
Révolution Française [ 11 ]
août 1789
Les sacrifices forcés
Caricature d'Isaac Cruikshank
graphiste (1792-1878)
Gravure coloriée à la main
26,4 x 36,8 cm
19 août 1789 , Londres, Piccadilly
The British Museum
1868,0808.5885
"Satire de la séance des États généraux dans la nuit du 4 au 5 août. Marie-Antoinette se tient debout devant une enclume sur laquelle elle brise la couronne, son marteau levé pour frapper ; Des piles d’assiettes et de bijoux, avec une étoile de l’ordre de Saint-Louis, reposent à ses pieds. À côté d’elle, le petit Dauphin est assis sur le sol, coiffé d’un énorme bicorne sur lequel il y a une cocarde tricolore. Il tient un sceptre brisé et dit, une main à son œil comme s’il pleurait : « Qu’on me laisse au moins ce Joujou. » La reine dit : « et à moi trois petits Soupers, par Semaine. » Derrière elle, un démon souriant souffle avec des soufflets un feu dans lequel un morceau d’assiette est en train de fondre. Derrière eux se trouve la cheminée à capuchon d’une forge. À droite, Louis XVI tourne la vis d’une machine à estamper comme s’il faisait des boutons dont des piles sont à ses pieds. Il dit : « Je Sacrifierai tout, pourvu que la Chasse me reste et quelques morceaus de Fer pour les tems de pluie. »
Derrière, une file de trois hommes entre par une porte ; Ils portent sur leurs têtes des tas d’assiettes qu’ils emportent à la forge. Leur chef est un aristocrate, chapeau à la main ; les deux autres sont des membres du clergé ; le dernier dit « Arrêtez le voleur », regardant vers la droite, vers deux hommes avec de gros sacs d’argent qui se tiennent dans une deuxième porte ; l’un d’eux dit à l’autre : « Emportez Vite ,... à Turin et mettez, en Passant, le feu à tous les Moulins." Il prend subrepticement des sacs d’argent dans une armoire portant l’inscription « Cabinet de Largent pour La Nation » ; certains des sacs portent l’inscription « Maison de Ville »." (notice du British Museum)
La nuit du 4 août 1789
« La Saint-Barthélémy des propriétés »
“ La nuit qu’on nous a contée, de Michelet à Jaurès et Lavisse, doit plus au récit contenu dans le premier volume du Moniteur, qui a l’avantage de donner les noms de la plupart des orateurs mais doit être pris pour ce qu’il est : une reconstitution d’outre-Thermidor, destinée en l’an IV à compléter la série du journal (...) jusqu’à quel point le saut accompli par les acteurs du 4 août fut-il périlleux ? (...) était-il si clair qu’on prétendit abattre du même mouvement barrières sociales et frontières provinciales ? (...) Cette nuit-là n’a-t-elle pas consacré la propriété, par définition exclusive, de la terre ; n’a-t-elle pas transformé cette base — la plus solide — de l’exploitation des hommes, devenue la seule forme avouable du privilège, en la plus inattaquable des violences ? Si le 4 août fut en effet, selon le mot de Rivarol, « la Saint-Barthélémy des propriétés », il n’est pas sans intérêt de savoir si les propriétaires y tinrent l’emploi des protestants ou celui des catholiques ”
Jean-Pierre Hirsch, "La nuit du 4 août", Editions Gallimard, Collection Folio Histoire, 2016, p. 19-22 ; citation d'Antoine de Rivarol : "Journal Politique National", 2e série, n°3 (cf. André Le Breton, "Rivarol, sa vie, ses idées, son talent, d'après des documents nouveaux", 1895, p. 173
Le lundi 3 août, l'abbé Grégoire intervient pour prendre la défense des Juifs persécutés en Alsace et « énonce le vœu des curés de son bailliage ; il fait le tableau des persécutions inouies qu'on vient d'exercer en Alsace envers les juifs ; il dit que, comme ministre d'une religion qui regarde tous les hommes comme frères, il doit réclamer dans cette circonstance l'intervention du pouvoir de l'Assemblée en faveur de ce peuple proscrit et malheureux. » (Archives Parlementaires de 1787 à 1860 - Première série (1787-1799) Tome VIII - Du 5 mai 1789 au 15 septembre 1789. Paris : Librairie Administrative P. Dupont, 1875, p. 336)
Cette intervention ne suscite qu'indifférence complète ou évitement de la parte de ses collègues : A noter que Robespierre se tait aussi sur cette question. Pourtant, les Juifs ne sont pas encore citoyens français et un texte publié en 1751 par le Saint-Office de Rome proclame leur infériorité. A Paris, ils ne peuvent obtenir qu'un passeport qui ne leur permet que des séjours de courte durée (Burguière, 2022). En Alsace, ils paient un droit de protection royale, et même si en différentes régions, leurs communautés sont autonomes, leurs habitants connaissent de multiples restrictions à leur liberté : obligation de résider dans un quartier bien délimité, les revenus de la propriété foncière leur sont inaccessibles et ils sont exclus des activités agricoles, ce qui les pousse à occuper bien plus que d'autres des activités de prêteurs sur gage qui ont forgé la mythologie du juif lié à l'argent, avare, riche, etc. La philosophie des Lumières gagnent cependant une partie de l'élite noble et bourgeoise : « En 1787, la Société royale des sciences et des arts de Metz propose comme sujet de concours : « Est-il des moyens de rendre les juifs plus utiles et plus heureux en France ? » Trois lauréats se partagent le prix : l’abbé Henri Grégoire (1750-1831), l’avocat nancéen Claude-Antoine Thiéry (1764- ?) et l’autodidacte juif d’origine polonaise Zalkind Hourwitz (1751-1812). Tous trois affirment que l’émancipation économique des juifs et la suppression des mesures restrictives dont ils souffrent garantiront leur intégration. »
« Les communautés juives en France avant la Révolution », article du musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ ).
