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wenzel peter - adam et eve au paradis te

            Winstanley, 

« La terre entière...un trésor commun  »

Johann Wenzel Peter  (1745 - 1829), Adam et Eve au Paradis Terrestre, 336 x 247 cm

Pinacothèque du Vatican 

« Si un homme n'est pas compris à l'époque et dans le pays où il vit, et si ce qu'il écrit est pour le bien général de l'humanité,  il sera sans doute plus tard en d'autres pays ou dans des générations futures»

 

John Bellers, Proposals for raising a College of Industry, 1695

les premiers pas
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Gerrard Winstanley est né le 10 octobre 1609 dans la paroisse de Wigan, Lancashire (auj. Greater Manchester). Fils d'Edward Winstanley, un marchand de tissu (mercer) du Lancashire, dans la paroisse de St Olave Old Jewry  ("J'ai été élevé comme artisan", The law...), lui-même sera apprenti chez Sarah Gater de Cornhill à compter de 1630, avant d'obtenir la qualité de freeman en 1637,  et de s'installer à son tour comme négociant en tissu (Lutaud, 1979). 

Le 28 septembre 1640, Gerrard se marie avec  Susan King, avec qui il aura deux garçons. Elle est la fille d'un chirurgien-barbier londonien, William King, qui possédait une bibliothèque modeste mais intéressante, où figuraient les ouvrages de Pline d'Ambroise Paré, ou de Paracelse (Gurney, 2012).  L'année d'après, suite à des déboires financiers, sur fond d'escroquerie, il quitte Londres, et en 1643 il devient la mort dans l'âme un "misérable salarié agricole  [countryman]" (A Watchword, août 1649).   

  Gerrard    :   Garrard, selon l'état civil (Lutaud 1979), Gérard en français, introduit  après l'invasion normande de 1066 puis adopté sous différentes formes, dont Jerrard, utilisé dans certaines éditions de textes de Winstanley, Garret, Garrod.   

Winstanley, Gravure de Clifford Harper, né en 1949, ouvrier, anarchiste,artiste

Un terrain en friche, mais appartenant à un domaine privé, sur la colline Saint-George, non loin de Cobham, dans le Surrey, le dimanche 1er avril 1649. De pauvres bougres, avec à leur tête Gerrard Winstanley et William Everard, un militaire de la New Model. A coup de bêches, ils commencent à travailler le sol, "pour déterrer, fumer et semer du maïs sur George-Hill à Surrey" (The True Levellers Standard Advanced, cf plus loin), car "cela m'a été montré par la Vision des Rêves et la Vision éveillée que ce devait être l'endroit où nous devions commencer" (op. cité). "  La terre est à tout le monde, pensent-t-il et il faut nourrir tant de gens !  Dieu est avec eux et sûrement pas du côté de la fausse piété, du décorum des liturgies ("outward helps", The breaking of the day of god, "La venue du jour de Dieu, 1648). Le mouvement de la Réforme est passé par là, bien sûr Très religieux et mystique, ce premier texte sous-tend déjà que l'homme n'entend pas penser cette spiritualité en dehors des contingences : "La réforme et la préservation de l'organisation des richesses communes [Common-wealths] est ce que chaque homme doit avoir à l'esprit avec un soin attentionné ; telle est la volonté de Dieu".

  1648     :  Trois autres traités religieux suivront la même année :  The Mystery of God Concerning the Whole Creation Mankind ("Le Mystère de Dieu concernant l'humanité entière de la Création") ;  The Saints Paradise or The Fathers Teaching the Only Satisfaction to Waiting Soules... ("Le paradis des saints ou l'enseignement des Pères pour la seule satisfaction des âmes dans l'attente...") ; Light shining in Buckinghamshire.

En 1649, il accompagne ses premières actions d'éclats avec ses camarades de textes plus explicites sur la vision qu'il aurait reçu de la communauté des biens. 

