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           RUSSIE

                   ·

      Le moment         révolutionnaire

      (1825 - 1922)

   6.   Les révolutions de 1917

 « cette bête était.... sa majesté le peuple russe »

          

     

   

 

    Discours de V. I. Lénine à l’usine Poutilov   (12 mai 1917)

              Isaak Izrailevich Brodsky   (1883-1939) 

             huile sur toile             280  x  555  cm

 

                                     1929

                       Moscou, Musée historique d'Etat  

raifort

 

 

« Le raifort n’est pas plus doux que le radis noir »

 

 

En 1917, les seuls mois de janvier et février comptent plus de 300.000 grévistes, presque tous pour des raisons politiques, ce qui fait craindre une insurrection imminente à beaucoup d'observateurs, le ministre de l'intérieur en tête, Nicolas Borissovitch Chtcherbatov, qui, depuis 1915, observe et s'inquiète avec sa police de la progression régulière du mouvement révolutionnaire au sein de la population ouvrière   (Cliff, 1976, chapitre 2).  Dès le 9 janvier, des grèves et des manifestations ont  lieu à Pétrograd, Bakou, Nijni-Novgorod ou encore Moscou, où, sur le boulevard Tverskoï, une manifestation de  2000 personnes est dispersée par la police montée (Précis d'histoire du Parti Communiste d'Union Soviétique (bolchévik), 1938).  Le 14 février, une manifestation ouvrière a lieu à l'ouverture de la session parlementaire de la Douma, rapportée par certains témoins de la révolution comme un prologue à celle-ci  (Koustova, 2018).  Le 16 février, la nouvelle d'une pénurie prochaine de farine (et donc de pain noir)  ayant fuité, de longues queues se forment devant les boulangeries et les magasins d'alimentation. Encore une fois, l'usine Poutilov, comme pendant la révolution de 1905, est aux avant-postes de la contestation. Le 18 février, une section d'ouvriers réclament une augmentation de salaire de 50 % et sont renvoyés trois jours plus tard, suscitant un arrêt de travail dans d'autres sections.  Le 22, la direction ferme l'usine pour une période indéterminée.

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Le lendemain 23 février/8 mars, a lieu la Journée Internationale de la Femme, créée le 8 mars 1910 à Copenhague, lors  de la IIe Conférence Internationale des femmes socialistes, à l'initiative de l'Allemande Clara Zetkin (née Clara Eißner, 1857-1933), grande figure du socialisme comme son amie Rosa Luxemburg. Depuis les années 1950,  on a  raconté en France que cette fête commémorait le 8 mars 1857, jour de manifestation des couturières à New-York, mais l'historienne Françoise Picq a démontré que cette histoire était un mythe, que l'évènement n'avait jamais eu lieu et que ce sont bien les femmes socialistes de Russie qui en sont à l'origine

(https://lejournal.cnrs.fr/articles/journee-des-femmes-la-veritable-histoire-du-8-mars). 

Après des discours dans les usines,  les femmes de Petrograd défilent dans les rues, brandissant  des drapeaux rouges,  réclamant du pain et la fin de l'autocratie, dans le district de Vyborg, puis dans d'autres, Rojdestvensky,  Lintelnyi. Le lendemain, une grosse centaine d'entreprises cessent le travail, beaucoup d'étudiants se mêlent aux manifestants, dont le nombre grossit.  Les rapports de l'Okhrana indiquent que la police, les cosaques dispersent parfois la foule mais ne sont pas disposés à la réprimer  (Cliff, 1976, chapitre 6). Au soir du 26 février/11 mars, la 4e compagnie du régiment Pavlovsk se mutine contre un détachement d'entraînement qui a tiré sur la foule, et de colère, tire sur des policiers qu'elle rencontre. On traque des policiers déguisés en soldats soupçonnés de causer des provocations parmi les insurgés, et même de violence meurtrière "contre les foules endimanchées sur la perspective Nevski le 26 février, désigné comme le « deuxième dimanche rouge »  (...) Les scènes de leur arrestation et de leur convoiement à travers les rues de Petrograd (quand ils n’étaient pas lynchés sur place) peuplaient l’imagerie de Février, grâce notamment à leur reproduction en cartes postales sous forme de photos et de dessins, et à la diffusion de ces derniers dans la presse illustrée"  (Koustova, 2018).  

