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     Afrique NOIRE 
 dominations 
et esclavages

 [ 3 ]  La Traite arabo-musulmane
              VIIe - XVIIIe siècles
 

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Carte de la pénétration de l'Islam dans le Bilad-al-Sudan  (Gast, 2000)

 

 

 

 

Dès 641,  après le triomphe de l'islam dans leur pays, les conquérants arabes soumettent l'Egypte. Comme le christianisme, l'islam, tout en prétendant défendre de hautes vertus morales, sera un puissant outil d'asservissement pendant des siècles. Dès 652 (an 31 du calendrier musulman),  la Nubie passe un traité avec les chefs musulmans, le baqt (dont le nom viendrait du grec pakton /latin pactum), qui l'oblige  à prélever un tribut annuel de 360 esclaves et d'un certain nombre de produits, contre lesquels les Arabes fournissaient des biens divers, en nourriture et vêtements  (Pétré-Grenouilleau, 1997 ; Histoire Générale de l'Afrique, vol. II, Afrique ancienne, dir. Gamal Mokhtar, 1987, p. 355, Editions Unesco, 8 volumes de 1980 à 1999).  Dès ce moment, le développement de la traite islamique est devenue très soutenu : "Des régions entières du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne et de l’Europe furent transformées en réservoirs d’esclaves. Les pays d’Islam allaient se révéler comme un acteur puissant de l’évolution de la traite des esclaves." (Trabelsi, 2012). En Afrique de l'Est, le long de la côte swahilie, cependant, les Arabes ne connaîtront pas le même succès. Dès la fin du VIIe siècle, un prince d'Oman avait bien tenté de lancer une expédition pour soumettre la région, mais son armée avait été défaite par une fédération de troupes africaines (Lewicki, 1974) Il n'en demeure pas moins que pendant des siècles, des commerçants de différentes régions du Moyen-Orient s'y installent, épousent des autochtones, fondent des familles et composent, année après année, une population bigarrée. Ainsi, le géographe, voyageur et encyclopédiste arabe Ali ibn al-Husayn al-Masudi (Al-Mas'ûdî), au Xe siècle, visitant Kambalu (possiblement Pemba, au large de la Tanzanie), et la côte swahilie, affirme que tous les habitants  de la côte se compose d'une "population mixte de musulmans et d'idolâtres zanjs dont le roi est appelé mfalme"  (Freeman-Grenville, 1975 : 14-17),  ce qui indique qu'une partie des populations de la côte swahilie était déjà islamisée au Xe siècle.  

Après de longues et de violentes révoltes, les Berbères se sont dans l'ensemble convertis à l'Islam au VIIIe siècle, après avoir feint de nombreuses fois d'accepter la foi islamique pour desserrer l'étreinte du conquérant arabe. Cet épisode de résistance se clôt avec la grande rébellion menée par la célèbre Kahina (Kahena), sorte de reine-prêtresse dont le peu que l'on sait historiquement a largement été comblé par les supputations et les mythes.  Une chose est certaine, la résistance des Berbères à l'envahisseur a été telle qu'il fallut trouver des moyens supplémentaires pour  les subjuguer, ceux que nous avons déjà rencontré dans maintes dominations, à savoir la collaboration fructueuse entre élites dominées et dominantes. A cette fin, Musa ibu Nusayr (640-717), gouverneur de la province d'Ifriqiya (Ifriqqiya, Ifriqiyya, emprunté à l'Africa romaine), "entreprit de libérer certains jeunes prisonniers d'origine noble, à condition qu'ils se convertissent à l'islam, pour leur confier des postes de responsabilité dans l'armée. Cette politique ne tarda pas à porter ses fruits, et de nombreux guerriers berbères s'enrôlèrent dans les armées arabes, à la suite de leurs chefs. Les Arabes furent aidés dans leurs efforts de conversion des Berbères par le succès de l'expédition d'Espagne, qui attira presque immédiatement dans leurs rangs un grand nombre de Berbères désireux de participer à la conquête et de recevoir leur part du butin."  (Histoire Générale de l'Afrique, op. cité, vol. 3, L'Afrique du VIIe au XIe siècle, dir. M. El Fasi, codirecteur. I. Hrbek, 1990, p.88)  

 