Winstaley est très virulent (et le restera)  contre la prétention du clergé, sa monopolisation du savoir, dont ils n'ont pas seul le privilège, affirme-t-il "car le Peuple ayant l'Ecriture, en juge aussi bien que vous."

Puis, il martèle l'importance de la raison, identifiée à Dieu lui-même, aussi bien que l'action conjointe des hommes sur le monde :

 

: "c'est pourquoi j'utilise le mot Raison, au lieu du mot Dieu, dans mes écrits...(...) En effet, la raison est d'une force si puissante que, quand il gouverne dans la chair du roi, il gouverne toutes choses dans la justice, et il n'y a ni plaintes ni cris contre l'oppression (...) la Raison pure et parfaite fait tout chanter et se réjouir dans la justice: Quand ce Roi règne, la Ville est heureuse."

"Premièrement, lorsqu'un homme vit au travers de tous les actes d'amour envers ses semblables :  nourrir les affamés, habiller ceux qui sont dévêtus, soulager les opprimés; rechercher la protection des autres comme de lui-même... on peut dire que la création est soutenue et maintenue par un esprit d'amour, de tendresse et d'harmonie et aucune créature n'a plus d'objet de plainte."

"L'esprit du Père est pure Raison : avec laquelle, il tisse [litt : tricote, "knits"] ainsi toute la création en une unité de vie et de modération; chaque créature d'une douceur aimante se prêtant la main pour se préserver mutuellement, soutenant ainsi tout l'édifice ["the whole fabric"].

Truth Lifting Up its Head  ("La vérité calomniée relevant la tête"), 1949. Ce texte a été écrit en réaction de l'arrestation, à Kingston, de son ami Everard.

Puis, les propos sur la domination sociale, le principe d'égalité entre les hommes, tiendront plus de place, toujours articulé  par des éléments théologiques classiques, entre premier Adam, chair corruptible, pouvoir malfaisant de la Bête, etc. qui lui servent à établir la généalogie du mal  :

"quiconque obtient un pouvoir entre ses mains tyrannise les autres; autant de maris, parents, maîtres, magistrats, qui vivent selon la chair et se conduisent comme des seigneurs qui oppressent ceux qui sont au-dessous d'eux, ne sachant pas que leurs épouses, enfants, serviteurs, sujets sont leurs semblables et leurs égaux dans la bénédiction de la liberté."

The New Law of Righteousness (La Nouvelle Loi de Droiture),  26 janvier 1649.

Dès lors, ce premier Adam "s'est assis sur la chaise de la domination"... et "cherche à  tenir toutes les créatures de la terre entre ses mains cupides, à se faire un seigneur, et tous les autres ses esclaves."

 

"Et c'est le début de l'intérêt particulier, achetant et vendant la terre d'une main unique à une autre, disant: C'est à moi, confirmant cette propriété particulière par une loi du gouvernement qu'il a lui-même conçu, limitant ainsi d'autres créatures dans la recherche de leur nourriture issue de leur terre mère. De sorte que, même si un homme a été élevé dans un pays, il ne peut  plus travailler pour lui-même où il s'asseyait auparavant,  mais pour...celui qui avait acheté une partie de la Terre, ou qui l'a obtenu par héritage après le décès de ses parents, et qui l'a appelé sa propre Terre, dans le but que celui qui n'en avait pas soit obligé de travailler pour lui contre un petit salaire." 

"Un homme obtiendra de la viande, des boissons et des vêtements par son travail libre, et ce qui peut être le plus désiré sur terre. L'orgueil et l'envie seront également disparaîtront, car chacun se considérera comme égal dans la Création;"

op cité

Winstanley ne souhaite pas changer le monde par la violence et sa foi en la capacité de réunir pacifiquement tous les hommes autour de ce projet est ici  d'une touchante naïveté :

"Je ne dis pas que des hommes s'empareront les uns et les autres des biens de leurs voisins par la violence ou le vol (je l'abhorre) comme les hommes dans les pays aujourd'hui sont prêts à le faire, mais chacun doit attendre à ce que le Seigneur Christ se répande en multiplicités de corps, en les unissant tous d'un seul cœur et d'un seul esprit, agissant dans la justice l'un pour l'autre. Elle doit être une seule puissance en tout, faisant que tous donnent leur consentement pour confirmer cette loi de la justice et de la raison.

