20 -  Jean-François Gauthier de Biauzat (1739-1815),   avocat auvergnat, député du Tiers-Etat            dans le bailliage de Clermont le 27 mars 1789. Il s'opposera à la déclaration des droits               l'homme, à la séance du 3 août à l'Assemblée constituante.  

21 -   Louis-Marie de La Révellière-Lépeaux (1753-1824),  avocat, député du Tiers pour la                      sénéchaussée d'Anjou  (Vendée  actuelle) le 20 mars 1789,  il devint membre du comité              de constitution le 6 juillet suivant.  

22 -  Edmond-Louis-Alexis Dubois de Crancé (1747-1814), issu de la bourgeoisie                                    champenoise (son père est gouverneur de Châlons-sur-Marne),  il est élu député du                    Tiers  de Vitry-le-François (Marne) le  21 mai 1789. Il fait carrière dans l'armée, où son              père est intendant, il serait le premier à avoir proposé un service militaire (on  parlait                 alors de "conscription"). 

23 -  Nicolas Bergasse (1750-1832), avocat  issu d'une grande famille de marchands lyonnais.            En janvier 1789,  il publie une brochure intitulée  Lettre de M. Bergasse sur les États                   généraux et sera député du Tiers de Lyon, en avril 1789, de tendance monarchienne,  qui pense  que l'homme n'a  pas à inventer de nouvelles lois, mais qu'il « doit découvrir les règles raisonnables établies par Dieu. » (Carvalho, 2013) , position conservatrice qui s'oppose au « positivisme  juridique des révolutionnaire, qui rejettent la conception d'un droit idéal supérieur. (...)

             Au début des années 1780, il devient le patient du docteur Mesmer, inventeur du                        magnétisme animal, théorie qui postule l'existence d'un fluide magnétique universel                 dont  on peut faire une utilisation thérapeutique (...) En 1786,  Bergasse, en tant qu'avocat,  défend son ami Guillaume Kornmann dans l’affaire qui l’oppose à sa femme  adultère. Grâce à ce procès, il dispose d’une tribune nationale pour dénoncer violemment les institutions, la dépravation des mœurs politiques et le “pouvoir arbitraire”. La cause est retentissante, on se met à parler beaucoup moins de Necker et de Calonne que de Bergasse et de Beaumarchais ,contre qui il est amené à plaider (...) En avril 1789, il perd le procès mais gagne l’opinion publique qui lui demeure favorable.»  (op. cité)

24 -  Jacques Guillaume Thouret (1746-1794)  a pour père un notaire royal. Il devient avocat,              et sera  rédacteur des cahiers de doléances du Tiers-Etat de Normandie, où il est élu                    député à Rouen,  le 21 avril 1789.  Très opposé au clergé, il réclame la vente de ses biens              ainsi que ceux de la Couronne, qu'il affirme appartenir à la nation. Il sera au comité de                 constitution.  

25 -  Guy Jean-Baptiste Target (1733-1806), avocat au parlement de Paris., rédige les Cahiers              de doléances de Paris avec, en particulier, Ignace Guillotin et Isaac Le Chapelier, qui                     fréquentent avec  lui le Club breton. Député du Tiers le 2 mars 1789, il est à la tête d'une             députation de 36 membres du Tiers, le 27 mai 1789, pour "adjurer les membres du                 clergé...  de chercher ensemble les moyens d'établir la concorde et la paix" (notice                 biographique de l'Assemblée Nationale)

26 -  François Louis Jean-Joseph de Laborde (Laborde de Méréville, 1761-1802), fils d'un très             riche financier de Louis XV et Louis XVI enrichi par la traite négrière. Il participe                         comme Lafayette à la guerre d'indépendance américaine, député du Tiers d'Etampes.

27 -   Alexis François Pison du Galand ou Galland (1747-1826), avocat natif de Grenoble,                       député du Tiers du Dauphiné élu le 2 janvier 1789, secrétaire provisoire de l'Assemblée.

28 -   Jean-Joseph Mounier (1758-1806), avocat qui commence tôt la Révolution, en                               particulier au mois de juin, avec la Journée des tuiles (cf. partie 1).  Député monarchien,            élu aussi du Tiers dans le  bailliage du Dauphiné,  il entre au comité de Constitution le 6            juillet, dont il sera  le rapporteur : il proclamera la nécessité de faire précéder celle-ci                     d'une déclaration des droits de l'homme. 

29 -   Jean-Baptiste Treilhard (1742-1810),  avocat né dans une ancienne famille de notables                 de  Brive-la-Gaillarde (Limousin, Corrèze), mais élu député  du  Tiers à Paris. Il sera                      plus tard président du Directoire, et sera fait compte d'Empire en 1808. 

30 -    Joseph-Ignace Guillotin (1738-1814), médecin et homme politique. En 1788, il est                        "traîné devant les tribunaux pour avoir réclamé le doublement du Tiers" (Martin,                   1996).  Il sera élu député du Tiers à Paris, le 15 mai 1789, célèbre pour avoir proposé                    une machine à décapiter qui tire son nom du sien, la guillotine, qui fut mise en œuvre                pour la première fois. le 25 avril 1792 (cf. aussi N° 25, Target) 

31 -  Charles-François Bouche (1737-1795), d'ancienne et illustre famille provençale, avocat,                député du Tiers de la sénéchaussée d'Aix-en-Provence le 6 avril 1789, auteur en                             particulier d'une d'histoire de la  Provence et d'une traduction de la Déclaration des                     droits de l'homme en provençal. 

bouche-charles-francois-histoire provence-1785.jpg

 

 32 -  François Xavier Laurent (1744-1821), curé de Cuiseaux,  élu député auvergnat du clergé               dans la sénéchaussée de Moulins,  le 26 mars 1789, il abandonnera son état religieux vers             1794

33 -  Jean-Louis Gouttes (1739-1794), curé d'Argellières (Argeliers), fils d'un bourgeois de Tulle           (Corrèze),  élu du clergé pour la sénéchaussée de Béziers (Hérault, Occitanie), le 27 mars                1789 ; il appuiera la motion de Talleyrand sur la vente des biens du clergé en octobre et               il  le remplacera  à l''évêché d'Autun en 1791.

34 -   Bertrand Barère de Vieuzac  (cf. Révolution Française, partie 11

35 -    Jean-François Reubell  (Rewbell) : : cf. Napoléon 1

36 -   Anne Alexandre Marie Thibault (1749-1813), curé de la paroisse Saint-Clair de Souppes-                sur-Loing, élu député du clergé dans le bailliage de Nemours

37 -  Michel-René Maupetit (1742-1831), avocat, député du Tiers  en Mayenne, 

38 -  François-Félix-Hyacinthe Muguet de Nanthou (1760-1808), issue d'une vieille famille de              Besançon,, dans le négoce et la banque,  il devient député de la Haute-Saône le 12 avril                   1789.

39 -  Louis Marthe, marquis de Gouy d'Arsy (ou d'Arcy), 1753-1794, député de la noblesse de                  Saint-Domingue (auj. en République Dominicaine), mousquetaire du roi, il deviendra                      général en 1792. 

40 -  Pierre-Victor Malouët (1740-1814), riche planteur auvergnat de Saint-Domingue, élu                      député en mars 1789 dans le bailliage de sa ville natale de Rom (Puy-de-Dôme). Il sera                   fait  baron d'Empire en 1810 et entre au Conseil d'Etat. 

41 -   Isaac Le Chapelier (1754-1794), avocat rennais, député du Tiers Etat, 4e président de                      l'Assemblée Constituante dans la première moitié d'août 1789. 

42 -  Augustin Bernard François Le Goazre de Kervélégan  (1748-1825),  d'ancienne famille de              robe de Cornouaille, avocat lui-même, sénéchal du présidial de Quimper, élu député du                 Tiers dans la sénéchaussée de la ville. Il votera en mai pour la fin de l'esclavage. 

43 -   Jean-Denis Lanjuinais (1753-1827), avocat breton lui aussi, choisi pour rédigé les Cahiers             de doléances du Tiers de la sénéchaussée de Rennes, élu député le 17 avril 1789

44 -   Joseph Delaville Le Roulx (Laville-Leroux, 1747-1803), natif du Berry, deviendra                             armateur dans le négoce colonial, sera élu du Tiers le 21 avril 1789 dans la sénéchaussée               d'Hennebont (Morbihan, Bretagne).

45 -  Jacques-Marie Glezen (1737-1801), avocat rennais, député du Tiers de la sénéchaussée de             Rennes le 17 avril 1789, âpre défenseur des intérêts du Tiers-Etat.

46 -  Dominique-Vincent Ramel (dit Ramel de Nogaret, 1760-1829), d'une famille aisée de                     marchands, élu du Tiers dans la sénéchaussée de Carcassonne (Aude), le 23 mars 1789. Il             deviendra avocat et ministre des Finances pendant le Directoire. (cf. Napoléon 2, Du                      Directoire). 

47 -   Dominique-Joseph Garat (1749-1833) frère cadet de Dominique Garat (1735-1799), tous               deux députés  du Tiers dans le bailliage de Labourd (Ustaritz, Pyrénées-Atlantique).                       Journaliste à partir de 1777, rédacteur au Mercure de France, puis au Journal de Paris à               partir de 1781.

48 -    Jacques Antoine Creuzé de La Touche, (Creuzé-Latouche, 1749-1800), avocat, député du               Tiers dans la sénéchaussée de Châtellerault (Généralité de Poitiers) le 31 mars 1789.                      Il  travaille en particulier dans les comités des monnaies et de l'aliénation des biens                         nationaux dont il fit partie,

49 -     Michel Louis Etienne Regnaud (Regnault) de Saint-Jean d'Angély (1760-1819),  député                 du Tiers de Saint-Jean d'Angély (Charente-Maritime), le 22 mars 1789. Avocat,                                journaliste, il fonde le  Journal de Versailles en 1789  (voir aussi : Napoléon /

              Regnaud..)