La mise en esclavage devenant illicite pour les Berbères, de plus en plus convertis, les marchands d'esclaves ont dû trouver de nouveaux débouchés, "afin de satisfaire l’insatiable demande orientale (Savage, 1992, p. 361)"  (op. cité) C'est ce  rappel des préceptes coraniques que fait le gouverneur de l'Ifriqya au second calife  abbasside Abû Ja'far al-Mansûr (714-775), ce qui mettra ce dernier dans une colère noire et le fit proférer des menaces à l'endroit du gouverneur. C'est que les souverains Arabes se sont lancés à la conquête de l'Afrique pour exploiter un immense vivier d'esclaves, rapportent différents auteurs arabes, comme Zaydân au IXe siècle (Pipes, 1985 : 168)  ou plus tard Ibn Idhârî (Aḥmad ibn Muḥammad Ibn Idhārī al-Marrākušī, 1295)  dans son Histoire de l'Afrique du Nord et de l'Espagne musulmane (Kitab al-Bayan al-Mughrib).  En 698, par exemple, Hassân Ibn an-Nu‘mân al-Ghassânî  réduit en esclavage 35.000 berbères qu'il emporte en quittant l'Afrique du Nord et de tels exemples sont nombreux dans les chroniques des auteurs musulmans (Botte, 2011) Par ailleurs, on trouve une forme de racisme chez ces conquérants, qui méprisent des Berbères prétendument "avares et durs", à la langue "incompréhensible" et qui, jusqu'au Xe siècle au moins, "étaient classés parmi les descendants de Cham et considérés comme des Noirs"  (Botte, 2010 ; 2011).  Plus  généralement, les Arabes pensaient disposer d'une langue claire et "qualifiaient les autres d'ajam c'est-à-dire « qui sont comme des animaux qui ne parlent pas » ('ajmâwât)"   (Histoire Générale de l'Afrique, op. cité, vol. 11, Lybia antiqua, 84)  rappelons-nous "le gazouillis indistinct des barbares" chez les Grecs

 

L'avènement de l'Islam va donc changer la donne, les musulmans ne devant pas soumettre (en théorie, mais  il y a de nombreux contre-exemples) d'autres musulmans ou des croyants des religions du Livre, sous-entendu les trois courants issues du monothéisme de l'Ancien Testament, dont Abraham représente le tronc commun. Comme la Bible (Ancien et Nouveau Testament confondus), le Coran admet l'esclavage, dont il établit quelques règles au travers de la mukataba, qui  permet à l'esclave d'acheter son affranchissement de manière contractuelle, en travaillant pour son protecteur omawlas  (Pérouse de Montclos, 2002) Rappelons ici que l'Arabie Saoudite n'a aboli  l'esclavage qu'en 1962, le sultanat d'Oman qu'en 1970, et la Mauritanie qu'en 1980. Par ailleurs, "Contrairement à la chrétienté, l’islam n’a pas produit de mouvement abolitionniste et n’a jamais demandé pardon aux descendants des victimes." (op. cité).  Quant à l'Afrique noire, là où l'esclavage est extrêmement répandu depuis très longtemps, nous l'avons vu et continuerons de le voir, de nombreuses formes d'asservissements qui lui sont liés continuent de perdurer à ce jour, nous l'examinerons dans un dossier de l'Afrique contemporaine. 

conquête   :  Etendre l'Islam au monde entier est une forme de djihad (jihad, جهاد : "effort", "lutte") qui, selon Averroès (Ibn Rushd ou Ibn Roshd, 1126-1198),  possède quatre formes : le jihad par le coeur, par la langue, par la main et par l'épée (Averroès, Muqaddima, "Introduction", "Prolégomènes", qu'on ne doit pas confondre avec le célèbre ouvrage du même titre d'Ibn Khaldun (Khaldoun). S'il y a bien un djihad intérieur, moral, spirituel, dont traitent beaucoup de penseurs musulmans, il en est un, aussi, qui a été traduit par "guerre sainte" sans trahir la philosophie religieuse islamique, qui est aussi important et autant un devoir pour le croyant musulman que les autres formes   :

 

"Dans les traités classiques de droit musulman, le jihâd est bien une guerre faite avec des armes contre des mécréants bien concrets, et non une lutte spirituelle. Lʼexpression jihâd al-asghar   [djihad mineur, NDA] nʼest pas employée à ma connaissance dans ces textes, on y emploie jihâd tout court. Le jihâd est de plus un devoir obligatoire qui est donc nécessairement bon et saint. Nombreux sont les hadîth qui placent le jihâd très haut dans la hiérarchie des devoirs religieux, avant le pèlerinage ou la prière. Dʼoù la traduction de “guerre sainte” que lʼon utilise souvent." 