op. cité

L'auteur laisse ici la raison pour la foi, avec cette conviction chevillée au corps que Dieu, qui habite les hommes, pourra devenir un jour en eux devenir une loi efficiente de raison et de justice, cette "liberté universelle" qui "n'a jamais rempli la terre, bien qu'elle ait été annoncée par la plupart des prophètes."  Par ailleurs, le consentement de tous est un argument qu'accueillent aussi hypocritement les opposants à la communauté des biens, nous l'avons vu, puisqu'ils savent par avance que ce moment ne pourra jamais advenir,  pour la simple raison qu'eux-mêmes n'y consentiront jamais. 

"La lumière de la Raison a-t-elle incité certains hommes à se terrer dans des sacs et des granges, afin que d'autres puissent lutter contre la pauvreté ? La lumière de la raison a-t-elle fait cette loi, que, si un homme n'a pas une telle abondance de la terre pour qu'il puisse en donne aux autres, il l'emprunte et que celui qui la lui prête devrait l'emprisonner  et affamer son corps dans une pièce fermée ? La lumière de la Raison a-t-elle fait cette loi, qu'une partie du genre humain devrait tuer et pendre l'autre partie qui ne pourrait marcher dans ses pas ?"

"Il ne peut y avoir d' achat ni vente, ni aucune foire ni marché, mais la terre entière doit être un trésor commun."

"Quand un homme a de la viande, de la boisson et des manteaux, il en a assez, et toutes ces choses seront mises joyeusement à leur disposition pour en faire d'autres qui sont nécessaires, les uns et les autres s'aideront ; il n'y aura aucun seigneur sur les autres, mais chacun sera un seigneur de lui-même, soumis à la loi de la justice, de la raison et de l'équité, qui habitera et régnera en lui, qui est le seigneur ;"

"Aucun homme ne possédera plus de terre, alors chacun pourra travailler lui-même, ou avoir d'autres personnes pour travailler avec lui dans l'amour, travailler ensemble et manger du pain, comme une des tribus des familles d'Israël..."

"car la terre n'a pas été faite pour que quelques-uns vivent à l'aise... mais elle a été faite pour que tous vivent confortablement..." 

Les gens riches disent aux pauvres qu'ils enfreignent la loi de la Raison, s'ils tiennent les riches à l'écart ; Et moi Je suis sûr que c'est une violation de cette loi quand les riches sont seuls dans l'abondance, et pourtant nous verrons leurs semblables créatures, hommes et femmes, se démener par la réclamer ; la raison veut que tout homme doit vivre confortablement de l'augmentation des produits de la terre"

op. cité

Winstanley a probablement pensé aux Indépendants en prévenant que la communauté universelle ne sera pas l'oeuvre "de quelques mains", dont il dit qu'elles remettraient "le gouvernement tyrannique en d'autres mains" à leur tour, mais "répandu universellement par le pouvoir divin...".

 

"Allons plus loin : celui qui nie cette communauté nie les Écritures, qu'ils soient prédicateurs,  propriétaires ou hommes riches, qui soutiennent ce pouvoir injuste des propriétés particulières. (...)  Si vous travaillez la terre et travaillez pour d'autres qui vivent à l'aise et suivent les voies de la chair par vos travaux, mangeant le pain que vous obtenez par la sueur de votre front (litt. de vos sourcils), et pas le leur : sachez que la main de le Seigneur frappera sur chacun de ces mercenaires, et ils périront avec les hommes cupides et riches qui ont détenu et qui maintiennent la Création sous l'esclavage de la malédiction."

op. cité

Sans attendre cette intervention divine, Winstanley propose des mesures concrètes concernant la répartition de la richesse qui indiquent qu'il n'est pas fermé à des solutions originales  : 

"Par conséquent, si les riches veulent continuer de conserver cette propriété du mien et du tien,  laissez-les travailler leur propre terre de leurs propres mains. Et que ceux du Peuple commun, qui est le rassemblement d'Israël sous la servitude, qui dit que la terre appartient à tous, et pas à chacun, travaillent tous ensemble et mangent du pain ensemble sur les communes, les montagnes et les collines."