"Sans coup férir, sans qu'une goutte de sang ait été versée, le premier pas a été franchi (...) Les travailleurs ne veulent pas de sang. Ils ne le verseront que réduits à l'autodéfense""  dira le Soviet de Kronstadt,  dans un message  radio ("Pourquoi nous combattons") publié le 6 mars dans les Izvestia (Известия, litt : "nouvelles"), journal publié par le comité exécutif du soviet de Petrograd,  "Nouvelles du Soviet de Petrograd des députés ouvriers et soldats", qui deviendra un journal national après la révolution d'octobre.  Si, le mythe répandu d'une révolution "sans une goutte de sang" ne peut pas recevoir une onction historique, il rappelle que celle-ci fut aussi pacifique que possible, et même festive, nous le verrons.

 

Pendant ce temps, la bourgeoisie, qui avait beaucoup à perdre de la révolution, s'employait avec force à des "tentatives d'accord et de combinaisons avec le tsarisme", dira le menchevik Nikolaï Nikolaïevitch Soukhanov (Sukhanov, 1882-1940), dans une somme en 7 volumes sur la révolution russe (N. Soukhanov, Записки о революции / Zapiski o revolyutsii :  "Notes sur la Révolution"), et victime, plus tard, de la répression stalinienne, exilé pendant dix ans à Tobolsk, en Sibérie, puis exécuté.  On voit en particulier Mikhaïl Vladimirovitch Rodzianko (1859-1924), un des fondateurs du mouvement octobriste, président de la Douma à partir de 1911,  monarchiste et grand propriétaire terrien et adversaire acharné de Raspoutine, rechercher avec le tsar, avec qui il était en contact permanent, un compromis autour d'une abdication en faveur de son fils Alexis, sous la régence de son frère Mikhaïl/Michel, ou d'un nouveau tsar.  Deux ans plus tard, au sein du camp de la contre-révolution du général Denikine, Rodzianko reconnaissait que la "cause de la naissance de la révolution en Russie réside dans la politique erronée du pouvoir d'Etat à l’égard de la classe ouvrière : les classes dirigeantes ne voulaient pas se rendre compte que la brassière d’enfant devient trop courte au peuple russe qui exige un autre vêtement et une autre attitude à son égard" (M. V. Rodzianko, La Douma d'Etat et ta révolution de Février 1917, Rostov-sur-le-Don, 1919).

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Le tsar ordonne au général Sergueï Khabalov de rétablir l'ordre par la force, et le 27 février, les soldats ouvrent le feu à quatre endroits du centre-ville, munis d'une mitrailleuse en plus de leurs fusils, et font une quarantaine de tués et autant de blessés. De 25.000 à 70.000 soldats quittent les casernes, ce jour-là pour rejoindre la foule des manifestants, qui se dirige vers le palais de Tauride, où siège la Douma : 

"Certains députés quittent l'Assemblée, d'autres s'apprêtent à résister. Les représentants de la gauche, à l'initiative du travailliste Alexandre Kerenski et, dans une moindre mesure, du menchevik Nicolas Tcheidzé, [Tchkhéidzé, cf. plus bas, NDA] décident de les accueillir au nom de l'Assemblée. Une salle du palais est mise à disposition d'une trentaine d'activistes, qui se constituent en comité exécutif provisoire du soviet de Petrograd. Il s'agit d'ouvriers, le plus souvent désignés par un comité d'usine, de représentants syndicaux et du mouvement coopératif, et de membres de partis politiques (quatre ou cinq mencheviks, des socialistes-révolutionnaires, deux bolcheviks, un membre du Bund, le parti socialiste juif, un ou deux socialistes lettons, un anarchiste...)"   