 (Bleuchot, 2000),  

fois   :  "douze fois" selon Ibn Khaldun (Histoire des Berbères, op. cité) 

 

Avec la conquête du Maghreb, se déploie un réseau de traite et de négoce de l'Egypte à l'Espagne, s'appuyant sur des ports, des centres sahariens desservis par les traditionnelles voies  caravanières, où l'esclave représente aussi bien une marchandise qu'une monnaie d'échange.  Les principaux artisans du commerce transsaharien sont les Berbères ibâdites (Ibadiya), fraction d'une composante minoritaire de l'islam, les Kharedjites, issus d'une scission d'avec les partisans d'Ali, le 4e calife.  Après avoir été eux-mêmes, sous la menace esclavagiste arabe, les Ibadites deviennent à leur tour esclavagistes (notons que le dromadaire, bien mieux adapté au désert que le cheval,  avait été introduit en Afrique vers le XIe ou Xe siècle avant notre ère, à partir de la Mésopotamie, puis l'Arabie du Sud, et non aux tout premiers siècles de notre ère, comme on l'a cru longtemps   (Agut-Labordère, 2018).


Avant même la conquête musulmane, les royaumes d'Afrique noire fournissaient aux Berbères  des esclaves, de l'ivoire, du cuir, de la cire, des pierres précieuses, etc.,  commerce qui devient plus organisé et plus régulier avec les marchands berbères ibadites (et kharedjites en général), qui ouvrent  des pistes caravanières et contrôlent leurs terminaux au Maghreb, à Zawila, dans le Fezzan lybien (Fazzan), à Wargla (Ouargla), Tahert (Algérie),  Sijilmassa (Maroc), etc. (Botte, 2011). Du Fezzan (ancien pays des Garamantes) partaient les pistes les plus  empruntées vers le lac Tchad ou vers le Niger, par les régions très actives pour la traite des esclaves :  le Kawâr,  le Tibesti ou encore le Kânem, principal fournisseur, vraisemblablement, des esclaves d'origine zaghâwa, entre Tchad et Soudan, dont les populations subissaient,  depuis la haute antiquité, de fréquents asservissements, nous l'avons vu, de même après la conquête arabe, chez les Nûba, Zanj, Hâbasha, Mîrî, Murrû, Marawiyyûn, etc., "que les rois des Sûdân réduisaient en captivité, ainsi que d’autres tribus, « sans raison et sans (le motif) de la guerre [jihâd juste] »" (Botte, 2011).  Il existait des routes plus longues de Tahert à Gao, de Fès ou de Tripoli vers l'empire du Ghana.   

Les géographes arabes ont grandement œuvré à la cartographie de ce très vaste espace africain où se déploie les routes caravanières. Les ouvrages qu'ils rédigent à partir des IXe et Xe siècles, appartiennent à un genre appelé masālik wa l-mamālik ("Itinéraires et les royaumes"), formule utilisée pour la première fois par Ibn Hurdāḏbeh (Ibn Khordadbeh, 820-911) dans le titre éponyme de son ouvrage (al-Kitab al Masalik w’al Mamalik : "Livre des itinéraires et des Royaumes") et repris par beaucoup d'auteurs par la suite (Miquel, 2001).  Ce sont certes des projets ambitieux de géographie globale, à la fois physique et humaine, mais aussi des outils cruciaux pour les élites économiques et politiques. En effet, alors que la voie maritime des Indes et de la Chine perd en attractivité, plombée en particulier par la misère économique régnant en Mésopotamie ou la piraterie, que les conflits internes au monde musulman font rage (Abbassides contre Fatimides en Egypte, califats omeyyades en Espagne, indépendance du Khorassan samanide, protectorat bouyide à Bagdad, etc.), les routes terrestres menant à l'or et aux esclaves africains deviennent source importante d'intérêt géopolitique pour la puissance abbasside  (Ba, 2017).  A l'époque de la dynastie musulmane Abbasside  (750-1258), beaucoup d'esclaves africains sont capturés, achetés ou obtenus en guise de tributs dans des royaumes soumis, et importés dans le califat depuis la côte  swahilie.  Les esclaves africains sont alors nombreux en Arabie et tout le Golfe Persique, mais aussi, dans une moindre mesure, en Inde et en Chine  (Vernet, 2006).  Aux XIIe et XIIIe siècles, se développe le commerce d'esclaves entre le Maghreb et les îles européennes comme Majorque ou la Sicile.  