"Personne ne peut dire que leur droit leur est retiré ; car que les riches travaillent seuls par eux-mêmes et que les pauvres travaillent ensemble par eux-mêmes,  les riches sur leurs terrains clos, disant : C'est le mien ; les pauvres sur leurs Communes, disant "c'est le nôtre", car la terre et les fruits sont communs."

op. cité

L'auteur anticipe alors qu'il y aura des hommes rétifs à une si bonne loi  : 

"Il deviendra alors le serviteur des autres, et sera comme un fou en Israël ; la colère du Seigneur sera sur lui et il perdra le privilège de la filiation, jusqu'à ce que la loi de justice en lui devienne son roi. Et ceux qui perdront ce privilège sauront qu'ils ont perdu une bénédiction. Les hommes fiers, cupides et injustes, avant de nombreuses années, raconteront au monde par leurs lamentations et leurs tourments, ce que c'est que de perdre la bénédiction de la filiation."

op. cité

Mais Winstanley s'oppose à l'institution de la prison, préférant punir les coupables comme "des Gibéonites" (habitants de Gibéon, Josué : 9), en leur faisant non pas couper du bois ou puiser de l'eau, comme Josué l'avait fait aux temps bibliques, mais en travaillant la terre, " et tous le regards  seront sur lui." (L'auteur parle plus loin d'apposer sur un coupable, tout le temps que dure son infamie, une "marque distinctive qui le montre comme fou ("fool in Israël") aux yeux de tous." sans préciser la nature de cette distinction) Il réitère ailleurs cette opposition à l'enfermement, mais aussi à la peine de mort. Il propose plutôt de priver les coupables de filiation et de liens avec la communauté :  

"Israël ne doit pas emprisonner ou tourmenter par la mort ou des peines plus petites, mais seulement les amener à travailler et à manger leur propre pain, car celui ou celle qui inflige toute autre punition à ses semblables est un être injuste de la Création, et sera lui-même fait serviteur de tous... (...) Il n'appartient pas à un être humain d'en tuer un autre, car cela est abominable pour l'Esprit, et c'est cette malédiction qui a fait gémir la Création sous l'esclavage ;"

"Si quelqu'un vole quelque chose, qu'en fera-t-il ? Personne ne va l'acheter ou  la vendre, et pendant tout ce temps, chacun a de la viande, de la boisson et des manteaux, de quoi a-t-il besoin pour se mettre à voler ?  Non seulement son vol ne lui apportera rien, mais il perdra le bénéfice de la filiation ; On le tiendra éloigné, seul, pour manger son propre pain, et personne ne se joindra à lui."

op. cité

   éloigné  :    L'auteur précisera à la fin de son texte que "Tous ceux qui ont perdu leur liberté seront vêtus d'un drap de laine blanc, afin de se distinguer des autres."

Et l'auteur de rappeler la cause principale du malheur des plus faibles :

 

"Et vraiment, le commerce, sur la terre entière, est généralement devenue l'art soigné de voler et d'oppresser les autres créatures, et pèse de tous ses fardeaux sur la création, mais lorsque le monde deviendra un trésor commun, ce fardeau en sera ôté.

Troisièmement, alors que les juges et les officiers d'État devraient soulager les gens dans leurs torts et préserver la paix, ils multiplient eux-mêmes les torts, et de beaucoup,  opprimant la plupart du temps les pauvres, laissant les riches coupables en liberté, et  ignorant la lettre de leurs lois, comme les prêtres le font des Écritures ; ils agissent avec une subtile convoitise et des paroles doucereuses pour obtenir de l'argent, ou bien gouverner par leur propre volonté, ou encore par envie d'emprisonner et d'oppresser les autres, laissant les pauvres mentir plusieurs fois en prison la moitié de l'année sans jamais les traduire en justice."