 

Marc Ferro, interview de la revue mensuelle Histoire, N° 432, février 2017 

https://www.lhistoire.fr/%C2%AB-personne-navait-anticip%C3%A9-lexplosion-de-f%C3%A9vrier-%C2%BB

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Les insurgés se rendent aussi maîtres de la forteresse Pierre-et-Paul, de l’Amirauté et font arrêter l’ancien gouvernement (Ivanova, 2014).  Le régiment d'infanterie Volynsky (Volynski) est tenu pour être le premier à avoir fait passer les troupes du côté des révolutionnaires, et sera célébré dans la presse, dans toutes sortes de publications, ou encore les cartes postales.  

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                          27 février 1917  

(Vue de l’atelier de l’artiste à Petrograd sur le jardin de l’église de la Présentation de la Vierge au Temple)

     

         Boris   Mikhaïlovitch Kustodiev                  (Koustodiev, 1878-1927)  

                        Aquarelle   

 

                       33,5  x  26 cm             

 

                          1917

      Moscou,  Galerie  Tretiakov

 

Le lendemain, le reste des troupes capitule, les ministres du tsar sont arrêtés ou se rendent aux nouvelles autorités. Le 1er mars, le soviet de Petrograd émet son premier prikaz (ou pricaz,  "ordre",  Прика́з № 1), qui invite les soldats à élire des comités et soumet l'armée au contrôle des soviets. En disant de cette ordonnance qu'elle « abolissait pratiquement la hiérarchie militaire, étranglait la discipline et menaçait de mort les officiers "contre-révolutionnaires » (Kerensky, in Nerin Gun, Kerensky m'a dit, III, L'agonie de la monarchie, Revue des deux mondes, décembre 1987), Kerensky aurait débité trois mensonges de suite. Cette mesure est destinée à soumettre l'usage des armes à la volonté du peuple, que cherche à représenter les soviets, mais aussi à faire des soldats des hommes dignes de respect et de posséder comme les autres un certain bien-être. Enfin, ce texte ne mentionne pas la moindre sanction envers les récalcitrants, mais un rapport des infractions, au préalable,  qu'on en juge : 

« Ordre n° 1 du Soviet de Petrograd, 1er (14) mars 1917

A la garnison du district de Petrograd, à tous les soldats de la Garde, de l’armée, de l’artillerie et de la marine pour une exécution immédiate et précise, et les travailleurs de Petrograd pour l’information.

Le Conseil des députés ouvriers et soldats a décidé :

(1) Dans toutes les compagnies, bataillons, régiments, divisions, batteries, escadrons et services divers de  directions militaires et sur les navires de la Marine, élire immédiatement des comités de représentants élus des rangs inférieurs des unités militaires susmentionnées.

(2) Dans toutes les unités militaires qui n’ont pas encore élu leurs représentants au Conseil des députés ouvriers, élire un représentant de chaque compagnie qui se présentera avec des certificats écrits dans le bâtiment de la Douma d’État avant 10 heures le 2 mars. 

(3) Dans toutes les affaires politiques, une unité militaire est subordonnée au Conseil des députés ouvriers et soldats et à ses comités.

(4) Les ordres de la commission militaire de la Douma d’État sont exécutés, sauf dans les cas où ils contredisent les ordres et les décisions du Conseil des députés ouvriers et soldats.

5) Toutes sortes d’armes, telles que des fusils, des mitrailleuses, des véhicules blindés, etc., devraient être à la disposition et sous le contrôle des comités de compagnie et de bataillon et ne devraient en aucun cas être délivrées aux officiers, même à leur demande.

(6) Dans les rangs et dans l’exercice de leurs fonctions, les soldats doivent observer la discipline militaire la plus stricte, mais en dehors du service et de l’ordre dans leur vie politique, civile et privée, les soldats ne peuvent en aucun cas être diminués des droits dont jouissent  les autres citoyen, et tout particulièrement, le salut militaire. 

(7) De même, le titre d’officier sera aboli : Votre Excellence, Noblesse, etc., et sera remplacé par l’adresse du grade : Monsieur général, Monsieur Colonel, etc. Le comportement brutal envers les soldats de la part de tous grades militaires et, en particulier le tutoiement, mais aussi tout malentendu entre officiers et soldats, doivent être portés à l’attention des commandants de compagnie. Cet ordre doit être lu dans toutes les compagnies, bataillons, régiments, équipages, batteries et autres unités militaires. 