50 -      Pierre-Louis Prieur, dit Prieur de la Marne (1756-1827), avocat au Parlement de                             Châlons-en-Champagne, dans la Marne, où il est élu député du Tiers le 24 mars 1789.

              « Il siégea parmi les réformateurs, et présenta de nombreuses motions empreintes de l'esprit le plus démocratique. Il demanda la prompte formation des assemblées provinciales et municipales, insista pour qu'aucune condition pécuniaire ne fût exigée pour l'éligibilité des représentants, combattit la motion d'indulgence en faveur du parlement de Rouen, défendit la cause des sociétés populaires, émit le vœu que les pauvres pussent ramasser le bois mort dans les forêts, et réclama un traitement plus élevé pour les religieux septuagénaires ou infirmes. Il fut secrétaire de l'Assemblée, prit une part active au débat sur l'organisation judiciaire, et proposa des mesures de rigueur contre les émigrés. Il réclama la destruction des monuments qui rappelaient l'ancien régime, et se montra très opposé à l'inviolabilité du roi, dans la discussion sur les mesures à prendre lors de la fuite de Varennes. »  (notice biographique, Assemblée Nationale)

Source principale :  Assemblée Nationale, « Dictionnaire  des parlementaires français  comprenant  tous les Membres des Assemblées françaises et tous les Ministres français Depuis le 1er Mai 1789  jusqu'au 1er Mai 1889... »  , dirigé par Adolphe Robert et Gaston Cougny,  Paris, trois volumes chez Bourloton, de 1889 à 1891.  

                                 base de données des députés français depuis 1789

serment jeu de paume-indicateur identification-david-prieur de la marne-1823-2.jpg
serment jeu de paume-indicateur identification-david-prieur de la marne-1823.jpg

 

  Indicateur du Serment du                 Jeu de Paume

       Jacques-Louis David

               (1748-1825)

   Hippolyte de La Charlerie

        gravure   (1827-1867)

     Louis Blanc (1811-1882)

estampe, d'après le modèle de David (vers 1790-1791) parue dans l'ouvrage de Louis Blanc (1811-1882) : "Histoire de la Révolution française"(volume III, chapitre VIII), paru en 1862.  

 

            19  x  27 cm   

    

          Musée Carnavalet

                 G.27648BIS

               Paris, France

 

Le roi Louis XVI convoque un lit de justice le 23 juin,  toujours à l'hôtel des Menus-Plaisirs de Versailles, pour tenter de rétablir son autorité, et invoque au nom du bien commun, comme nous l'avons vu plus haut avec la noblesse, les menaces de désordre :  "Je dois au bien commun de mon royaume, je me dois à moi-même de faire cesser ces funestes divisions.", n'hésitant pas à débiter des mensonges criants : "C'est moi, jusqu'à présent, qui fais tout le bonheur de mes peuples".  Il ordonne aux ordres de se séparer, mais la réaction ferme d'un Mirabeau de plus en plus à l'aise dans la peau du révolutionnaire mérite d'être citée : 

"J'avoue que ce que vous venez d'entendre pourrait être le salut de la patrie si les présents du despotisme n'étaient pas toujours dangereux. Quelle est cette insultante dictature ? L'appareil des armes, la violation du temple national, pour vous commander d'être heureux ? Qui vous fait ce commandement ? Votre mandataire. Qui vous donne des lois impérieuses ? Votre mandataire, lui qui doit les recevoir de vous, de nous, Messieurs, qui sommes revêtus d'un sacerdoce politique et inviolable ; de nous enfin, de qui seuls 25 millions d'hommes attendent un bonheur certain, parce qu'il doit être consenti, donné et reçu par tous. Mais la liberté de vos délibérations est enchaînée, une force militaire environne l'Assemblée. Où sont les ennemis de la Nation ? Catilina est-il à nos portes ? Je demande qu'en vous couvrant de votre dignité, de votre puissance législative, vous vous renfermiez dans la religion de votre serment ; il ne nous permet de nous séparer qu'après avoir fait la Constitution."  ("Archives Parlementaires..."  op. cité).  

 

Le lendemain, le 24 juin, La colère des députés se répand, ainsi que les bruits de démission de Necker, mais aussi le fait que l'archevêque de Paris est "considéré comme l'un des auteurs des déclarations royales et déjà insulté la veille, est assailli, et court le plus grand danger." (Caron, 1906)

Le 25 juin, les gardes françaises manifestent pour la révolution par une mutinerie. Le colonel du Châtelet arrête onze de ses hommes pour insubordination, "qui avaient juré de n’obéir à aucun ordre contraire à ceux de l’Assemblée" (Jules Michelet, Histoire de la Révolution Française, in Oeuvres Complètes, 1893-1898, Paris, Ernest Flammarion, vol 1, Livre premier, chapitre V,  p 213 et s), et les enferme à la prison de Saint-Germain-des-Prés. Le 30 juin, il "voulut les tirer de la prison militaire et les envoyer à celle des voleurs" (op. cité), à Bicêtre, mais une foule de plus en plus grosse se dirigea vers Saint Germain et les délivra, avant de les conduire au Palais Royal pour une fête en leur honneur. 

gardes francaises prison abbaye saint-ge
gardes francaises-palais royal-coll de v
lesueur-gardes francaises amenees au palais royal - 30 juin 1789-carnavalet.jpg
de vinck

Soirée du 30 Juin 1789. Dédiée à l'Assemblée du Palais Royal : Après avoir délivré les Gardes Françaises... , estampe de 1789, eau-forte en couleurs, 28.5 x 22 cm, collection Michel Hennin (1777-1863), puis collection des barons de Vinck de Deux-Orp, Eugène de V... (1823-1888) et Carl de V... (1859-1931), respectivement père et fils.    Leg à la  Bibliothèque Nationale de France (BNF) 

 

 

Le 1er juillet, le pouvoir renforce les forces militaires autour de Paris, avec des régiments confiés au maréchal de Broglie. Les mouvements populaires continuent de se manifester, en particulier en Bretagne (Fougères, Vitré, etc.).  Le 8 et le 9, Mirabeau demande au roi l'éloignement des troupes militaires  ("Archives Parlementaires...", op. cité). postées autour de Paris et de Versailles, proposition acceptée par la quasi totalité des députés des communes. Contrairement à ce qui est dit absolument partout, l'Assemblée nationale ne s'est pas vraiment  proclamée "constituante" le 9 juillet (le mot même est introuvable dans les archives parlementaires de ce jour-là), mais c'est un rapport en ce sens, fondateur, du comité créé pour travailler sur le sujet de la constitution, qu'a détaillé le député Mounier, du 8e bureau, sur trente, qui examinent les travaux de l'Assemblée :

"Messieurs, vous avez établi un comité pour vous présenter un ordre de travail sur la constitution du royaume... Il a fallu nous faire une idée précise du sens du mot Constitution ; et une fois ce sens bien déterminé, il a fallu considérer la constitution telle qu'elle a été entrevue par nos commettants (...) Nous n'avons pas une constitution, puisque tous les pouvoirs sont confondus, puisqu'aucune limite n'est tracée. On n'a pas même séparé le pouvoir judiciaire du pouvoir législatif. L'autorité est éparse (...) Une constitution qui déterminerait précisément les droits du monarque et ceux de la nation, serait donc aussi utile au Roi qu'à nos concitoyens (...) Appellerons-nous constitution du royaume l'aristocratie féodale, qui, pendant si longtemps a opprimé, dévasté cette belle contrée ? (...) Nous agirons comme constituants, en vertu des pouvoirs que nous avons reçus : en nous occupant des lois, nous agirons simplement comme constitués (...) Le but de toutes les sociétés étant le bonheur général, un gouvernement qui d'éloigne de ce but, ou qui lui est contraire, est essentiellement vicieux (...) il faut donc, pour préparer une constitution, connaître les droits que la justice naturelle accorde à tous les individus, il faut rappeler les principes qui doivent former la base de toute espèce de société, et que chaque article de la constitution puisse être la conséquence d'un principe.("Archives Parlementaires...", op. cité). 

droits 1

constituante   :  "Au cours de la Constituante, il y avait une présence quotidienne d'environ 700 personnes sur les 1200 convoqués. Selon le comptage des votes, les listes des députés de droite et des clubs, on peut avancer le chiffre moyen de 280 députés dans la minorité et 420 dans la majorité. Chaque vote divisait l'Assemblée en deux, mais cachait les véritables différences d'opinion, ainsi que les noms des votants, sous le prétexte de montrer une seule façade au public : celle de l'unanimité."   (Lemay, 1994)

Les droits de l'homme (1)

« le long oubli des droits du peuple »

 

 

Au mois de juillet, avaient commencé d'être présentés devant la représentation nationale différents projets de constitution. Le 3 juillet, un comité avait été chargé au préalable de "préparer le travail de la constitution" et celui-ci avait rendu son rapport le ​9 du mois, par la voix du député du Tiers-Etat Jean-Joseph Mounier (1758-1806), élu dans le bailliage du Dauphiné. Son long discours manifeste un attachement certain à la monarchie ("Depuis quatorze siècles nous avons un Roi. Le sceptre n'a pas été créé par la force, mais par la volonté de la nation... les Français ont toujours senti qu'ils avaient besoin d'un roi... nous devons un respect et une fidélité inviolables à l'autorité royales")  mais exprime une volonté de réforme du pouvoir de manière diplomatique, en soulignant "le long oubli des droits du peuple".  "que les Français ne peuvent être taxés sans leur consentement", ou encore, que le "pouvoir, en France, n'a point eu jusqu'à ce jour de base solide" .  Le comité propose de faire précéder, en préambule à la constitution, "par une déclaration des droits des hommes", ce qui ne sera pas l'avis de plusieurs députés, dont l'évêque de Langres, M. de La Luzerne, ou encore Biauzat ou Hardi

 

Comme son discours, le plan de travail proposé par le comité donne une place prépondérante au roi. Ainsi, le gouvernement monarchique serait "nécessaire au bonheur de la France » (article 2), le monarque disposerait de "droits particuliers" (article 3),  qui contribuent au "bonheur des individus"  (article 5), la nation serait représentée (article 6), d'où il découle qu'il faut "énoncer le mode de sa représentation", "déterminer comment les lois seront établies" mais aussi "exécutées" (article 7),  les deux derniers articles posant la nécessité de pouvoirs judiciaires et de police pour assurer l'ensemble des lois.  