 

op. cité

The New Law
Light shining...
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Winstanley, Gravure de Maxwell Armfield pour la revue Ploughshare, publiée par la  Socialist Quaker Society (SQS) entre 1912 et 1919. 

 

Dessin pour le numéro de mars 1916,  

Dans Light shining in Burckingamshire, Winstanley  a un mot aimable pour les Levellers de Lilburn et sa bande :

"Et donc ceux qui s'appellent les Niveleurs, leurs principes pour libérer tout le monde pareillement de l'esclavage, sont les plus justes et les plus honnêtes en ce qui concerne la question de la liberté"

Et tout en haut de cette chaîne d'oppressions, il y a le Roi, mais aussi le Parlement non élu dont l'auteur critique férocement l'institution. 

"Les rois sont la cause des guerres :  Il leur est nécessaire d'entretenir des armées, à défaut desquelles le peuple ne pourrait être esclave au point de lui obéir. Ce faisant, ils nomment des capitaines  à la tête de milliers d'hommes, et d'autres à la tête  de centaines d'autres : telle est l'origine de la haute et la moyenne noblesse ["nobility and gentry"]." 

More light shining in buckinghamshire, 1649

L'auteur démonte une nouvelle fois les stratégies des dominants, ici dans l'action conjointe des pouvoirs civils, judiciaires et religieux. Premièrement, l'ensemble des corps de pouvoir sont corrompus, la justice est "achetée ou vendue",  toutes les actions des pouvoirs concourent  à asservir le peuple et  à le "sucer au maximum" (suck them most), avec l'aide de la religion officielle. Se gavant des dîmes, "et une fois ce dieu qu'est leur ventre bien gavé, ils ouvrent la gueule comme des chiens dératés...et subodorant quelque bénéfice, vous assène :  debout, aidez votre Roi,  ou aidez votre Parlement, ah, votre vie, votre liberté, votre religion sont en jeu : et voici comment les pauvres gens s'assassinent les uns les autres..." (op. cité)

Il s'agit bien là d'une dénonciation au vitriol du pouvoir et de la religion, cette dernière apparaissant  clairement à  Winstanley comme ce qui deviendra chez Marx cet "opium du peuple".  

L'auteur va jusqu'à appeler à s'attaquer aux lois relatives à la propriété : "set aside buying and selling law" et invite les soldats à expulser les Juges de Westminster Hall ("pull the Judges out of Westminster Hall" (op. cité)

Contre l'ordre institué, les lois, les règlements, les traditions, Winstanley appelle régulièrement à se défaire de ceux qui les monopolisent. Ainsi, il se demande "Pourquoi n'importe qui ne peut-il pas exprimer et prêcher ce que Dieu lui a fait comprendre, tout aussi  librement que le fait un prêtre ?"  (op cité).

Suite à la démonstration de Winstanley et des autres Diggers sur la colline Saint-George, différents représentants de l'Etat adressent des lettres à Lord Fairfax dans le but de rétablir l'ordre. John Bradshaw (Council of State) suggère d'envoyer des troupes à cheval, Henry Sanders, de Walton, prévoit une foule 4000 à 5000 personnes d'ici dix jours, "invitant tout le monde à les rejoindre et à les aider, leur promettant nourriture, boisson et vêtements",  "effrayant la population alentour". Le "Commissioner of the Great Seal", Whitelocke enregistre dans ses mémoires cet épisode de "nouveaux Levellers" situé sur les collines St Margaret et St George, "creusant la terre et semant racines et fèves", " sans intention de toucher aux propriétés de qui que ce soit ou de démolir piquets et clôtures, mais seulement ce qui est commun et non approprié, et de le rendre fécond pour le bénéfice de chacun, et le temps viendra très vite, où tous les hommes y participeront de leur propre volonté, et renonceront à leurs terres et à leurs domaines pour les remettre dans les mains de cette communauté." (Bulstrode Whitelock, Memorials of the English Affairs from the Beginning of the Reign of Charles the First to the Happy Restoration of King Charles the Second,  4 volumes, Oxford University Press, 1853)