                     Le Soviet des délégués ouvriers  et soldats de Petrograd »

Chrestomathie d'histoire de la CCCP / SSSR (Cоюз Советских Социалистических Республик / Soïouz Sovietskikh Sotsialistitcheskikh Respublik : Union des Républiques Socialistes Soviétiques, URSS,  1861-1917.M.. 1970. A. 528-529.

« Vive une Russie libre ! »

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clocher de l'église des Trois-Saints, démolie en 1927

Porte Rouge triomphale

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On chante la Marseillaise,  on arbore des rubans, des bannières rouges,  les enfants sont ravis ! 

     

 

Collection de dessins d'enfants, des garçons de 7 à 13 ans, exécutés librement chez eux sous la Révolution russe,  réunie par leur professeur de dessin, Vassili Voronov, et offerte en 1919 au Musée historique russe de Moscou      

     

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Les socialistes les plus révolutionnaires, les bolcheviks, sont alors loin d'être majoritaires dans le mouvement ouvrier, et de plus, les principaux membres du Comité Central élu en 1912 étaient en exil, soit à l'étranger, comme Lénine, en Suisse, soit déportés en Sibérie, comme Staline ou Iakov (Jacob) Mikhaïlovitch Sverdlov (1885-1919), peut-être dénoncé par le traître Malinovski. En février 1917, sur 40.000 ouvriers des usines Poutilov, par exemple, on ne compte que 150 bolcheviks. Sur les 1500 à 1600 délégués du Soviet de Petrograd, à la même date, ils ne sont que 40 bolcheviks , les chiffres parlent d'eux-mêmes  (Cliff, 1976, chapitre 7).  Les mencheviks, quant à eux, suivaient la ligne orthodoxe du marxisme, qui affirmait le passage à une démocratie bourgeoise avant la dictature du prolétariat.  Le Géorgien Iraklii Georgievitch Tseretelli (Tsérételi), principal représentant menchevik, explique la "nécessité d'un accord avec la bourgeoisie. Il ne peut y avoir d'autre position et d'autre voie pour la révolution. Certes toutes les forces sont à nous. Le gouvernement tomberait si nous levions le petit doigt, mais ce serait un désastre pour la révolution."  (Soukhanov, Notes..., in Cliff, 1976, chapitre 6).  Lénine n'aura de cesse de démontrer (et l'histoire avec lui) à quel point ces "conciliateurs" (S-R y compris), en accordant leur crédit au gouvernement provisoire, empêchent la lutte révolutionnaire de parvenir à ses objectifs de pouvoir du prolétariat. 

 

Par ailleurs, les soldats-paysans avaient plus de délégués pour les représenter (un par compagnie) contre un pour mille ouvriers, et on sait que c'était essentiellement des intellectuels petits-bourgeois qui les représentaient : "La plupart de ces délégués des soldats et des officiers composaient une masse démocratique de droite, ou purement petite-bourgeoise, ou à l'état d'esprit tout simplement cadet. C'était, en partie, des gens de professions et d'opinions libérales, qui s'étaient hâtivement affublés d'une étiquette socialiste, indispensable dans les organisations démocratiques des soviets ; mais, en partie, c'était en fait des soldats présentés par des organisations de soldats en conformité avec le sentiment belliciste qui dominaient chez eux. La plupart d'entre eux se regroupaient autour du noyau SR." (Soukhanov, Notes..., op. cité).  Enfin, les bolcheviks eux-mêmes n'étaient pas unis sur la question du pouvoir :  A peine quinze sur quarante d'entre eux votèrent contre le transfert du pouvoir au gouvernement provisoire (Cliff, 1976, chapitre 7).   Le 3 mars, le Comité de Pétersbourg du Parti bolchevik adoptait une résolution qui affirmait ne pas s'opposer au pouvoir du gouvernement provisoire "aussi longtemps que ses activités correspondront aux intérêts du prolétariat et des larges masses démocratiques du peuple" (op. cité)

 

Le 23 mars eut lieu une grande cérémonie de funérailles pour commémorer les victimes de Petrograd, déjà héros de la révolution, plus d'un millier personnes  (Koustova, 2018).