Le débat sur la question souffre aussi des graves troubles causés par la Grande Peur, qui occupent tous les esprits et accélère la transformation politique en cours, les députés cherchant le meilleur moyen d'enrayer le vaste mouvement de colère populaire :
« Pendant qu'on rédigeait la déclaration des droits de l'homme & les articles de la nuit du 4 Août, le Royaume était désolé par le fer & le feu, autant que par la disette. Des Couriers, porteurs de faux ordres du Roi, parcouraient les campagnes, & les soulevaient contre les châteaux & les maisons des grands Propriétaires. Dans les Villes on semait des bruits de complots, de conspirations, de dépôts d'armes, & d'aproche de troupes. L'Assemblée recevait, chaque jour, des avis allarmans ; &, chaque jour, pour toute réponse, elle abattait quelque partie de l'ancien édifice, croyant arrêter l'incendie par la démolition.» ("Journal Politique National", Second abonnement, n°3, p. 29, trihebdomadaire fondé par Antoine Sabatier de Castres et dirigé par Antoine de Rivarol, paru de juillet à décembre 1789).
« Un cri général se fait entendre ; vous n'avez pas un moment à perdre ; un jour de délai occasionne de nouveaux embrasements ; la chute des empires est annoncée avec moins de fracas. Ne voulez-vous donner des lois qu'à la France dévastée ? »
Guy-Gabriel-François-Marie Léguen de Kérangal (Le Guen de Kerengal, 1746-1817), discours à l'Assemblée Nationale, le 4 août 1789, "Archives Parlementaires...", op. cité , p. 345
La nuit du lundi 3 au 4 août 1789, un groupe d'une centaine de personnes se réunit. Jean Nicolas Jacques Parisot (1747-1816), avocat, ancien procureur fiscal des Riceys, député du bailliage de Bar-sur-Seine, dans le département de l'Aube, confiera à ses concitoyens que ce Comité "résolut d’employer une espèce de magie pour, en faisant trêve à la Constitution, détruire tous les privilèges des classes, des provinces, des villes et des corporations.", (J. Parisot, relation de la séance parlementaire de la nuit du au S août 1789 à l'adresse de ses électeurs du comté de Bar ou de ses concitoyens des Riceys, datée du mercredi 5 août à 4 h du matin, citée par R. Hennequin, dans "La nuit du 4 août 1789 racontée par le Constituant Parisot", article de La Révolution française, N° 80, 1927, p. 17-22).
Le lendemain 4 août, à cinq heures, le même groupe occupe la salle des Menus Plaisirs : Au petit-matin du lendemain, il écrira : "Notre comité était seul dans le secret." Derrière ces conciliabules, se cachent d'évidence les membres du Club Breton : Ainsi, l'avocat et agronome Adrien Duquesnoy (1759-1808), devant le choix du député du Tiers de Rouen Jacques Guillaume Thouret (1746-1794) par les nobles et le clergé, pour la présidence de l'Assemblée, témoigne que « les bretons ont fait des manœuvres pour le faire rejeter, au point d’annoncer que son vœu à lui était de ne pas être choisi et qu’il désirait que ce fût l’abbé Sieyès » ("Journal d’Adrien Duquesnoy — député du Tiers État de Bar-le-Duc — sur l’Assemblée Constituante — 3 mai 1789 - 3 avril 1790" ", éd. Robert de Crèvecœur, 2 vol., Paris, A. Picard, 1894, p. 263). Et, au moyen de ces pressions, qui fut désigné à sa place ? Le Rennais Isaac René Guy Le Chapelier (1754-1794), qui, dès le matin du 4 août propose "de reprendre la discussion sur la déclaration de droits dont il a été présenté plusieurs plans pour être mis en tête de la Constitution" ("Ordre du jour de la séance du 4 aout 1789 : reprise de la discussion sur la déclaration des droits", Archives Parlementaires, op. cité, p. 339). Au cours de cette discussion parlementaire sur les "droits de l'homme et du citoyen", l'avocat et député du Tiers à Paris, Armand-Gaston Camus, (1740-1804) propose d'associer les droits à des devoirs : "Les droits et les devoirs sont corrélatifs", dira l'abbé Grégoire. On discute encore dans le cadre de la monarchie de droit divin et personne ne s'offusque d'entendre le député de la noblesse Claude Antoine de Bésiade d'Avaray mettre au 1e article de ses devoirs : "Tout Français doit respect à Dieu, à la religion et à ses ministres" et au 2e : "Il doit respect au Roi, dont la personne est sacrée inviolable" (Archives Parlementaires, op. cité, p. 340-341). A l'inverse, une dizaine de jours avant, le révolutionnaire Maximilien Robespierre assistait avec délice à la manifestation de la puissance nouvelle du peuple librement exprimée devant le monarque :
« Le roi vint tout à coup à l'Assemblée nationale, sans gardes, accompagné de ses deux frères, lui déclarer qu'il se fioit à elle, et qu'il venoit invoquer ses conseils dans la crise funeste où se trouvoit l'État. Cette déclaration fut reçue avec des applaudissements incroiables, et le monarque fut reconduit de la salle nationale à son château avec des démonstrations d'enthousiasme et d'ivresse qu'il est impossible d'imaginer (...) Il est impossible d’imaginer un spectacle aussi auguste et aussi sublime, et encore plus de rendre les sensations qu’il excitoit dans les âmes capables de sentir. Figurez-vous un Roi au nom duquel on fesoit trembler la veille toute la capitale et toute la Nation, traversant dans l’espace de deux lieues avec les représentans de la Nation, une armée de citoiens rangés sur trois files, dans toute l’étendue de cette route, parmi lesquels il pouvoit reconnoître ses soldats, entendant partout crier vive la Nation, vive la Liberté, cri qui frappoit pour la première fois ses oreilles."