Camille Desmoulins est alors une voix singulière et courageuse pour avoir publié un pamphlet contre le despotisme de la monarchie, les valeurs éculées de l'aristocratie, la nocivité de la religion,  et qui proclame l'impérieuse nécessité de leur extinction, pour la plus grande  liberté du peuple : 

Je n’ai voulu qu’effrayer les aristocrates, en leur montrant leur extinction inévitable, s’ils résistent plus longtemps à la raison, au vœu et aux supplications des Communes. Ces messieurs ne se haïront pas assez pour s’exposer à perdre des biens qu’il leur est si facile de conserver, & dont nous n’avons sûrement nulle envie de les dépouiller.

(...)

Continuez de vous succéder tous sur cette tribune, ô vous, nos généreux défenseurs ! tribuns éloquens, Raynal, Siéyes, Chapellier, Target, Mounier, Rabaud, Barnave, Volney, & toi surtout, Mirabeau, excellent citoyen, qui toute ta vie n’as cessé de signaler ta haine contre le despotisme, & a contribué plus que personne à nous affranchir.

(...) 

Je défie qu’on me montre dans la société rien de plus méprisable que ce qu’on appelle un abbé. Qui est-ce, parmi eux, qui n’a pas pris la soutane, cette livrée d’un maître dont il se moque intérieurement, pour vivre grassement & ne rien faire ? Y a-t-il rien de plus vil que le métier de religion, le métier de continence, un métier de mensonge et de charlatanisme continuels ? 

(...)

Chers concitoyens, il faut que ce soit un grand bien que la liberté, puisque Caton se déchire les entrailles plutôt que d’avoir un roi ;

(...)

« J’ai peine à croire ce qu’on raconte de Voltaire, que tous les ans la haine du fanatisme, réveillée par l’anniversaire de la Saint Barthelemi [Saint-Barthélémy, NDR], lui donnoit une fievre périodique et commémorative. Ce que je puis attester, c’est que me trouvant un jour à je ne sais quelle entrée de la reine dans la capitale, et voyant pour la premiere fois se déployer devant mes yeux tout le faste de la royauté, bien que j’aye l’honneur d’être François, & que je croye en avoir le cœur, je n’éprouvai point du tout cette idolâtrie qu’on assure que nous avons pour nos rois. 

(...)

Le gouvernement populaire, le seul qui convienne à des hommes, est encore le seul sage.

 

   Camille Desmoulins, « La France Libre », juillet 1789, pp. 8-9 ; 22 ; 56-57,  61

 

Le 11 juillet,  Marie Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier, marquis de La Fayette (Lafayette, 1757-1834), qui s'engagea en 1777 auprès des insurgés des Treize colonies britanniques en lutte pour l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique, est le premier à présenter son projet devant l'Assemblée, dont le tout premier point évoque évasivement la conservation de certaines distinctions sociales, prétendument fondées sur l'intérêt commun. Nous verrons plus tard  que La Fayette est cohérent avec  ses positions idéologiques conservatrice d'une société de classes sociales inégalitaires qui, comme chez Sieyès, par exemple, conservera le régime censitaire favorable aux riches. Il en découle des projets très pauvres en matière sociale :    

« -  La nature a fait les hommes libres et égaux ; les distinctions nécessaires à l'ordre social ne sont fondées que sur l'utilité générale.

- Tout homme naît avec des droits inaliénables et imprescriptibles ; telles sont la liberté de  toutes ses opinions, le soin de son honneur et de sa vie ; le droit de propriété, la disposition entière de sa personne, de son industrie, de toutes ses facultés ;  la communication de ses pensées par tous les moyens possibles, la recherche du bien-être et la résistance à l'oppression.

-  L'exercice des droits naturels n'a de bornes que celles qui en assurent la jouissance aux autres membres de la société.

- Nul homme ne peut être soumis qu'à des lois consenties par lui ou ses représentants, antérieurement promulguées et légalement appliquées.

-  Le principe de toute souveraineté réside dans la nation.

 -   Nul corps, nul individu ne peut avoir une autorité qui n'en émane expressément.

-   Tout gouvernement a pour unique but le  bien commun. Cet intérêt exige que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, soient distincts et définis, et que leur organisation assure la représentation libre des citoyens, la responsabilité des agents et l'impartialité des juges. 

-   Les lois doivent être claires, précises, uniformes pour tous les citoyens.

-  Les subsides doivent être librement consentis et proportionnellement répartis.

-  Et comme l'introduction des abus et le droit des générations qui se succèdent nécessitent la révision de tout établissement humain, il doit être possible à la nation d'avoir, dans certains cas, une convocation extraordinaire de députés, dont le seul objet soit d'examiner et corriger, s'il est nécessaire, les vices de la constitution. »

 

Archives Parlementaires, op. cité, p. 222

 

 

Le roi Louis XVI continuera malgré tout à faire la sourde oreille. Il évoque le transfert de "l'Assemblée des Etats généraux" à Noyon ou à  Soissons si "la présence nécessaire des troupes dans les environs de Paris causait encore de l'ombrage" On comprend aisément pourquoi cette réponse fait lever plusieurs membres "pour l'attaquer et la critiquer" (op. cité).  Necker est renvoyé le lendemain, remplacé par le baron Louis Auguste Le Tonnelier de Breteuil (1730-1807), très opposé aux réformes, et le 12 juillet, l'agitation populaire commence à se former en fin de matinée. Un moment s'en détache, appelé bientôt à entrer dans la légende révolutionnaire, attaché à la personne de Camille Desmoulins (1760-1794), à chacun son récit : 

"Le Palais-Royal se remplit de monde entre quatre et cinq heures après-midi : on y accourait de toutes parts. Deux bustes en cire, que l'on venait de prendre chez Curtius, y furent promenés ; et le peuple, à la vue de ces espèces de fantômes, se livrait à des conjectures extravagantes. Un jeune homme, monté sur une table, y cria : Aux armes ! tira l'épée, montra un pistolet et une cocarde verte. La foule qui l'écoutait, le regardait,  passait, à son exemple, d'un silence profond à d'horribles clameurs. On s'anime, on s'excite ; et les feuilles des arbres, arrachées en un instant, servirent de cocardes à plusieurs milliers d'hommes ; ce fut une véritable explosion, et dont le bruit dura trois jours."

Jean Dusaulx, "L'oeuvre des sept jours", in Simon-Nicolas-Henri Linguet, Mémoires de Linguet, sur la Bastille et de Dusaulx, sur le 14 juillet, page 273, Paris, Baudouin fils, 1821. 

  Curtius   : Philipp Wilhelm Matthias Kurtz ou Mathé-Curtz, dit Curtius, 1737-1794, médecin anatomiste et sculpteur.

" Le 12 juillet, il [Curtius] aurait prêté les deux bustes en cire de Necker et du duc d'Orléans que la foule promena dans tout Paris. Aussi, dit-il « je puis me glorifier que le premier acte d ela Révolution a commencé chez moi »"  Louis-Guillame Pitra, La journée du 14 juillet... : cf. Révolution Française, 13 et 14 juillet 1789

"Un jeune homme, Camille Desmoulins, sort du café de Foy, saute sur une table, tire l'épée, montre un pistolet : Aux armes ! les Allemands du Champ de Mars entreront ce soir dans Paris pour égorger les habitants ! Arborons une cocarde ! Il arrache une feuille d'arbre et la met à son chapeau tout le monde en fait autant ; les arbres sont dépouillés.