Il y aura donc une entrevue de Fairfax, séjournant à Whitehall, avec les deux chefs Levellers le 20 avril 1649, alors même que Lilburn et Overton continuaient de rédiger des pamphlets furieux, respectivement London's liberty in chains discovered  ("Nouvelles chaînes de l'Angleterre dénoncées") et  The Hunting of the Foxes,  "La Chasse aux Renards".  Cette entrevue a été reproduite le 23 avril dans The declaration and standard, of the Levellers of England. Scène étonnante, entre un vicomte du Yorkshire et ces deux hommes à l'allure paysanne, avec un Everard,  arc-bouté sur ses principes quakers d'égalité, refusant d'ôter son chapeau devant un supérieur et  monopolisant la parole :  

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Frustré par l'entrevue d'avec Fairfax, Winstanley rédige alors son manifeste des True Levellers Standard advanced... dans les jours qui suivirent, se distinguant ainsi clairement des Levellers de Lilburn et ses amis, car chez les premiers, nous l'avons vu, il n'est pas question en général de niveler les classes sociales ni de supprimer la propriété privée. Dans ce texte, il évoque l'origine de la propriété privée qui, hormis les appréciations religieuses, correspond bien à ce que l'histoire nous apprend  :

Et que cette Propriété Civile soit la Malédiction, est manifeste car ceux qui achètent et vendent des terres, les propriétaires, l'ont obtenue soit par oppression, soit par le meurtre, ou par le vol ; et tous les propriétaires vivent en violation des septième et huitième commandements".

Pour le reste, le texte ne nous apprend rien de nouveau qui ne soit dans les précédents écrits de Winstanley.  Il faut tout de même citer en entier le titre de ce manifeste, qui  fait apparaître un certain nombre de compagnons de Winstanley et d'Everard :  "The True Levellers Standard Advanced : Or, The State of Community Opened, and Presented to the Sons of Men. By William Everard, John Palmer, John South, John Courton, William Taylor, Christopher Clifford, John Barker, Ferrard (sic) Winstanley, Richard Goodgroome, Thomas Starre, William Hoggrill, Robert Sawyer, Thomas Eder, Henry Bickerstaffe, John Taylor, etc. Beginning to plant and manure the Waste land upon George-Hill, in the parish of Walton in the County of Surrey. London. Printed in the year MDCXLIX" (Le Drapeau déployé des Vrais Niveleurs: ou L'État de Communauté exposé et offert aux fils des hommes... commençant à cultiver et à fumer la Terre inculte de la colline Georges, dans la paroisse de Walton, sur le comté de Surrey, imprimé à Londres en 1649"). 

Olivier Lutaud n'hésite pas à affirmer que nous « nous trouvons devant le premier "Manifeste communiste" de l'Histoire » et traduit dans son titre "community" par "communiste". On peut cependant objecter que ce communisme a déjà été clairement exposé dans ses textes précédents, et que, de  plus,  la forme, "community" est un mot déjà existant pouvant recouvrir des réalités différentes, alors que "communisme" avait été forgé avec une intention bien précise de désigner une communauté de partage des biens. 