Robespierre, Lettre du 23 juillet 1789 à Buissart, "Œuvres Complètes de Maximilien Robespierre, Tome III, Correspondance de Maximilien et Augustin Robespierre, Paris, Librairie Félix Alcan, 1926, p. 42, numérisation
Buissart : Antoine Buissart dit Buissart Cadet d'Arras (1737 - 1820), d'une riche famille aristocrate arrageoise, avocat, scientifique ; il inventa un hygromètre "qui fit l'objet de toute une correspondance avec un grand nombre de savants du royaume, en particulier avec Gay-Lussac de l'Ecole polytechnique et le Père Cotte, curé de Montmorency, correspondant de l'Académie des sciences." (Jacob, 1934). Il entre avec Robespierre à l'Académie d'Arras en 1783.
Ce n'est pas un hasard, une fois encore, si un des rares élus de la noblesse rattachés au Tiers-Etat, Armand-Désiré de Vignerot du Plessis-Richelieu, duc d'Aiguillon (1761-1800), un des plus gros propriétaire du pays, est un des dirigeants Club breton et s'il prend la parole en deuxième position derrière le Vicomte de Noailles. Dès le début, il reconnaît à son tour devant la représentation nationale que l'insurrection en cours s'explique par le fait que le peuple "cherche à secouer enfin un joug qui depuis tant de siècles pèse sur sa tête" et 'peut trouver son excuse dans les vexations dont il est victime (...) soumis au reste barbare des lois féodales qui subsistent encore en France, gémit de la contrainte dont il est la victime.' (Duc d'Aiguillon, "Archives Parlementaires", op. cité, p. 344). Mais attention, si les "propriétaires de fiefs, les seigneurs de terres", ont beau se targuer "d'établir le plus promptement possible cette égalité de droits qui doit exister entre tous les hommes" et être tout "disposés à faire à la justice le sacrifice de leurs droits", on ne peut pas leur demander "la renonciation pure et simple à leurs droits féodaux." (op. cité).
« Le plus riche seigneur, après le roi, en propriétés féodales était le duc d'Aiguillon. Il avait les droits régaliens dans deux provinces du Midi. Le tout d'origine odieuse, que son grand-oncle Richelieu s'était donné à lui-même. Son père, collègue de Terray, ministre de la banqueroute, avait été méprisé encore plus que détesté. Le jeune duc d'Aiguillon éprouvait d'autant plus le besoin de se rendre populaire ; il était, avec Duport, Chapelier, l'un des chefs du club breton. Il y fit la proposition généreuse et politique de faire la part au feu dans ce grand incendie, d'abattre une partie du bâtiment pour sauver le reste ; il voulait, non pas sacrifier les droits féodaux (beaucoup de nobles n'avaient nulle autre fortune), mais offrir au paysan de s'en racheter à des conditions modérées."
Jules Michelet, "Histoire de la Révolution Française", dans les Œuvres Complètes de J. Michelet, 1893-1898, Paris, Ernest Flammarion, vol 1, Livre II, chapitre IV, p. 339
« Dans la Séance du 4 Août, M. le Vicomte de Noailles ayant observé que les troubles qui désolent la France & occasionnés par des fléaux & par des malheurs de tous les genres , ne
pouvoient être calmés que par des soulagemens & des bienfaits, a proposé l'abolition des droits féodaux qui pèsent sur les personnes , & le rachat de ceux qui portent sur les terres. Cette Motion a excité un enthousiasme qui, en un instant, s'est emparé de tous les esprits ; & bientôt on s'est disputé la parole pour offrir, promettre & consacrer des sacrifices »
Jean-Paul Marat (1743-1793), « L'Ami du Peuple, ou Le Publiciste parisien : journal politique libre et impartial ; Par une société de patriotes, Et rédigé par M. Marat, Auteur de l'Offrande à la patrie, du Moniteur & du Plan de Constitution, &c. », N° XI, Versailles, lundi 21 septembre 1789, pp. 96-97.
Marat : A Londres depuis 1765, il écrit un roman, Les Aventures du conte Potowsky, (publié de manière posthume en 1847 : Trousson, 1990 ), publie anonymement Essay on the human soul ("Essai sur l’âme humaine"), et A philosophical Essai on Man ("Essai philosophique sur l’homme") en 1772 et 1773. Toujours anonymement, il publie The Chains of Slavery, ("Les chaînes de l'esclavage", en juillet 1774.