« Point de théâtres, point de danse ! c'est un jour de deuil ! » On va prendre au cabinet des figures de cire le buste de Necker ; d'autres, toujours là pour profiter des circonstances, y joignent celui d'Orléans. On les porte couverts de crêpes à travers Paris ;  le cortège, armé de bâtons, d'épées, de pistolets, de haches, suit d'abord la rue Richelieu, puis, en tournant le boulevard, les rues Saint-Martin, Saint-Denis, Saint-Honoré, et vient à la place Vendôme. Là devant les hôtels des fermiers généraux, un détachement de dragons attendait le peuplé ; il fondit sur lui, le dispersa, lui brisa son Necker ; un Garde-française sans armes resta ferme et fut tué."    (Michelet, op. cité, p 223)

"Camille Desmoulins, irrité et résolu, fougueux au milieu d'un groupe, exaltant ses voisins, exalté par eux, saisissant dans la foule des symptômes de colère, poussé par ceux qui l'entourent, et se faisant comme le portevoix de tous, monte sur une table, et, dans ce moment d'enthousiasme, domptant son léger bégayement d'habitude : « Citoyens, s'écrie-t-il, vous savez que la nation entière avait demandé que Necker lui fût conservé?. J'arrive de Versailles. Necker est renvoyé! Ce renvoi est le tocsin d'une Saint-Barthélémy de patriotes. Ce soir, tous les bataillons suisses et allemands sortiront du Champ de Mars pour nous égorger. Il n'y a pas un moment à perdre Nous n'avons qu'une ressource, c'est de courir aux armes et de prendre des cocardes pour nous reconnaître ! (...)  Quelles couleurs voulez-vous pour nous rallier? continuait Desmoulins. Voulez-vous le vert, couleur de l'espérance, ou le bleu de Cincinnatus, couleur de la liberté d'Amérique et de la démocratie? La foute répond Le vert! le vert! Des cocardes vertes! Et cette révolution commence comme débute le printemps. Camille attache, le premier, un ruban vert a son chapeau. Les arbres du jardin, dépouillés de leurs feuilles, fournissent des cocardes aux citoyens électrisés. C'est une pluie de verdure sous les branches des tilleuls ;"

Jules Claretie (1840-1913), "Camille Desmoulins, Lucile Desmoulins : étude sur les Dantonistes : d'après des documents nouveaux et inédits", Paris, Plon et Cie, 1875. 

     une table    :  Dans une lettre, le citoyen Beaubourg rappellera au bouillant révolutionnaire  qu'il "fut le premier qui aida M. Desmoulins à monter sur la table magique du Palais-Royal qu'entouroient des milliers de citoyens.

Correspondance inédite de Camille Desmoulins, député à la Convention nationale: publiée par M. Matton aîné, P. Ebrard , 1836, "Porte-Feuille de Camille Desmoulins",  p 31.

desmoulins
curtius
daumier-camille desmoulins-palais royal-
camille desmoulins-palais royal-cafe de

 

Camille Desmoulins au Palais Royal,      dessin à la craie, 55. 5  x 44.7 cm, 

        Honoré Daumier   (1810-1879)

   Musée Pouchkine, Moscou, Russie. 

 

 

Camille Desmoulins

devant le café de Foy,

anonyme, 1789,

 

Musée Carnavalet

revolution francaise-lesueur-premiere scene-1789-90-carnavalet.jpg

                                     

 

 

           Première Scène de la                      Révolution Française à Paris. 

                   12 juillet 1789

      

          Jean-Baptiste Lesueur

           peintre, dessinateur

                (1749-1826)

           

               Dessin, Gouache                       Ensemble de 83 gouaches

              ré volutionnaires

              

        1789-1790    36  x   53,5 cm 

               Musée Carnavalet 

                         D. 9055

                      Paris, France

​​

 

 

Camille Desmoulins a beau être fils d'un lieutenant de bailliage, c'est grâce à M. de Viefville des Essarts, ancien avocat au Parlement parisien, s'il obtient une bourse au collège Louis-le-Grand, car le "malheur était que l'éducation complète à cette époque coûtait cher.(Clarétie, op. cité)  Il y connut Robespierre, de deux ans son aîné et boursier comme lui, "entretenu à paris par le collège d'Arras(op. cité).  En 1785, il prête serment comme avocat au Parlement de Paris mais plaide rarement à cause d'un bégaiement, pas "le bégayement ordinaire, l'infirmité désagréable; c'était plutôt le balbutiement de l'homme troublé qui cherche à se remettre de son émotion; au début de la phrase et comme mise en train, si je puis dire, il laissait échapper des hon, hon multipliés (Monsieur Hon, c'était le nom que Lucile [sa femme, NDA] donnait à Camille)(op. cité).  Le 5 mars 1789, a lieu la première assemblée électorale à Guise, en Picardie, patrie de Desmoulins, présidé par le père de Camille, lieutenant général au bailliage de Vermandois, élu mais qui renonce pour raison de santé, tandis que sera élu dans la seconde assemblée Lucie Simplice Camille Benoît Desmoulins. Bientôt, il signera son Ode aux Etats-Généraux par Camille Desmoulins, avocat, député du bailliage de Guise (op. cité).   

lallemand j-b-charge prince lambesc-12 j

 

 

Jean-Baptiste Lallemand (1716-1803), La Charge du prince de Lambesc (1751-1825) dans le jardin des Tuileries, le 12 juillet 1789

 

Paris, musée Carnavalet.

Dans la journée du 12 juillet 1789 toujours, Charles-Eugène de Lorraine, prince de Lambesc (1751-1825), propriétaire du régiment de cavalerie du Royal-allemand, qu'il a acheté au prince de Nassau-Siegen en 1785,  avait chargé la foule aux Tuileries et "un vieillard appelé Chauvet avait été renversé  par le cheval du prince de Lambesc et dangereusement blessé." (Journées mémorables de la Révolution Française racontée par un Père à ses Fils, ou Récit Complet des événements qui se sont passés en France depuis 1787 jusqu'en 1804, par M. le Vicomte [Joseph-Alexis] Walsh, Paris, librairie de Poussielgue-Rusand, rue Hautefeuille, 1837, tome I, p 263). Les gardes françaises avait "déserté la cause royale"  pour "prendre sous leur protection la populace dispersée" avant d'attaquer le Royal Allemand, blessant et tuant quelques soldats. Mais ce dernier ayant eu "des ordres formels, ne riposta pas" (op. cité, ).  En début de soirée Besenval (Pierre Victor, baron de Besenvalde Brünstatt, 1721-1791) donne l'ordre aux troupes suisses cantonnées au Champ de Mars d'intervenir. Il occupe un moment la place Louis XV (future place de la Concorde), mais il craint "d'engager ses troupes dans les rues étroites de Paris, au milieu des fureurs et de la multitude" (Jean-Charles-Dominique de Lacretelle, 1766-1855,  Histoire de l'Assemblée constituante, Paris, Treuttel et Würtz, 1821, p. 74)

champ de mars-12 juillet 1789-estampe- b

 

 

 

"Vue du Champ de Mars le 12 juillet 1789  :

Camp des Regiments de Diesbach Chateauvieux

Salis Samath Suisses Berchini et Chamborand Hussard.

Les citoyens de Paris allant voir ce camp."

 

Estampe, eau-forte,

 

19.5 x 28 cm,

 

BNF, département Estampes et photographies.

 

Le 14  juillet :   voir partie 8, La prise de la Bastille

 

une alliance

 

«...une alliance auguste

 

et

éternelle...»

cocarde tricolore-1789-1815-paris-musee

 

cocarde tricolore en lin,

             1789-1815,

régiment en Italie,

 

Paris, Musée Militaire

On connaît depuis longtemps en France "de nombreuses combinaisons du rouge et du blanc, du bleu et du blanc. L'arrivée au pouvoir des Bourbons va populariser la combinaison des trois couleurs, la livrée royale les utilisant jusqu'à  Louis XVI et même Charles X. On avait d'ailleurs vu ces trois couleurs mêlées dès les Valois et même avant."  (Pinoteau, 1992).   

 

"Le galon de la Livrée Royale qui étoit de mode lors du mariage de Louis XIV étoit en Echiquier à carreaux blancs, rouges & bleus, opposés les uns aux autres, comme cela paroît  par des Tapisseries de la Couronne

Beneton de Morange de Peyrins, "Traité des marques nationales, Paris," 1739,

p. 303

Beneton de Morange de Peyrins, Traité de
tapisserie-gobelins-1732-35-audience lou

     

 

 

Audience accordée par Louis XIV au comte de Fuenté,  ambassadeur du roi d’Espagne, au Louvre le 24 mars 1662,

                                                  détail

       Atelier de Jean de la Croix, d'après Pierre Ballin, frère de                   l'orfèvre du roi Claude Ballin (1615-1678).     

              tapisserie              3,76  x  5,73  mètres 

 

                          vers   1732-1735

             Château de Versailles et de Trianon,  

 

La tenture de l'Histoire du Roy est conçue à partir de 1664 par Charles Le Brun (1619-1690) et Adam Frans van der Meulen (1632-1690). Elle est composée de quatorze tapisseries réalisées à la Manufacture des Gobelins, quatorze thèmes relatifs aux grands événements politiques ou militaires du début du règne de Louis XIV, depuis son sacre (7 juin 1654) jusqu'à la prise de Dôle (14 février 1668).    

 

La scène se tient dans le grand cabinet du Roi au Louvre, entre la chambre de parade et le salon du Dôme. Le roi et l’ambassadeur se tiennent derrière la balustrade. A l'extrême droite se tient l'homme de service, "vêtu d’un justaucorps orné des anciens galons de la livrée du roi : des carreaux bleus, blancs et rouges."  (Lafabrié,  2011).  