masalik
yaqubi

zawila  :    "Les captiveries de Zawîla auraient ainsi réuni des dizaines de milliers de miliciens qui passèrent au service des dynasties aghlabide, fatimide, ziride, hafside et beylicale. Sous les Fatimides, ces esclaves étaient cantonnés dans un quartier de Mahdiya, nommé Zawîla. Après la conquête d’Égypte par l’affranchi Djawhar al-Siqillî, des quartiers distincts, abritant des miliciens noirs, furent baptisés également du nom de Bâb Zawîla. (Trabelsi, 2012).

[jihâd juste] Citation d'Al-Ya‘qûbî (Yaqubi, Yakubi) Kitâb al-Buldân, "Le Livre des pays", écrit vers 889, traduction de G. Wiet, 1937, Le Caire, Institut français d’archéologie orientale. 

 

Il faut souligner ici l'importance des communautés judéo-berbères dont les origines diverses sont assez inextricables : Berbères convertis par des Juifs prosélytes, immigration forcée en Cyrénaïque sous la dynastie grecque des Lagides en Egypte, vers - 320, déportation par Titus après la destruction de Jérusalem (70), ou encore Juifs émigrés de Cyrénaïque (Lybie), dit Judéens, fuyant la répression de l'empereur Trajan, en particulier,  en réponse aux révoltes sanglantes des Judéens de Cyrénaïque et d'Egypte (Alexandrie, surtout), en 115-118.  Les communautés juives occupent une place importante du dispositif du commerce  transsaharien (sel, or, esclaves, etc.), bien implantées "au débouché des pistes caravanières et au cœur du  dispositif commercial" et dont les réseaux familiaux et d'affaires s'étendaient jusque dans les pays rhénans, en se livrant "activement au grand commerce international des esclaves, depuis les bords de l’Elbe jusqu’au Bilâd al-Andalus"  (Botte, 2011).  

Pendant le règne de la dynastie arabe des Aghlabîdes,  qui a régné entre 800 et 909 sur l'Ifriqiya (Tunisie, Constantinois algérien et Tripolitaine en Lybie),  Mohamed Talbi estime à 400.000 esclaves berbères déportés en Orient pour une période d'à peine un demi-siècle, ce qui donne une idée de l'ampleur massive du trafic d'esclaves d'origines très diverses organisé par les conquérants musulmans  (Talbi, 1966),  et qui, nous le voyons, déborde très largement le cas de l'Afrique noire, et même de l'Afrique tout entière : "Les esclaves ne transitaient pas seulement par l’Afrique, l’Asie, les fleuves russes, le Caucase ou la mer Caspienne. Des contingents importants provenaient aussi de l’Ouest et du Nord de l’Europe"  (Trabelsi, 2012).  Le récit de l'émissaire officiel du calife omeyyade de Cordoue auprès de l'empereur germanique Othon Ier, le juif espagnol Ibrahim ibn [fils de] Ya'qûb (Abraham ben Jacob) al-Isrâ'îlî ai- Turiûsh ("le Tortosan"), éclaire la réalité mondialisée du commerce d'esclave du côté européen, puisqu'après sa mission (354/965 env.), il se lança lui-même dans le commerce lucratif des chevaux et des esclaves, "évoquant des contrées comme l’Irlande, le royaume des Francs, la Pologne, Bordeaux, Noirmoutier, Saint-Malo, Rouen, Utrecht, Aix, Mayence, Fulda ou Prague. Prague est décrite comme le foyer central du commerce avec les pays slaves. Là aussi, ce sont les esclaves et les produits de luxe qui figurent en bonne position. Ses marchés étaient le point de rencontre des marchands russes, francs, slaves, musulmans et juifs. Ces derniers s’y rendaient avec des articles orientaux et des drachmes byzantines pour y acheter des esclaves, de l’étain et des fourrures"   (Trabelsi, 2012).    

récit   :   Le texte d'ibn Ya'qûb a été perdu, mais des fragments nous sont connus par : 

- le géographe cordouan Abū Ubayd Abd Allāh ibn Abd al-Azīz ibn Muḥammad Al-Bakri (1014-1094), dans son Kitab [écrit, livre] al masalik wa-l-mamalik, "Le livre des routes et des royaumes". 