En 1775, il devient médecin dans une université écossaise, Saint Andrews et médecin particulier du comte d'Artois entre 1777 et 1785 (Bianchi, 2019 ) . Il est aussi physicien (recherches sur le feu et l'électricité), et se fera journaliste à la Révolution en publiant Le Moniteur patriote, un numéro unique en août 1789, puis "Le Publiciste parisien..." (op. cité), le 12 septembre 1789, renommé "L'ami du Peuple..." (op. cité), à compter du 15 septembre (N° 7), et qui paraîtra jusqu'au 21 septembre 1792.
L'Œuf à la coque
anonyme
Estampe à l'eau forte
Paris, 1789 20.5 x 29 cm
Collection Carl de Vinck
1859-19
Bibliothèque Nationale de France
Paris
Articles arrêtés par l'Assemblée Nationale la nuit du 4 au 5 août 1789, vers deux heures du matin.
« Abolition de la qualité de serf et de la main-morte, sous quelque dénomination qu'elle existe.
Faculté de rembourser les droits seigneuriaux.
Abolition des juridictions seigneuriales.
Suppression du droit exclusif de la chasse, des colombiers, des garennes.
Taxe en argent, représentative de la dîme.
Rachat possible de toutes les dîmes, de quelque espèce que ce soit.
Abolition de tous privilèges et immunités pécuniaires.
Egalité des impôts, de quelque espèce que ce soit, à compter du commencement de l'année 1789, suivant ce qui sera réglé par les assemblées provinciales.
Admission de tous les citoyens aux emplois civils et militaires.
Déclaration de l'établissement prochain d'une justice gratuite, et de la suppression de la vénalité des offices.
Abandon du privilège particulier des provinces et des villes. Déclaration des députés qui ont des mandats impératifs, qu'ils vont écrire à leurs commettants pour solliciter leur adhésion.
Abandon des privilèges de plusieurs villes, Paris, Lyon, Bordeaux, etc.
Suppression du droit de déport et vacat, des annates, de la pluralité des bénéfices.
Destruction des pensions obtenues sans titres.
Réformation des jurandes.
Une médaille frappée pour éterniser la mémoire de ce jour.
Un Te Deum solennel, et l'Assemblée nationale en députation auprès du Roi, pour lui porter l'hommage de l'Assemblée, et le titre de Restaurateur de la liberté française, avec prière d'assister personnellement au Te Deum.
Les cris de vive le Roi ! les témoignages de l'allégresse publique, variés sous toutes les formes, les félicitations mutuelles des députés et du peuple présent, terminent la séance. »
(Archives Parlementaires, op. cité, p. 350).
droit de déport et vacat : « Privilège d'un seigneur en vertu duquel il jouissait, pour un temps, du revenu d'un fief, au décès du possesseur. Le droit de déport était différent selon les coutumes des lieux » (CNTRL, "Déport").
« la mort d’un ecclésiastique, en particulier d’un curé, était l’occasion de divers prélèvements au profit des évêques et archidiacres : jouissance du revenu de la cure pendant la vacance — c’était le DÉPORT ou VACAT qui, en Normandie, pouvait se prolonger toute une année — saisie en plus de la soutane et du bréviaire, du meilleur meuble et du meilleur animal — droit de DÉPOUILLE. » (Hirsch, op. cité, p. 379)
annates : « Taxe égale à la première année des revenus d'un bénéfice [mutation des bénéfices, NDR] que la papauté exigeait de tout nouveau titulaire » (CNTRL, "Annate").
médaille : Médaille commémorative de l'abolition des privilèges, proposée par le Duc de Liancourt en fin de séance, mais aussi chant du Te Deum, idée de l'Archevêque de Paris, ou une fête d'anniversaire, suggérée par le comte de Gouy, ou encore, consécration de Louis XVI comme Restaurateur de la Liberté publique devant l'assemblée, selon le vœu du comte de Lally-Tollendal (cf. Marat, op. cité, p. 98).
Assemblée constituante
Médaille commémorative
de l'abolition des privilèges
du 4 août 1789
Pierre-Simon-Benjamin Duvivier,
(1730-1819)
médailleur, 13e graveur général des monnaies
Nicolas-Marie Gatteaux
médailleur
(1751-1832)
bronze
fin XVIIIe siècle
Ø 63 mm
collection particulière
Sur l'avers, Louis XVI en buste à droit, sur le pourtour du champ on lit la légende "Louis XVI Restaurateur de la liberté française"
Au revers, on peut voir, sous l'inscription "Abandon de tous les privilèges", les députés des trois ordres prêtant serment sur un autel portant la mention "A la patrie".
La nuit du 4 août 1789, le duc de Liancourt "propose que l'Assemblée décrète qu'il soit frappé une médaille pour éterniser la mémoire de l'union sincère de tous les ordres, de l'abandon de tous les privilèges..." (Archives Parlementaires, op. cité, p. 349)
L'Assemblée décidera par décret du 9 décembre 1790 de frapper cette médaille à 1.200 exemplaires distribués à ses députés.