  

 

Le 15 juillet 1789 (et peut-être même le 14), les Français, toutes conditions sociales confondues, portent la cocarde tricolore, distribuée aux députés venant de Versailles à Paris, mais aussi au roi, officiellement par La Fayette, commandant la nouvelle Garde nationale créée le même jour,  et Jean-Sylvain Bailly, le maire de Paris, le 17 juillet, à l'Hôtel de Ville, qui prononce un discours de réception : "Quel jour mémorable que celui où Votre majesté est venue siéger en père au milieu de cette famille réunie.  […] c’est l’époque d’une alliance auguste et éternelle entre le monarque et le peuple »

J-S Bailly,  cité par le député du Tiers-Etat du Berry, Etienne-François Sallé de Choux, dans son rapport sur la visite du Roi à Paris, lors de la séance de l'Assemblée Nationale du 17 juillet 1789 ; 

Archives parlementaires de 1787 à 1860. Première série, 1789-1799, Paris, Paul Dupont, puis CNRS, volume VIII, 1875,  p.  246

 

La cocarde tricolore se propage vite dans toute le pays, "comprise comme représentant les trois ordres, pourtant déjà unis dans l'assemblée nationale constituante dès la fin de juin, ou comme représentant le seul tiers état"  (Pinoteau, op. cité).   Le 4e bureau du comité militaire provisoire, supervisant la garde nationale, adopte à son tour la symbolique tricolore dans son costume. Il existe des indices désignant le duc d'Orléans comme initiateur de cette cocarde : Elle fut fabriquée à la fois en très peu de temps, alors même que le duc était en train de fabriquer du matériel de propagande héraldique. La Fayette a pu aussi rajouter du blanc dans cette cocarde bleue et rouge aux couleurs de "la livrée du duc d'Orléans qu'il détestait et il considéra qu'il fallait la nationaliser"  (op. cité).   Rappelons que La Fayette, en Amérique, avait été frappé par l'utilisation du bonnet de liberté, de type phrygien ou non, d'origine antique, porté par des indépendantistes qui luttaient entre 1776 et 1783 contre la domination des Anglais . Cette nouvelle symbolique fut appliquée aux drapeaux, mais les premières bandes de couleurs étaient souvent horizontales. Mais la crainte de la confusion, avec les marines de guerre et marchande des Provinces Unies (Pays-Bas), arborant des pavillons à bandes horizontales fera, entre 1789 et 1794, adopter progressivement les bandes verticales  (op. cité).   Ce drapeau prendra officiellement naissance par un décret de la Convention nationale le 15 février 1794 (27 pluviôse an II).  Adoptée par des petits ou des Grands, des faibles ou des Puissants, la cocarde, comme le bonnet réunissent les Français plus sur des valeurs libérales  d'émancipation,  de liberté, qu'égalitaires. 

Que ce soit la cocarde ou d'autres manifestations patriotiques, on voit bien que si, petit à petit, se renforce l'idée de nation commune, ce nouveau récit national en train de s'écrire forme une sorte de vernis superficiel qui ne masque guère les profondes inégalités entre les révolutionnaires. Beaucoup d'aristocrates, et encore plus de bourgeois, nous l'avons vu, prennent en marche, après les riches Britanniques, le train de la révolution plutôt industrielle ou financière que sociale. Prenons l'exemple de l'ex-comtesse de Lachâtre, issue de la grande aristocratie financière, petite-fille de Teyssier, l'homme d'affaires du financier Samuel Bernard, comte de Coubert  (1651-1739), mais aussi héritière de Nicolas Beaujon, banquier royal richissime qui avait épousé la sœur de son père.  Et tout ce petit monde a de quoi embrasser la révolution, qui va le débarrasser de beaucoup d'entraves et lui donner les clefs du pouvoir.  Mme de Lachâtre est alors vertement critiquée par d'Espinchal  dans son Journal d'émigration, comme "une des plus zélées patriotes", faisant des apparitions "aux tribunes de l'assemblée", visible "dans les jardins et promenades publiques, suivie d’une cour révolutionnaire", se faisant "remarquer au Champ de Mars avec la princesse de Broglie et quelques autres de sa trempe lorsqu’il a été question d’y élever l’autel de la patrie pour la fédération du 14 juillet 1790."  Dans son boudoir parisien, on voyait passer tous ces "traîtres" à leur caste d'origine, toujours selon Espinchal, comme Mme de Fontenay ou Mme de Lameth qui,  comme elle, mettaient leur grande fortune au service du camp libéral.  Dans ses Souvenirs, la fille des Lameth,  Marie, la future Mme Scipion de Nicolay, raconte que Robespierre prenait fréquemment des repas chez ses parents avec "ceux des députés du tiers état dont les ressources n’étaient pas assez considérables pour bien vivre à Paris".  Robespierre justement,  critiquera  la motion de Lally-Tollendal, pendant la séance du  2 juillet 1789 à l'Assemblée nationale, et son nom apparaît à cette occasion pour la première fois dans le N° 21 du Moniteur universel  :

« La paix règne enfin dans la capitale ; chaque jour vous la voyez se raffermir de plus en plus ; mais chaque jour aussi l'on apprend que la commotion va se faire éprouver successivement dans les autres villes, si l'on ne prend des mesures pour l'arrêter dans les villes lointaines. (...)  C'est à nous à nous opposer aux torrents de sang qui sont prêts à couler. Quand le Roi est venu nous dire de ramener la paix, de sauver l'Etat, invoquer notre autorité, serait-il juste de l'abandonner et de ne pas lui suggérer un seul moyen à la place de ceux qu'il a réprouvés ? (...)   L'Assemblée nationale a invité et invite tous les Français à la paix, à l'amour de l'ordre, au respect des lois... (...) Déclare que quiconque se porterait à enfreindre tous ces devoirs sera regardé comme un mauvais citoyen ; Déclare que tout homme soupçonné, accusé arrêté, doit être remis dans les mains du juge naturel qui doit le réclamer ; Déclare enfin, en attendant l'organisation qui pourra être fixée pour les municipalités, qu'elle les autorise à former des milices bourgeoises, en leur recommandant d'apporter la plus sévère attention à cette formation, et de n'admettre que ceux qui sont incapables de nuire à la patrie et capables de la défendre. » (Lally Tolendal, séance de l'Assemblée du 20 juillet 1789, Archives parlementaires, op. cité, p. 252)

« Il faut aimer la paix, mais aussi il faut aimer la liberté. Avant tout, analysons la motion de M. de .Lally. Elle présente d'abord une disposition contre ceux qui ont défendu la liberté. Mais y a-t-il rien de plus légitime que de se soulever contre une conjuration horrible , formée pour perdre la Nation ? L'émeute a été occasionnée à
Poissy, sous prétexte d'accaparemens ; la Bretagne est en paix , les provinces sont tranquilles , la proclamation y répandrait l'alarme, et ferait perdre la confiance. Ne faisons rien avec précipitation : qui nous a dit que les ennemis de l'Etat seront encore dégoûtés de l'intrigue. »  
(
Robespierre, séance du 20 juillet 1789 à l'Assemblée Nationale,  Gazette Nationale ou le Moniteur universel (séance datée par erreur du 2 juillet), N° 21, du 20 au 21 juillet 1789, p. 91). 

Le 25 juilletcontre Mirabeau, Robespierre s'oppose à l'inviolabilité du secret de la correspondance dans un moment révolutionnaire :  « Sans doute, les lettres sont inviolables, je le sais, j'en suis convaincu mais lorsque toute une nation est en danger, lorsqu'on trame contre sa liberté, lorsqu'on proscrit les têtes respectables des citoyens, ce qui est un crime dans un autre temps devient un action louable. »  

Intervention de Robespierre à l'Assemblée Nationale, séance du 27 juillet 1789, dans Le Courrier de Versailles à Paris, tome  II, n° 21, p. 7., cf. "Œuvres Complètes de Maximilien..". op cité,  Tome VI, Discours (1e partie), Paris, Presses Universitaires de France, 1950, p. 46 ; cf aussi  la version des Archives Parlementaires, op. cité, p. 279

           Sur 1154 députés issus des Etats Généraux 

 

        « Robespierre réussit à faire partie, non seulement des 149 orateurs qui interviennent "souvent", mais à l'intérieur de ce groupe, il est un des 53 orateurs qui parlent "très souvent"  » 

 

Lemay, 1994, citations du "Dictionnaire des Constituants" de 1789 à 1791, dirigé par l'auteure, avec la collaboration de C. FAVRE LEJEUNE, la participation de Yann FAUCHOIS, Joël FELIX, Marie-Laurence NETTER, Jean-Louis ORMIÈRES et l’assistance d’Alison PATRICK, préface de François Furet, Voltaire Foundation-Oxford, Universitas-Paris, 1991 : vol. II,  app. V, "Les grands orateurs", p. 996-997. 

 

robespierre-bio1
robespierre-memoire pepin-d-herlin-dubois-1786.jpg

           Maximilien Robespierre (1758 - 1794)

               « très-exagéré dans ses principes démocratiques » *

                                         

                                 6 mai 1758 - 18 mai 1789

                             

 

6 mai 1758 Né dans une famille de gens de robe, bourgeois de Carvin (20 km d'Arras) puis d'Arras, où il voit le jour, Maximilien Marie-Isidore Derobespierre (de Robespierre), est l'aîné de trois sœurs (Charlotte Marie Marguerite (1760), Henriette Eulalie Françoise (1761), et une dernière qui mourra quelques heures après sa naissance (1764) et d'un frère, Augustin-Bon, surnommé Bonbon, né en 1763. 

revolution francaise-robespierre-acte de baptême-naissance.jpg

 Acte de baptême de Robespierre, 

paroisse de Sainte-Marie-Madeleine à Arras (Pas-de-Calais).

     Archives départementales

              du Pas-de-Calais

revolution française-robespierre-lettre mlle dehay-arras 6 juin 1788.jpg

 Lettre autographe du 6 juin 1788

signée  "de Robespierre", adressée

très certainement à Mlle Dehay, amie de sa sœur Charlotte

                coll. particulière

 

Rien de noble dans la particule portée encore par le  père et grand- père de l'Incorruptible, et pourtant, selon Cécile Obligi, la "famille affecte depuis la fin du XVIIe siècle une noblesse douteuse"  (Obligi, 2016), qui expliquerait peut-être que la branche des Robespierre d'Arras ne sont pas inscrits sur les registres de l'Echevinage concernant les "« réceptions à la bourgeoisie » (2).  Alors que les plus humbles des artisans, aussi bien que les habitants bien rentés et les nobles, avaient la prévoyance pour échapper à l'onéreux droit d'Ecart, dit aussi Quart forain (3), de se faire recevoir bourgeois, ni Maximilien Ier ni ses fils et petits-fils ne prirent cette précaution. Cependant par leur mariage avec des filles de « bourgeois, » les biens de celles-ci tombaient sous le coup du droit    d'Ecart. Il faut, pour l'instant, renoncer à trouver le motif de cette négligence des Robespierre d'Arras à entrer dans la grande famille arrageoise, alors que pour éviter le droit de mutation précité tout les y conviait.