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« les cellules de l'avenir »  ( I )

 

 

 

Le Soviet avait, en théorie, toute latitude pour organiser le pouvoir contre la bourgeoisie, et pourtant, il le dépose en grande partie à ses pieds. C'est que  beaucoup d'éléments semblent indiquer qu'il n'était en rien prêt à gouverner. Mais la lutte continuait, en particulier au travers des comités d'usine : "Dans le but de raffermir les positions conquises et en vue d’autres conquêtes, le Soviet des Députés ouvriers appelle en même temps qu’à la reprise du travail à créer immédiatement des organisations ouvrières de tous genres comme points d’appui de la lutte révolutionnaire ultérieure pour la liquidation complète de l’ancien régime et pour les idéaux de classe du prolétariat. D’autre part le Soviet des Députés ouvriers reconnaît qu’il est nécessaire en même temps que la reprise du travail, de procéder à l’élaboration du programme des revendications économiques qui seront présentées au nom de la classe ouvrière." (Résolution du Soviet des députés ouvriers, 5 mars 1917, in Pankratova, 1923)

 

La détermination ouvrière conduira Tchkhéidzé, dans son rapport sur la reprise et l'organisation du travail, à affirmer  "Quelles sont les conditions pour que nous puissions travailler ? Il serait ridicule de reprendre le travail dans les conditions antérieures. Que la bourgeoisie en prenne acte."  (in Pankratova, 1923).  C'est aux comités d'usine, dès le 5 mars à Petrograd, que les ouvriers confient alors les rênes de la conduite révolutionnaire dans les usines.  Leur première lutte des 10 et 11 mars concernera la journée de 8 heures. Les patrons commencèrent par s'y opposer, arguant de la situation exceptionnelle due à la guerre et faisant de la question un problème d'Etat, mais les ouvriers n'étaient pas dupes des manœuvres capitalistes et réussirent à imposer un accord. Une convention fut  signée entre le Comité exécutif et la Société des fabricants pétersbourgeois, reconnaissant la journée de huit heures, mais aussi   "les comités d’usines créés pendant les premiers jours de la révolution, élus sur des bases démocratiques et possédant des fonctions étendues dans le domaine du règlement intérieur." (Pankratova, 1923).  Ces dispositions furent reprises à Moscou puis dans toutes les villes de Russie.  Il y eut cependant des résistances à l'appel du Soviet à élire des starostes (représentants élus par une communauté ou chefs de mir, qui répartissait l'impôt).  En effet, vers 1903, un système policé avait été mis en place, où  des conseils de starostes ou conseils de doyens d'usine étaient choisis par les patrons eux-mêmes.  Mais les conditions étaient différentes cette fois, et les starostes devaient exprimer la volonté de leurs électeurs, et les ouvriers finirent par accepter cette disposition. Malgré tout, la bourgeoisie ne capitula pas et réussit, le 23 avril 1917, à faire passer une loi dont le but principal était clair "restreindre l'importance et le rôle des comités d'usines et limiter leurs pouvoirs"  (Pankratova, 1923),  ce qui n'empêcha pas les ouvriers de produire un peu partout leurs propres statuts, règles, et même, "constitutions d'usine".  A la loi, s'ajouta "une campagne monstre contre la journée de 8 heures faisant passer les ouvriers aux yeux du pays et surtout de l’armée, pour des maraudeurs et des profiteurs. Les colonnes des journaux pleins de fiel et de haine de classe, se remplirent des échos sur l'argent allemand, la vénalité et l’espionnage des chefs, l’anarchie et la débauche des masses ouvrières qui mènent le pays vers sa perte par les « exigences extraordinaires ». Le prolétariat indigné et la presse ouvrière démasquèrent courageusement les calomniateurs. Les organisations ouvrières publièrent des chiffres et des faits qui illustraient non la baisse mais la hausse de l’effort de travail des masses ouvrières en mettant en avant les autres causes objectives de