A faut espérer q'eu jeu la
finira ben tot
Le Tiers -Etat portant sur son dos le clergé et la noblesse
anonyme
Estampe à l'eau forte coloriée
1789 19,7 x 14, 1 cm
Musée Carnavalet
G. 23830
Paris
La nuit du 4 août, le Vicomte de Noailles avait parlé de "sacrifices" offerts par les nobles pour le bien commun, mais déjà, Marat ne se laisse pas impressionner par toutes les effusions manifestées par les nobles, ce soir-là : « Voilà, dit-on, ce que l'Assemblée Nationale a fait pour la France & pour l’humanité , dans une seule Séance, dans une seule soirée ; lutte sublime de justice & de générosité ; magnifique scène, si digne d’être transmise à tous les siècles, & de servir de modèle à tous les peuples » souligne Marat avec ironie, avant d'inviter ses lecteurs à ne pas être dupe :
"Sans doute des actes multipliés de justice & de bienfaisance, dictés par l’humanité, & l'amour patriotique impatient de se signaler, devoient porter au comble l’admiration des spectateurs ; &, dans ces combats de générosité qui cherchoit à se surpasser elle-même, l'enthousiasme devoit toucher au ravissement. Etoit-ce bien là le cas ? Gardons-nous d'outrager la vertu : mais ne soyons dupes de personne. Si c'est la bienfaisance qui dictoit ces sacrifices, il faut convenir qu'elle a attendu un peu tard à élever la voix (...) Mais nous ne pouvons nous défendre de quelques observations bien propres à faire apprécier la grandeur de ces sacrifices. Est-il besoin de prouver qu'ils sont la plupart illusoires ? Et d'abord l'abolition de tous les Privilèges, qu'annonce la devise de la Médaille projettée, est-elle bien réelle, lorsqu'elle emporte, comme elle le fait, le rachat des droits seigneuriaux, le rachat des bannalités, & le rachat des droits féodaux sur les terres ?
Quant à l'abolition de la main-morte, & autres droits féodaux qui pesoient sur les personnes, ces abus monstrueux, décorés du beau nom de droit, doivent nécessairement tomber par la promulgation de la Loi fondamentale qui établira la liberté individuelle.
A l'égard de l'abolition des droits de Chasse, des Garennes, des Colombiers, des Dîmes Seigneuriales , &c. ces abus crians doivent tomber de même par la promulgation de la Loi fondamentale, qui assurera à chaque citoyen la paisible jouissance de la propriété, & qui fixera la répartition proportionnelle des impôts." ("L'Ami du peuple", op. cité, pp. 98-101).
Ainsi, certains droits et privilèges sont abolis, mais d'autres, au titre de la propriété privée, sanctuarisée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, votée le 26 août, confirmeront la possession de droits réels qui nécessitent des indemnités, un rachat, pour les rendre inopérants, qui visent en particulier les rentes foncières, les taxes en nature (champart) ou encore les dîmes.
Plusieurs décrets sur cette question sont votés entre le 4 et le 11 août, mais pour qu’ils aient force de loi, ils doivent être promulgués par lettres patentes du roi, ce qui sera fait le 3 novembre. Mais les discussions spécifiques ne cesseront pas pour autant, et il faudra attendre le décret des 15-28 mars 1790, qui distinguera dans le détail les droits abolis de ceux qui donnent lieu à rachat, ou encore, le 25 août 1792, pour voir s'établir les conditions de rachat des droits féodaux correspondants, et même le 17 juillet 1793, pour que la Convention décrète l’abolition irrévocable des privilèges féodaux.
« Tant que le remboursement n’est pas effectif, les vassaux doivent continuer de s’acquitter. Les redevances paraissent avoir été mieux rachetées dans les régions où le régime féodal était moins lourd, comme en Gironde. Dans le Pays de Bray, où le prélèvement était pourtant faible, les rachats ne commencèrent qu’au début de 1791, avec deux temps forts, au printemps et à l’été 1791 et aux mêmes saisons de 1792 . Et ils s’expliquent davantage par l’inflation, qui permet de se libérer facilement, plus que par la pression des anciens seigneurs ou la conjoncture politique générale. De toute façon, les rachats furent peu nombreux et plutôt le fait des gens de la ville que des paysans rarement propriétaires. » (Bodinier, 2010).
Assemblée - Nationale
Abandon de tous - les privilèges, à Versailles,
Séance de la - Nuit du 4 au 5 Aout 1789
(Salle des Menus-Plaisirs)
Charles Monnet (1732 -1819), dessinateur
et peintre du Roi.
Isidore Stanislas Helman (1743-1836), graveur
de l'Académie des Arts de Lille en Flandre
Eau forte et burin coloriée
27 x 43,2 cm
Vers 1789
BNF, Paris
Département des Estampes et de la Photographie,
RESERVE QB-370 (17)-FT 4
Les droits de l'homme (2)
« le long oubli des droits du peuple »
Le 12 août 1789, le député Jean-Nicolas Desmeuniers (Démeunier, 1751-1814) propose l'établissement d'un comité chargé d'étudier une vingtaine de "projets de déclaration des droits » qui ont été présentés à l'Assemblée (Archives Parlementaires, op. cité, p. 399), proposition adoptée de ce qu'on appellera le "sixième bureau" ou "comité des cinq", qui sera composé de Démeunier lui-même (jurassien, mais élu député à Paris), de l'évêque de Langres Antoine-Hubert Wandelaincourt (1731-1819), de l'avocat et juriste François Denis Tronchet (1726-1806), de Mirabeau, rejeté par la noblesse et élu député par le Tiers-Etat en Provence, et enfin, de l'avocat auvergnat Claude Redon (1738-1820), député du Tiers dans le Puy-de-Dôme.