 

 - le juriste cosmographe Zakariyā’ ibn Muḥammad al-Qazwînî (1203-1283), dans  les vestiges des pays et les informations sur leurs habitants » (Āṯār al-bilād wa-aḫbār al-‘ibād), auteur notamment du Livre des merveilles des créatures et de l'étrangeté des êtres (Kitab ʿAjā’ib al-makhlūqāt wa gharā’ib al-mawjūdāt : عجائب المخلوقات وغرائب الموجودات). 

foyer   :   Au point, d'ailleurs, où saint Adalbert refuse d'y être élevé à l'évêché en dénonçant la vente des esclaves chrétiens (Annales Chronica et Historiae Aevi Carolini et SaxoniciMonumenta Germaniae Historia [MGH],  Scriptores [SS], 04, p. 600,  1925-1933).  

slaves   :   Comme beaucoup d'autres peuples, les Slaves serviront des siècles durant de réservoir d'esclaves, asservis dans leurs propres guerres intestines ou par leurs voisins germaniques. Ils sont appelés al-Sakaliba, terme qui désignera par extension tous les esclaves européens. Ce terme, est dérivé de l'ethnonyme utilisé par divers peuples eux-mêmes et qui donnera le mot esclave et ses variantes européennes : sklave, slave, esclavo, escravo, etc.   (Histoire Générale de l'Afrique, op. cité, volume II: 35).   

Les conditions de vie des esclaves noirs devaient avoir atteint un seuil intolérable pour qu'éclatent des insurrections de plus en plus importantes, en 689/690, 694 et 869/883, cette dernière ayant été une des plus puissantes et des plus  violentes révolutions de l'histoire, ayant fait probablement des dizaines voire des centaines de milliers de victimes selon plusieurs sources dans une région correspondant au sud de la Mésopotamie  (sud de l'Irak et province perse du Khûzistân (Khouzistan, Iran). 

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 Maqâmât  (Les Séances),  début XIIe s.

  Abou Mohammad al-Qāsim ibn ʿAli ibn Mohammad ibn ʿAli  al-Harîrî al-Basri (1054-1122)

   

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Abû Zayd assistant au banquet

chez al-Hârith

  folio 16 r

                      

artiste inconnu

Syrie, Djezireh, "où se trouvait le plus ancien atelier de miniatures du monde arabo-musulman"

(Sakkal, 2014)

 

manuscrit sur papier, 187 feuillets    30   x 23 cm

                             1222

Collection Arabe  n°6094, 

                                              

 

Marché aux esclaves de Zabid            (Yémen)   

folio 105 r  

               

Danseuse noire dans une hôtellerie  

              

 

folio 33 r  

               

copié et enluminé par 

rYahyâ b. Mahmûd al-Wâsitî, à Bagdad

 

manuscrit sur papier, 167 feuillets    37  x 28 cm

 1237

 

 Collection Arabe n° 5847

              

     

   Bibliothèque Nationale de France

        (BNF), Paris 

       département des Manuscrits orientaux

Maqâmât  :  "Le terme de maqâmât, que l'on traduit par "séances", désigne un genre littéraire arabe classique, développé au Xe siècle. Il est composé de récits courts et indépendants en prose rimée avec des insertions de poésie. Créé par al-Hamadhânî (968-1008), ce genre d'une virtuosité stylistique étincelante culmine avec al-Harîrî (1054-1122).
Composées de cinquante séances, les Maqâmât d'al-Harîrî narrent les aventures de deux protagonistes : le narrateur al-Hârith et le héros Abû Zayd, vagabond bohême et fripon dont les tribulations à travers le monde sont l'occasion de portraits ironiques et d'anecdotes croquées sur le vif. Très appréciées pour leur humour, les Maqâmât d'al-Harîrî ont été luxueusement enluminées par Yahyâ b. Mahmûd al-Wâsitî, en 1237 à Bagdad. Ces peintures nous offrent un tableau incomparable de la vie des villes et des campagnes du monde arabe médiéval."  (source BN
F)