(...)

2. A Arras, la seule résidence ne fait pas le bourgeois et la naissance même n'y donne pas droit. Il faut, dit Maillart (Coutumes d'Artois, p. 192), être reçu bourgeois par les maire et échevins et y avoir la résidence durant un an. La réception avait lieu gratis pour cause de pauvreté, mais aussi, par encouragement, les artisans ou gens mécaniques étaient souvent exempts du droit qui variait entre 10 et 100 livres. C'est ainsi que l'imprimeur César Duchamp, qui venait de Tours, fut reçu gratis en 1702, sur recommandation de l'évêque d'Arras. (Arch. d'Arras, série BB. Reg. aux Bourgeois).

 

3.  Le droit d'Ecart ou quart forain consistaient en ceci : quand les biens d'un bourgeois passent à un forain, c'est-à-dire à non bourgeois par mariage, donation ou succession, la Ville prend, «le quart des immeubles situés dans l'Echevinage et sa banlieue et la moitié des meubles et rentes. » (Guyot ; Répertoire de Jurisprudence. Paris, Visse, 1714 ; in 4° .Tome VI, p. 579)."   (Lavoine, 1914)

Au début de la Révolution, Maximilien se débarrassera et de la particule et du blason de la famille (rappelons que  les nobles ne sont pas seuls à se doter d'armoiries, que possèdent des corporations ou, plus généralement, des bourgeois). 

1764   :   Décès de sa mère, Jacqueline Marguerite Carrault, née en 1735,  huit jours après la naissance de sa troisième sœur, qui suivra sa mère peu après. Sur les conseils de ses amis, le père gravement déprimé part voyager en Angleterre et en Allemagne, en confiant ses filles à leurs tantes paternelles (qui entreront ensuite au couvent) et les garçons à leur grand-père maternel. Il revient à Arras discrètement, traite plusieurs affaires et cette fois, abandonne définitivement sa famille, refaisant sa vie en Allemagne, à Munich, où il meurt en 1777.   

13  octobre 1769 (-1781)    :   Boursier du collège d'Arras (tenu par les Jésuites de 1603 à 1762, repris par les Oratoriens à partir de 1777 et dépendant de l'abbaye Saint-Vaast / Saint-Waast), il entre comme étudiant en droit au collège  Louis-le-Grand à Paris, et sa bourse sera attribuée ensuite à son frère Augustin  (Leuwers, 2013). Il y rencontrera son condisciple Camille Desmoulins en 1771.

 

15 juin 1775     :     Le roi est de retour de son sacre à Reims, et on a longtemps cru à une légende colportée par l'abbé Proyart, préfet du collège Louis-le-Grand, qui racontait dans ses Mémoires que le monarque avait fait une halte au collège,  où le jeune Robespierre aurait été choisi (il était excellent élève) pour prononcer "un compliment en vers" au roi. En réalité, Hervé Leuwers a pu montrer que Louis XVI était rentré directement à Versailles  (Leuwers, 2014)

31 juillet 1780   :     Reçu bachelier en droit de la faculté de Paris

 

  15 mai 1781     :     Obtention de la licence en droit

​ 9 mars 1782     :     Nomination au poste « d’homme de fief gradué, lui permettant d’avoir la capacité de juger les affaires en matière criminelle et civile pour la cité d’Arras. En tant qu’avocat, il est très apprécié par ses pairs ainsi que par le second président du Conseil. En tout, il plaidera entre 12 et 24 affaires devant le Conseil d’Artois, intervenant dans une vingtaine d’audiences par an entre 1782 et 1789 ». 

(Clément Mazel, article de "Valorisation su patrimoine et Humanités numériques | La mise en valeur du patrimoine par les Licences d'Histoire d'Albi", Institut national universitaire Jean-François-Champollion (INUC). 

1782 - 1783    :   Un avocat de Saint-Omer, Charles-Dominique de Vissery de Boisvallé (Bois-Valé), engage Robespierre en octobre pour le défendre dans une affaire de paratonnerre. Passionné de sciences, et s'inspirant de l'invention de Benjamin Franklin,  avait installé un dispositif ad hoc en 1780 qui avait fini par  inquiéter les habitants de son quartier. Ces derniers déposent une requête contre lui afin de détruire l'appareil et Antoine Joseph Buissart (1737-1820), surnommé "baromètre"; de l'académie d'Arras depuis 1777, juge très lié à Robespierre, défend les partisans de la science en écrivant des mémoires, en correspondant avec des savants (et en particulier Condorcet) pour constituer un dossier solide. Lui-même avait écrit en 1781 un Mémoire sur les avantages de la multiplicité des conducteurs électriques ou paratonnerres  (Parsis-Barubé, 1990)

 

que Robespierre plaidera avec succès le 31 mai 1783  ("Œuvres Complètes de Maximilien Robespierre, Première partie, Robespierre à Arras, Tome II, Les Œuvres judiciaires (1782-1786), Paris, Ernest Leroux, 1913, pp. 129-135) :  « La cour met l'appellation et ce au néant, émendant, permet à la partie de M" de Robespierre de rétablir son par-à-tonnerre. »   (Hamel, 1865 : p. 42)

Robespierre a alors commencé d'être connu par un plus large public, grâce à cette affaire dont "les journaux de la République des lettres et des sciences ont rendu compte de manière élogieuse(Leuwers, 2013/c)

15 novembre 1783     :   Succède  à l'avocat Nicolas-Aubert de Crespioeul sur le 4e fauteuil de l'académie royale d'Arras, dont il deviendra le directeur le 4 février 1786.

(sur le féminisme de Robespierre, cf. l'admission dans cette Société savante de Louise-Félicité Guynement de Kéralio-Robert, dans Gracchus Babeuf).  Son ami Buissart occupe quant à lui le 26 e fauteuil depuis 1777.  Il y fréquentera Ferdinand Dubois de Fosseux, secrétaire de l'Académie entre 1785 et 1792 (cf. aussi  Gracchus Babeuf ) ou encore l'ingénieur Lazare-Nicolas-Marguerite Carnot (1753-1823, élu en avril 1786), qui fréquenteront comme lui le cercle des Rosati (cf. plus bas), sans parler des loges maçonniques (La Constance ; L'Amitié ; Sophie-Magdeleine, reine de Suède ; Amis-Réunis), autres réseaux de sociabilité de l'époque.  que Robespierre n'a pas fréquenté (Mollier, 2019). 

1783-1784     :    Robespierre se fait remarquer dans sa province, en 1783, particulièrement, dans l'affaire Déteuf, pour laquelle il  publiera un Mémoire (factum) l'année suivante, pour la défense d'un "maître cordier à Marchiennes" du nom de Déteuf , accusé injustement "d'avoir soustrait une somme de 262 louis à Dom Brongniard", receveur de l'abbaye d'Anchin, qui est lui-même l'auteur de malversations (Œuvres Complètes de Maximilien Robespierre, op. cité,  pp. 234-254). Dans son Mémoire, l'avocat retrace l'entreprise de séduction du religieux envers la sœur de l'accusé, Clémence Deteuf, qui le repousse, et suscite chez lui des idées de vengeance. L'abbaye d'Anchin finira par accepter un accord d'indemnisation des victimes, pour 6000 livres, le 27 mai 1786. 

« il faut donc que la Communauté dont il fait partie, et qui possède tous les biens auxquels il participe, nous réponde du tort qu'il nous a fait.

Si l'on rejette cette conséquence, il faut rejetter aussi le principe fondamental d'ou elle dérive nécessairement. Il faut dire que les Religieux sont exempts de l'obligation imposée à tous, de réparer le mal qu'ils ont causé ; qu'il y a dans l'Etat une classe de citoyens qui ont le privilège de fouler aux pieds les droits de tous les autres, sans que ceux-ci puissent leur demander aucun dédommagement; qui, pourvu qu'ils évitent certains délits auxquels les loix ont attaché des peines afflictives, peuvent attenter impunément à nos biens, à notre repos, à notre honneur. Une pareille institution seroit un monstre dans l'ordre civil. »  ("Robespierre,  Mémoire pour François Déteuf,  demeurant au village de Marchiennes ; Contre les Grands-Prieurs et Religieux de l'Abbaye d'Anchin", dans Œuvres Complètes..., op. cité, pp. 242-243).  

Doté d'un sens aigu de l'injustice, Robespierre va, entre 1784 et 1789,  défendre différentes causes d'inéquité sociale, avec une particularité d'ordre révolutionnaire qu'on peut appeler « défense de rupture »  mettant « en cause la légitimité des juges inférieurs et la pertinence du droit en vigueur, renforcés par l’ethos de l’avocat « des malheureux », donnent aux écrits de Robespierre toute leur force »  (Leuwers, 2013/b)

1784   :   « Discours adressé à Messieurs de la Société Littéraire de Metz sur les questions suivantes proposées pour sujet d'un prix qu'elle doit décerner au mois d'août 1784.