Le même jour, Sieyès présente son projet de "droits de l'homme et du citoyen", dans lequel, à l'instar de celui de La Fayette, les deux premiers articles trahit un projet de société conservateur, où "l'homme reçoit de la nature des besoins impérieux, avec des moyens suffisants pour y satisfaire", complétés, par "son désir de bien-être par des secours "qu'il a reçus de ses parents" ou "qu'il reçoit ou qu'il espère de ses semblables" : on continue, dans la société de Sieyès, de recevoir plus ou moins de bien-être selon sa bonne ou sa mauvaise naissance, cette dernière étant compensée aléatoirement par la charité plus ou moins ordonnée des plus privilégiés. Du reste, l'article 19 précise : "Si les hommes ne sont pas égaux en moyens, c'est-à-dire en richesses, en esprit, en force, etc. il ne suit pas qu'ils ne soient pas tous égaux en droits. Devant la loi, tout homme en vaut un autre ; elle les protège tous, sans distinction." (cf. Sieyès, partie 5).
Le reste des articles, comme dans tous les projets de constitution libérale, concerne surtout les droits de liberté individuelle : liberté d'association politique (article 3), sur sa propre personne (article 5), d'exercice de ses facultés (article 6), de pensée, d'expression publique (article 7), de travail, d'entreprise privée (article 8) de circulation (article 9), de l'usage de ses biens (article 10). Du même acabit, les articles suivants protègent "la liberté, la propriété et la sécurité des citoyens" (article 11), grâce à un maintien de l'ordre public, par une force de répression (article 12), un respect des libertés par tous les agents de l'Etat (article 13), une force militaire contre une agression extérieure : article 15 (Archives Parlementaires, op. cité, pp. 422 - 423).
Le 17 août, Mirabeau, avant de lire le "Projet de déclaration des droits de l'homme en société" explique, au nom du comité des cinq, la difficulté de composer en quelques jours une Constitution sur la base de « vingt projets de déclarations... difficiles à fondre ensemble » ("Archives Parlementaires...", op. cité, pp. 438-439), pour laquelle le comité s'est inspiré de la déclaration de droits américaine pour exprimer en des termes simples « qui rappelle au peuple, non ce qu'on a étudié dans les livres ou dans les méditations abstraites, mais ce qu'il a lui-même éprouvé (...) C'est ainsi que les Américains ont fait leur déclaration de droits ; ils en ont à dessein écarté la science ; ils ont présenté les vérités politiques qu'il s'agissait de fixer sous une forme qui pût devenir facilement celle du peuple, à qui seul la liberté importe, et qui seul peut la maintenir. » (op. cité, p. 438). Mirabeau parle même de "contrat social, exprès ou tacite, par lequel chaque individu met en commun sa personne et ses facultés sous la suprême direction de la volonté générale" (article 2) et même, de «bien commun », qu'il oppose à « l'intérêt particulier d'un homme ou d'une classe d'hommes » et qui est « le principe et le but de toutes les associations politiques » (article 4), sans parler de la liberté requise au citoyen de « résister à l'oppression » (article 6). Très attaché à une justice équitable, il insiste qu'en cas de délit, le citoyen « doit être publiquement poursuivi, publiquement confronté, publiquement jugé. », ou encore, il condamne toute contribution qui « blesse les droits des hommes » et tend « à ravir au peuples ses moyens de subsistance » (article 14).
Des discussion sur la liberté d'expression ont lieu le 24 août, dans le cadre de la déclaration des droits. Hormis des ecclésiastiques, la plupart des orateurs se prononcent pour la plus grande liberté d'expression des citoyens, comme Robespierre, à l'exception de tout ce qui "nuirait au droit d'autrui" ("Archives Parlementaires...", op. cité, pp. 482-483).
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a été discutée article par article, et adoptés entre le 20 et le 26 août :
- 20 août : articles 1 à 3, en plus du préambule
- 21 août : articles 4 et 5, remplaçant les 7 à 10 du projet, puis article 6, remplaçant les articles 11 à 13 et une partie du 15.
- 22 août : articles 7 à 9, en remplacement des 14 et 15
- 23 août : 10 e article à la place du 18 e du projet
- 24 août : articles 11 à 13 pour les anciens articles 19 à 21
- 26 août : articles 14 à 16 (ex 22 à 24), puis motion de Duport qui devient l'article 17.
Contrairement à ce que disent l'ensemble des communications au sujet de la déclaration des droits de l'homme (historiens compris), il n'y a aucun vote final sur la déclaration proprement dite, pendant la séance du 26 août, qui continue jusqu'au dernier moment d'être l'objet de discussions sur divers articles, celui sur la propriété, du député Duport, clôturant sans autre formalité les 17 articles finaux de la déclaration mais suivi d'une proposition de motion sur la révision de la Constitution, de la part du duc de Montmorency. Par ailleurs, la lecture intégrale des 17 articles ne se fera que pendant la séance du 2 octobre, suivie de celle des 19 articles de la Constitution ("Archives Parlementaires...", op. cité, Tome IX, pp. 236-237),
Le 26 août, toujours, un journal met Robespierre à l'honneur, mais l'intitulé de son nom (qui en connaît d'autres variantes) montre bien qu'il n'est pas encore très connu : « M. Robert-Pierre [11], dit le Point du jour, (journal rédigée par Barère), en rendant compte de cette séance, a représenté avec énergie des principes très-vrais sur le droit qu’a la nation de faire seule la loi de l’impôt.