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Avec le développement de la traite orientale par les Arabes, ce sont bien d'autres régions, nous l'avons vu, qui sont concernées par le commerce d'esclaves. Après la christianisation des pays slaves, le vivier d'esclaves de ces régions se tarit et les musulmans doivent se tourner vers d'autres marchés.  L'ensemble de la Méditerranée constitue alors une vaste zone d'influence des guerres de course menées par les corsaires turcs des cités barbaresques  (Tunis, Alger, Tripoli, etc.), entre 1500 et 1680 pour la période la plus active, mais aussi par des corsaires du Levant, du Caire à Constantinople.  Les ports sont les cibles privilégiées des chasseurs d'esclaves, et en France, ceux du Languedoc et de Provence en ont souffert largement.  L'auteur du Don Quichotte, l'Espagnol Miguel de Cervantès, capturé par un corsaire albanais, probablement au large des côtes catalanes, est vendu comme esclave à Alger en 1575 suite à la bataille de Lépante et racheté par l'Espagne en 1580. Molière, dans ses Fourberies de Scapin (1671), illustre la duplicité de Scapin par l'extorsion de 500 écus que celui-ci parvient à obtenir de Géronte, en lui faisant croire que son fils Léandre a été emmené à Alger comme esclave, une pratique alors relativement fréquente.  Parqués dans des bagnes (dans les harems pour les jeunes filles), soumis à l'arbitraire, voire au sadisme des maîtres, ces esclaves blancs étaient principalement de deux sortes : Ceux qui savaient lire, étaient de "bonne" naissance et pouvaient être rachetés à bon prix (ils étaient mieux traités) et les illettrés qui n'avaient pas cette chance : pêcheurs, paysans razziés, par exemple, et qui vivaient très durement, attachés aux galères, pour un certain nombre  (Davis, 2003).  Par certains côtés, leur condition était pire encore que les esclaves de la traite atlantique des Noirs, car ces derniers étaient nourris par leurs maîtres et pouvaient parfois racheter leur liberté en amassant année après année un pécule de misère, tandis que les esclaves des Turcs n'avaient rien. Ils devaient acheter leur nourriture et payer ce qui leur tenait de  logement (op. cité).  Entre 1530 et 1780, ils auraient été plus d'un million de chrétiens européens, selon Davis, à avoir été réduits en esclavage par les musulmans, mais au total, selon le grand médiéviste Jacques Heers, durant le moyen-âge méditerranéen, les esclaves blancs étaient bien plus répandus que les esclaves noirs (J. Heers, Esclaves et domestiques au Moyen Âge dans le monde méditerranéen, Paris, Fayard, 1981).  

 

 

                             BIBLIOGRAPHIE   

 

 

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https://www.academia.edu/43771207/Abdourahmane_BA_Chapitre_1_Le_Takrur_historique_et_lh%C3%A9ritage_du_Fuuta_Tooro

BLEUCHOT, Hervé, 2000, "Chapitre VIII. Le jihâd" In : "Droit musulman : Tome 1 : Histoire. Tome 2 : Fondements, culte, droit public et mixte, Faculté de droit et de science politique d'Aix-Marseille, Collection Droit et Religions dirigée par Blandine Pont-Chelini, Aix-en-Provence : Presses universitaires d’Aix-Marseille.

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BOTTE Roger, 2010, "Esclavages et abolitions en terres d’islam. Tunisie, Arabie saoudite, Maroc, Mauritanie, Soudan", Bruxelles, André Versaille éditeur.

BOTTE Roger, 2011, "Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe-XIe siècle," L’Année du Maghreb, VII | 2011,  p. 27-59, Dossier : Sahara en mouvement.

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DAVIS Robert Charles, 2003, Christian Slaves, Muslim Masters: White Slavery in the Mediterranean, The Barbary Coast, and Italy, 1500-1800 (Esclaves chrétiens, Maîtres musulmans : l'Esclavage des Blancs en Méditerranée, sur les côtes barbaresques et en Italie...], Editions Palgrave Macmillan

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