Quelle est l'origine de l'opinion qui étend sur tous les individus d'une même famille, une partie de la honte attachée aux peines infamantes que subit un coupable ? Cette opinion est-elle plus nuisible qu'utile ? et dans le cas où l'on se décideroit pour l'affirmative, quels seroient les moiens de parer aux inconvéniens, qui en résultent. », publié sous le titre :  « Discours couronné par la Société royale des arts et des sciences de Metz, sur les Questions Suivantes...», Amsterdam, 1785 : 

« Je voudrois aussi que la loi n'imprimât plus aucune espece de tache aux bâtards; qu'elle ne parut point punir en eux les foiblesses de leurs peres en les écartant des dignités civiles et même du ministere ecclésiastique.  Pourquoi se persuader que les
vices de ceux qui leur ont donné le jour, leur ont été transmis avec leur sang ? Je ne proposerois pas cependant de leur accorder les droits de famille, & de les appeller avec les enfans légitimes à la succession de leurs parens  : non,  pour l'intérêt des mœurs, pour la dignité du lien conjugal , ne souffrons pas que les fruits d'une union illicite, viennent partager avec les enfans de la loi les honneurs & le patrimoine des familles, auxquelles ils sont étrangers à ses yeux ; laissons aux cœurs des citoyens qu'égare l'ivresse des passions, la  douleur salutaire de ne pouvoir prodiguer librement toutes les preuves de leur tendresse aux gages d'un amour que la vertu n'approuve pas » 
 op. cité, p.  46

On voit bien ici certaines limites intellectuelles imposées à Robespierre par les mentalités sociales de son temps, auxquelles très peu échapperont. 

1786     :    Le 27 avril, Robespierre prononce un discours  à l'Académie d'Arras, intitulé « Observations sur cette partie de la législation qui règle les droits et l'état des Bâtards »

                       Au mois de mai, Robespierre défend une Anglaise, Marie Sommerville, veuve Mercer, « incarcérée pour dette à Saint-Omer  en vertu d’un privilège urbain d’Artois et de Flandre, dit des villes d’arrêt, qui permet aux créanciers de faire saisir les biens meubles de débiteurs étrangers dont on craint la fuite, voire de les faire incarcérer. »  (Leuwers, 2013/b)

"elle ne put trouver à leur première requisition l'argent qu'ils lui demandoient ; aussi tôt non-contens d'avoir saisi ses meubles avec des circonstances qui changeoient cette exécution en une expédition militaire, on fondit dans sa maison ; on l'arracha de son appartement ; on la traîna aux yeux d'un peuple immense ; on la plongea dans une prison infecte ; elle y entra malade; elle y seroit morte, si elle  n'avoit trouvé de l'argent ; elle demanda aux Juges de la Ville la vengeance de tant d'outrages, et les Juges ne l'ont pas vengée ; et ils l'ont condamnée à rester ensevelie» dans leurs prisons. » (Robespierre, "Réplique pour dame Marie Sommerville...",  Œuvres complètes..., op. cité, p. 337)

On notera encore la forte emprise de la vision sexuée de la société (et même ici, du respect des ordres sociaux) chez Robespierre, dont la première question aux juges sera :  « Une femme peut-elle être emprisonnée pour dettes, en vertu du privilège des Villes d'arrêt ? »  Ou encore : « elle mit toujours dans sa conduite la dignité qui convenoit à son sexe et à son rang;»  (op. cité)

                           

Le 21 juin, il est reçu à la société chantante, épicurienne et anacréontique des Rosati (fête symbolique des roses, mais aussi anagramme de l'Artois),  formée près d'Arras, à Blangy, le 12 juin 1778, par des étudiants en droits et de jeunes avocats, que l'on retrouvent pour partie dans les loges maçonniques ou l'Académie de l'Artois   (Parsis-Barubé, 1990). 

                      En décembre, « devant le Conseil d’Artois, son objectif est d’obtenir la révision d’une sentence de la justice échevinale de Béthune qui a condamné la dame Page, convaincue d’usure, à l’amende honorable, au carcan et à trois années de bannissement ; il l’attaque sur le fond (il n’y a pas eu usure), sur la forme (nullités) et dénonce également le sort réservé au mari sénile, sur lequel la justice laisse planer une sorte de « plus amplement informé indéfini », qui est une menace de reprise de l’instruction. »  (Leuwers, 2013/b) 

Ainsi, depuis 1785, hormis dans l'affaire Pépin et d'Herlin (deux fermiers aisés) contre Dubois (maquignon),  «l’avocat n’a recours aux mémoires judiciaires que dans de possibles causes célèbres, qui mettent en scène des personnes injustement accusées, incarcérées ou condamnées. À chaque fois, c’est un scandale qu’il faut dénoncer ou réparer ; une injustice dont les effets, s’ils se prolongent, peuvent remettre en cause les droits de beaucoup d’autres personnes. »  (op. cité).   

1787     :    Leuwers rectifiera le tir dans sa biographie de Robespierre, évoquant la défense d'ecclésiastiques ou de nobles, comme le comte Léon Eugène Louis de Maulde, marquis de la Buissière (contre Jean-Baptiste Watelier, seigneur vicomtier), « dont il a soutenu le droit exclusif de chasse sur sa seigneurie de la Buissière » (Leuwers, 2014) , qui écorne un peu l'image de "défenseur de la veuve et de l’orphelin" qu'a brossée Babeuf en 1786, mais pouvait-il gagner sa vie en ne défendant que des pauvres ? Est-ce pour cette raison que l'on "dénombre  sa participation à environ 176 audiences et 135 affaires plaidées. Ces requêtes permettent alors de dévoiler une partie méconnue de son activité, lui permettant de gagner 21 livres et 10 sous. Cette affaire n’est, effectivement, pas destinée à sortir de l’enceinte du conseil provincial." ("Quand Robespierre défend les privilèges", article des Archives du Pas-de-Calais)Qu'il ait eu soif de réussite dans son métier, c'est certain : « De toutes les qualités nécessaires pour se distinguer dans cette profession, j’y apporte du moins une vive émulation et une extrême envie de réussir. Mais comme les conseils d'un habile maître peuvent contribuer beaucoup à me conduire à ce but, je désirerais en trouver un qui voulût bien me tracer un plan d'étude. »  

 

Lettre  à Dupaty (Charles Marguerite Jean Baptiste Mercier du Paty, 1744-1788, président à mortier du Parlement de Bordeaux), non datée, signée "De Robespierre

                                                                                                           étudiant en droit

                                                                                                  au collège Louis-le-Grand"

et publiée dans le journal Le Temps du 17 avril 1889 — Revue des Curiosités Révolutionnaires. I. 295-296, citée dans "Œuvres Complètes de Maximilien..". op cité,  Tome III, Correspondance de Maximilien et Augustin Robespierre,  p 22. 

Cependant, à « une époque où de nombreux avocats auraient profité des fruits matériels de leur succès, il semble que Robespierre se voyait plus rarement confier ces sortes de dossiers qui se seraient avérés lucratifs. Bien qu’il ait été, par certains aspects, bien intégré dans la société d’Arras, il fut de plus en plus marginalisé par les mieux établis de ses collègues dans la profession, à cause de sa franchise au sujet de l’injustice et de la corruption locale »  (Linton, 2013)

   seigneur vicomtier     :    "Une seigneurie vicomtière, ou fief vicomtier, est une particularité locale : elle désigne, en Flandre et en Artois, un fief non noble ou bourgeois, mais ayant tout de même moyenne justice."  ("Quand Robespierre défend les privilèges", article des Archives du Pas-de-Calais)

"défenseur de la veuve et de l’orphelin"   :   « Aucun de nos confrères ne « pouvait à plus juste titre se qualifier de' défenseur de la veuve et de l’orphelin ; M. de Robespierre ne tient pas à s’enrichir; il n’est et ne sera jamais que l’avocat des pauvres. »   

 

Gracchus Babeuf,  "Archives de l’Institut du Marxisme Léninisme (I.M.L), f. 223, N. 654, p. 29 (d’après une copie, probablement de la main d’Advielle)" : Daline, 1960. 

7 juin 1788     :    « À Arras, le 7 juin 1788, le Conseil d’Artois s’indigne de la remise en cause de ses pouvoirs et des libertés provinciales, mais doit rapidement plier devant l’insistance de l’intendant Esmangart (...)  Le 21 juin, Robespierre et ses collègues refusent d’enregistrer les édits, au motif qu’ils n’ont pas été préalablement vérifiés par le Conseil d’Artois et que Louis XVI doit prochainement publier une confirmation des privilèges de la province. Leur position est ferme, déterminée ; ils n’entendent pas céder, et ils ne cèdent pas. »   (Leuwers, 2014, p. 64 ) 

8 janvier 1789           :    « Dans une lettre personnelle adressée à Dubois de Fosseux, directeur de l'Académie d'Arras et datée - notons-le bien - du 8 janvier 1789, Robespierre affirme : "Oui, je compte me rendre à l'Assemblée, j'ai même commencé ce matin un petit discours relatif aux circonstances". C'est dans ce cadre très précis d'effervescence électorale et pamphlétaire qu'il faut considérer l'Adresse à la Nation artésienne, discours de circonstance et aussi en même temps discours-programme qui prend date. »    (Decriem, 2014,

​  

février 1789     :    « À la Nation Artésienne », cf. partie 5

avril 1789     :   « Les Ennemis de la patrie démasqués par le récit de ce qui s'est passé dans les assemblées du tiers-état de la ville d'Arras. » :

 