(...)
[11] Le nom de Robespierre est assez communément défiguré dans les journaux du temps : les uns l’appellent Robert-Pierre, les autres Robertspierre, d’autres Robetz-Pierre. »
A Vermorel, « Œuvres de Robespierre », Introduction historique, Paris, F. Cournol, 1866 p. 19
On dit aussi que c'est la motion proposée le 27 août, par le curé de Grasse, Mougins de Roquefort (Rocquefort), et adoptée par l'assemblée, qui valide officiellement la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : nous n'en avons trouvé trace ni dans les débats parlementaires du jour ni dans les procès-verbaux de l'assemblée. La déclaration de l'homme, comme les premiers articles de la Constitution sera ratifiée le 5 octobre par le roi, mais ne sera promulgué que par des lettres patentes de Louis XVI, le 3 novembre 1789. De même, on lit un peu partout que le clivage droite gauche serait né, pour les uns le 28 août, pour les autres le 11 septembre, sans qu'aucune source précise ne soit presque jamais citée, même par les historiens, et rien dans les procès-verbaux d'assemblée, en particulier, n'évoque ce sujet, et il faut trouver d'autres sources pour éclairer cette question, comme le témoignage du baron de Gauville :
« Le 29, [août 1789, NDR] nous commencions à nous reconnaître : ceux qui étaient attachés à leur religion et au roi s’étaient cantonnés à la droite du président, afin d’éviter les cris, les propos, et les indécences qui se passaient dans la partie opposée. Il y avait environ cent cinquante membres du clergé, autant de la noblesse et quatre-vingts du tiers état. J’avais essayé plusieurs fois de me placer dans les différentes parties de la salle et de ne point adopter d’endroit marqué, afin d’être plus le maître de mon opinion, mais je fus obligé d’abandonner absolument la partie gauche, ou bien j’étais condamné d’y voter toujours tout seul et par conséquent condamné aux huées des tribunes. »
Louis-Henri-Charles de Gauville (1750-1827), « Journal du baron de Gauville — Député de l’ordre de la noblesse aux États généraux depuis le 4 mars 1789 jusqu’au 1er juillet 1790, publié pour la première fois d’après le manuscrit autographe » par Édouard de Barthélémy, Paris, Gay, libraire-éditeur, 1864, p. 20.
« M. de La Fayette lui demanda [ à Mr Malouet, NDR ] la définition de ce qu'il entendoit par les modérés. Etoit-ce ceux qui, sans aucuns principes, passant tantôt à la droite, tantôt à la gauche du président, soufflent le chaud et le froid ? »
Camille Desmoulins, « Révolutions de France et de Brabant », n° 8
Non seulement nous tenons-là des sources premières de l'histoire du clivage droite-gauche, mais de plus, elles nous renseignent sur le fait que, dès la fin août début septembre 1789, cette dualité topographique des députés signifiait avant tout pour les présents une orientation politique assez générale. A droite du président, un groupe conservateur, en général de monarchie plus ou moins constitutionnel, et de l'autre, un groupe plus démocrate, et plus progressiste dans l'ensemble. Mais attention, cette binarité est loin de refléter la réalité complexe de ces hommes qui expérimentent pour la première fois la liberté politique dans le pays, comme elle ne recouvre pas du tout le clivage moderne entre gauche et droite, étudié en particulier par Marcel Gauchet, qui le situe au tout début de la Restauration (cf. Marcel Gauchet, « La droite et la gauche », dans l'ouvrage collectif dirigé par Pierre Nora : "Les Lieux de mémoire, III, Les France, 1. Conflits et partages", Gallimard, Paris, 1992). Les révolutionnaires n'utilisent pas les termes "gauche" ou "droite" à propos des tendances politiques précises, mais parlent seulement (et rarement), de "côté gauche" ou "côté droit", ou encore "côté de la Reine", pour la droite et côté ou "coin du Palais-Royal" pour la gauche, en particulier lors du débat sur le veto du roi : « Ce qui a étonné est, que ni Mr. de Mirabeau ni aucun des membres de son parti ne chercherent à repousser cette attaque, quoiqu'elle eût beaucoup servi à jetter encore un peu plus de défaveur sur le coin du palais-royal.
C'est ainsi qu'on appelle le côté gauche de la salle où ce parti se rassemble ordinairement »
Nouvelles Politiques ou Gazette de Berne [ 1689-1798], n° 73, du 12 septembre 1789, p. 3).
« Ce sont ceux-là qui veulent diviser les assemblées représentatives en côté droit et en côté gauche, et qui insiste (sic) éternellement sur cette distinction dans leurs discours et dans leurs écrits, afin que le public égaré juge de leur patriotisme et de la sagesse de leurs opérations, non par les principes de la justice et du bien public, mais par la place où siègent ceux qui les proposent ou qui les adoptent.
Robespierre, « Considérations sur l'une des principales causes de nos maux », dans les "Œuvres complètes...", op. cité, Tome IV, Les Journaux, Le Défenseur de la Constitution N° 3 , 1er janvier 1792, p. 80
Cependant, on peut noter, parfois, une substantivisation des termes "gauche" et "droite" et même une expression popularisée bien plus tard, sous la plume de Camille Desmoulins, en début d'année 1790 :
« mais l'aile gauche soutient qu'il faut une proclamation... »
Camille Desmoulins, " Révolutions...", op. cité, N° 10 , p. 451
« aux cris de l'aile droite pour qu'il soit entendu, la gauche s'attend à quelque motion extraordinaire... »
op. cité, N° 13, p. 577
Par ailleurs, ces distinctions topographiques ne sont pas reprises en dehors du contexte de l'Assemblée (cf. Le Digol, 2012, 2021 ; cf. aussi Retat, 1988) et la notion même de parti n'est pas encore comprise comme nous l'entendons :
« il n'existe souvent aucune discontinuité entre la tendance représentée à l'Assemblée nationale et le support social qu'on lui attribue. Le « parti des aristocrates » et celui des « patriotes » sont à la fois des groupes précis à l'Assemblée et des forces indéterminées, voire fantastiques. Le Prospectus du Jugement du peuple aux galeries de l'Assemblée nationale, à la fin de décembre, promet de découvrir à ses lecteurs l'« esprit » de l'Assemblée, « et l'ascendant de ce nombreux parti qui, au dedans comme au dehors, la presse, coagit sur elle, l'a entraînée quelquefois, et tend incessamment, par ses machinations, à la détourner du but vers lequel elle a dû se diriger.» (Retat, 1988 ).
Mieux encore, la voie de la sagesse, pour un certain nombre d'hommes politiques, est de n'appartenir à aucun parti :
« iI est encore de bons Citoyens étrangers à tous les partis, bien résolus de frapper les mauvais Citoyens, quelque couleur qu'ils portent ; que ne sont-ils plus nombreux ! »
Jacques Pierre Brissot (qui se fera appeler Brissot de Warwille, 1754-1793, journaliste, deviendra député en 1791), dans le journal « Le Patriote françois, Journal libre, impartial et national, Par une Société de Citoyens, & dirigé par J. P. Brissot de Warville. — N° CIX, du Mercredi 25 novembre 1789. », p. 3, journal qui paraîtra de 1789 à 1793.
« On est d'un parti quand on s'oppose au bien de la chose publique, au vœu unanime des Citoyens. On dit le parti du Clergé, le parti de la Noblesse, pour désigner ceux qui tiennent encore aux anciens préjugés, mais on ne peut pas dire le parti de la France, le parti de la Nation, pour exprimer que tels Membres sont pour la bonne cause. Ainsi MM. Chapelier, Barnave, le Comte de Mirabeau, l'Evêque d'Autun, ne sont d'aucun parti. Ce substantif dans les acceptions qui ont rapport à l'Assemblée Nationale, signifie une coalition, une convention, une identité d'intérêts contraires à l'intérêt général. Par conséquent l'expression un seul parti. (...) est déplacée, en ce qu'elle suppose que les Défenseurs de la bonne cause ont, à l'imitation du parti antipopulaire, formé une coalition, tandis qu'ils suivent uniquement l'impulsion du Patriotisme & de leur conscience, qui suffisent pour opérer cet accord unanime des bons Citoyens contre les systêmes oppresseurs du parti. Ici le mot parti devient synonime à cabale »
Courrier national, politique et littéraire, n° XXXIX, du 16 octobre 1789, p. 310- 311)
Point du jour : Plus exactement : Le Point du Jour, ou Résultat de ce qui s'est passé la veille à l'Assemblée Nationale, qui paraît du vendredi 19 juin 1789 au 1er octobre 1791 (BNF / Data)
Barère : Bertrand Barère de Vieuzac (1755-1841), d'une grande famille bourgeoise de robe, à Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, où il est élu député du Tiers-Etat le 23 avril 1789 (-30 septembre 1791) avec Pierre Dupont dans le bailliage de Bigorre (Assemblée Nationale)
BIBLIOGRAPHIE
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BODINIER Bernard, 2010, « La Révolution française et question agraire — Un bilan national en 2010 », article de la revue Histoire & Sociétés Rurales, . 33 (1), pp. 7-47
BURGUIÈRE André, 2022, « Permis de séjour. Le combat des juifs à Paris pour la liberté et l'égalité », Edition Arkhé.
JACOB Louis, 1934, "Un ami de Robespierre, Buissart (d'Arras)", article de la Revue du Nord, tome 20, n° 80, novembre 1934. pp. 277-294
LE DIGOL Christophe, 2012, « CHAPITRE 1 — Du côté gauche et du côté droit à la Constituante. Retour sur les «origines» d’un clivage (1789-1791) », article de l'ouvrage collectif : « Gauche-droite. Genèse d'un clivage politique », dirigé par Jacques Le Bohec et Christophe Le Digol, Presses Universitaires de France.
LE DIGOL Christophe, 2021, « La permanence du clivage droite/gauche »., article de la revue Pouvoirs, revue française d’études constitutionnelles et politiques, N° 179, "Les clivages politiques", pp. 17-27.
RETAT Pierre, 1988, « Partis et factions en 1789 : émergence des désignants politiques », article de la revue Mots, n°16, mars 1988. Numéro spécial : "Langages. Langue de la Révolution française". pp. 69-89.