« il lance un manifeste À la nation artésienne, suivi bientôt d’un Avis aux habitants des campagnes ["Artésiens des campagnes", plutôt, NDR] et d’un troisième brûlot ayant pour titre Les Ennemis de la patrie démasqués ; il se démène, s’agite, il est partout, déclamant contre « l’oppression où gémit la ville d’Arras sous l’autorité de ses magistrats » ; dévoilant un horrible complot « tramé par les hommes ambitieux de l’administration municipale pour perpétuer le régime oppressif sur lequel ils fondent leur autorité, leur fortune et leurs espérances » ; caressant le peuple, excitant les pauvres, usant de tous les moyens, sarcasmes, invectives, calomnies, insinuations, menaces, promesses, hâbleries, se posant en martyr de la liberté, en unique défenseur des opprimés et des humbles ; dénonçant comme hostile à leur cause son protecteur Dubois de Fosseux ; rédigeant de sa main le cahier des doléances de la corporation des savetiers ["la plus pauvre de la ville", Lemay, 1994] ; attaquant le gouverneur et les États d’Artois ; s’érigeant en contrôleur des scrutins ; conjurant les naïfs électeurs du Tiers, prêts à tout croire, « d’éviter les pièges grossiers » qui leur sont tendus et de nommer des hommes incorruptibles, se désignant lui-même à leurs suffrages par cette épithète dont il fut ainsi le premier à se qualifier.»  (G. Lenotre, pseudonyme de l'historien Louis Léon Théodore Gosselin, 1755-1835,  "Robespierre et la « Mère de Dieu »", Perrin et Cie, 1926, p. 28

Elu difficilement fin avril  (cf. Decriem, 1994) comme son ami avocat Charles Augustin Dominique Brassart (1738-1795), parmi  les élus de l'Artois, il prend pour la première fois la parole le 18 mai 1789 aux Etats Généraux   (Leuwers, 2014, p. 76 ) 

​  Sources complémentaires  Hamel, 1865 ; Walter, 1936 ;  Leuwers, 2014  ; Obligi, 2016 ;  ). 

  * « Aucun nom ne restera de cette époque excepté Robespierre. Il n'étoit cependant ni plus habile ni plus éloquent que les autres ; mais son fanatisme politique avoit un caractère de calme et d’austérité qui le faisoit redouter de tous ses collègues.

 J’ai causé une fois avec lui chez mon père, en 1789, lorsqu’on ne le connaissait que comme un avocat de l’Artois, très-exagéré dans ses principes démocratiques. Ses traits étaient ignobles, son teint pâle, ses veines d’une couleur verte ; il soutenait les thèses les plus absurdes avec un sang-froid qui avait l’air de la conviction.  et je croirois assez que, dans les commencemens de la révolution, il avoit adopté de bonne foi, sur l’égalité des fortunes aussi-bien que sur celle des rangs, de certaines idées attrapées dans ses lectures, et dont son caractère envieux et méchant s’armoit avec plaisir. Mais il devint ambitieux lorsqu’il eut triomphé de son rival en démagogie, Danton, le Mirabeau de la populace. Ce dernier étoit plus spirituel que Robespierre , plus accessible à la pitié ; mais on le soupçonnoit avec raison de pouvoir être corrompu par l’argent, et cette foiblesse finit toujours par perdre les démagogues ; car le peuple ne peut souffrir ceux qui s’enrichissent : c’est un genre d’austérité dont rien ne sauroit l’engager à se départir. »

 

Madame de Stael, « Considérations sur les principaux événemens de la Révolution françoise,  ouvrage posthume de madame la baronne de Staël, publié par M. le duc de Broglie et M. le baron de Staël. », Tome second, Paris, 1818,  p. 140-141

                   

                     

 

                        BIBLIOGRAPHIE 

 

 

 

BLANC Olivier, 2006, "Cercles politiques et « salons » du début de la Révolution (1789-1793)", dans Annales historiques de la Révolution française 2006/2 (n° 344), pages 63 à 92.

CARON Pierre, 1906, "La tentative de contre-révolution de juin-juillet 1789". In: Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 8 N°1,1906. pp. 5-34;

https://www.persee.fr/doc/rhmc_0996-2743_1906_num_8_1_4496

CARVALHO Thérence, 2013,  « Nicolas Bergasse et la souveraineté de la raison universelle », article du Journal of Interdisciplinary History of Ideas,, Volume 2, section 2, Articles, pp. 2-23. 

DALINE Victor, 1960, « Robespierre et Danton vus par Babeuf », .article des Annales historiques de la Révolution française, n°162, Bicentenaire de la naissance de Babeuf (1760-1797),  pp. 388-410;

DECRIEM Bruno, 1994, « 1788/1789 en Artois : un candidat en campagne électorale, Maximilien de Robespierre ». article de l'ouvrage collectif intitulé "Robespierre. De la Nation artésienne à la République et aux Nations", dirigé par  Hervé Leuwers, Jean-Pierre Hirsch, Gilles Deregnaucourt et Jean-Pierre Jessenne, publié par l’Institut de recherches historiques du Septentrion. 

FERNAGUT Alain, 2000,  "L'EPSM Lille-métropole à travers le temps",  Editions 'EPSM Lille-métropole.

https://www.epsm-lille-metropole.fr/sites/default/files/2019-10/historique.pdf

GRENOT Michèle, 2014, « Le souci des plus pauvres — Dufourny, la Révolution française et la démocratie »,  "Chapitre IV. Les infortunés, des citoyens « passifs »", Préface de Michelle Perrot, Postface de Marie-Rose Blunschi Ackermann, Presses universitaires de Rennes, Éditions Quart Monde, 

GUICHETEAU  Samuel, 2014,  Les ouvriers en France.1700-1835, Paris, A. Colin, Collection U,

HAMEL Ernest, 1865, « Histoire de Robespierre : d'après des papiers de famille, les sources originales et des documents entièrement inédits ».  Tome Premier, La constituante, Paris; Librairie Internationale, A. Lacroix, Verboeckoven & Cie, Editeurs.  

LAVOINE A, 1914, « La famille de Robespierre et ses origines. Documents inédits sur le séjour des Robespierre à Vaudricourt, Béthune, Harnes, Hénin-Liétard, Carvin et Arras. (1452-1790) », article de la Revue du Nord, tome 5, n°18, mai 1914. pp. 101-148.

LEMAY Edna Hindie, 1994,  « Poursuivre la Révolution : Robespierre et ses amis à la Constituante ». article de l'ouvrage collectif intitulé "Robespierre. De la Nation artésienne à la République et aux Nations", dirigé par  Hervé Leuwers, Jean-Pierre Hirsch, Gilles Deregnaucourt et Jean-Pierre Jessenne, publié par l’Institut de recherches historiques du Septentrion. 

LEUWERS Hervé, 2013, "Maximilien de Robespierre, élève à Louis-le-Grand (1769-1781). Les apports de la comptabilité du « collège d’Arras »", article des Annales historiques de la Révolution française, N°371 | janv-mars 2013, pp. 175-185.

LEUWERS Hervé, 2013/b : "Les factums de l’avocat Robespierre. Les choix d’une défense par l’imprimé", article des Annales historiques de la Révolution française, N°371 | janv-mars 2013., pp. 51-71

LEUWERS Hervé, 2014, "Robespierre", Paris, Editions Fayard.

LINTON Marisa, 2013, traduction Lucie Perrier, « Robespierre et l'authenticité révolutionnaire »,. article des Annales historiques de la Révolution française, 371 (1), pp. 153-173.

MARTIN  Jean-Clément, 1996, "Révolution et Contre-Révolution en France de 1789 à 1989",  chapitre "Le sang impur de la Révolution", pp. 19-28,  Presses universitaires de Rennes, 

MARTIN Philippe ; FLAUS Pascal, 1989, "À la croisée des temps anciens et nouveaux. Saint-Avold (1788-1790)",,  dans la revue Le patrimoine de l'écrit scientifique lorrain, Les Cahiers Lorrains, N°2-3-4, 1989, Société d'histoire et d'archéologie de la Lorraine.

http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/43845/CL_1989_2-3-4_179.pdf?sequence=1

 

MAZEAU Guillaume, 2016, « Décélérer, soumettre le temps (États généraux, mai-juin 1789) », Écrire l'histoire, 16 | 2016, CNRS Éditions. 

https://journals.openedition.org/elh/1063

MOLINIER Pierre, 2019, "Franc-maçonnerie : encore une des causes de la Révolution". article de la revue Humanisme, 324 (3), pp. 24-29

OBLIGI Cécile, 2016, "Robespierre : La probité révoltante", Editions Belin. 

PARSIS-BARUBÉ Odile, 1990, "La vie culturelle à Arras à la veille de la Révolution", article de la revue nord', 73 (1),  pp. 39-55. 

ROJAS Luc, 2014,  « Les forgeurs et les limeurs » face à la machine : la destruction de l'atelier de Jacques Sauvade (1er et 2 septembre 1789)‪ », Dans Annales historiques de la Révolution française 2014/2  (n° 376), pages 27 à 52

https://www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-la-revolution-francaise-2014-2-page-27.htm#re37no37

SAGNAC Philippe, 1910, . "Les origines de la Révolution. La décomposition de l'Ancien régime (1788-mai 1789)". In: Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 14 N°2, 1910. pp. 153-177;

https://www.persee.fr/docAsPDF/rhmc_0996-2743_1910_num_14_2_4612.pdf

SLIMANI Ahmed, 2012,  « Les discours politiques et juridiques en Picardie à la veille de la Révolution française (1788-1789) », Revue du Nord, 2012/1 (n° 394), p. 149-169.

https://www.cairn-int.info/revue-du-nord-2012-1-page-149.htm

WALTER Gérard, 1936, "Robespierre — Tome 1,  La montée vers le pouvoir, Editions Gallimard. (L'ouvrage complet paraîtra en 1946 en quatre tomes, chez le même éditeur)

bottom of page