D'avril à mai, de nombreuses gazettes et autres newsbooks s'emparent de ce bon filon journalistique :  Mercurius Elencticus, Mercurius Pragmaticus, The Moderate Intelligencer, The Man in the Moon, etc. etc. Bon nombre d'entre-eux traitent le sujet avec dérision et moquerie. Ainsi le  Mercurius Pragmaticus, assimilant le don de révélation d'Everard à un don de la "Folie-à-lier",  se gaussant de ceux qui sont venus "prêcher la Liberté... aux daims opprimés", soignant leur image d'ermites "à coup de panais et de fèves", etc. Le Moderate Intelligencer ou le Perfect Summary insistent sur le fait qu'ils sont "dépourvus de raison" et sont même autant de "fous et de détraqués" (19-26 avril et 16-23 avril)  Daté des 20-27 avril, The Kingdom's faithful and impartial scout reprend le qualificatif de Bêcheur ("a party of Diggers"), avant d'informer ses lecteurs la disparition d'Everard, parti semble-t-il rejoindre les mutins militaires de Burford.  Everard n'est pas seul à faire défection, ce qui offre aux journalistes de nouveaux traits sarcastiques : "la toute jeune colonie de la colline Saint-George dans le Surrey est entièrement "dénivelée" ("relevelled", op. cité 20-23 avril).  Il en allait de même de tous les mouvements religieux, qu'ils soient  baptistes, anabaptistes, et même les premiers Quakers, ont condamné le communisme. 

Notons, à l'inverse, le soutien de Peter Chamberlen, auteur du Poor Man's advocate, qui propose, comme Hartlib,  de réquisitionner et exploiter des terres communales pour le bien des pauvres, à l'instar de William Covell, plus tard, dans Declaration, de 1659.

Les Levellers de Lilburn, en pleine agitation des hommes de Winstanley, se dépêchent de publier dès le 16 avril un manifeste pour s'en démarquer et affirment, à l'opposé de ceux-ci, leur défense de l'institution de la propriété, et ce dès le titre :

"A MANIFESTATION, FROM Lieutenant Col. John Lilburn, Mr William Walwyn, Mr Thomas Prince, and Mr Richard Overton, (Now Prisoners in the TOWER of London) And others, commonly (though unjustly) STYLED LEVELLERS. Intended for their FULL VINDICATION FROM The many aspersions cast upon them, to render them odious to the World, and unserviceable to the Common-wealth. And to satisfie and ascertain all MEN whereunto all their Motions and Endeavours tend, and what is the ultimate Scope of their Engagement in the PUBLICK AFFAIRES. They also that render evill for good, are Our adversaries: because We follow the thing that good is.

Printed in the year of our LORD, 1649."

"Une Manifestation  du Lieutenant-colonel John Lilburn, Mr. William Walwyn, Mr. Thomas Prince et Mr. Richard Overton (en ce moment prisonniers dans la Tour de Londres), et d'autres communément (mais incorrectement) appelés  Mouvement Niveleur, destinée à leur pleine justification contre les  nombreuses calomnies lancées contre eux,  pour les rendre odieux aux yeux du monde et inutiles au bien commun (Common-wealth), pour satisfaire tous les hommes vers lesquels se portent leurs actions et leurs effort et montrer toute la portée de leur engagement dans les affaires publiques. Imprimé en cette année du Seigneur de 1649."

On ne peut que s'interroger sur la signature de Walwyn, farouche partisan nous l'avons vu du communisme, mais aussi celle d'Overton, lui-même d'esprit très révolutionnaire, ce qui avait déjà été le cas pour A declaration of some Proceedings of Lt. Col. John Lilburn and his accociates... de 1648, où le groupe qualifie carrément de "pestilence" qui a "infecté" des réunions les idées de parité, de "nivellement" ("levelling")  "conduisant  à l'égalité des  domaines  pour tous'.   Ou encore le chapitre XXX du May-Day Agreement, qui stipule "qu'aucune représentation politique n'aura de pouvoir d'égaliser des domaines, de détruire la propriété ou de rendre toutes choses communes."

 

On peut  y voir très probablement une stratégie très prudente et concertée du groupe pour ne pas s'aliéner des soutiens plus tièdes comme ceux des Indépendants et, au-delà, de l'ensemble des travailleurs peu réceptifs à des propositions aussi révolutionnaires. 

 

En mai 1649, Winstanley et ses amis  s'adressent  "aux Seigneurs des Manoirs et de la Terre", pour leur signifier que "la terre n'a  pas été faite exprès pour vous, ni pour que vous en soyez les Seigneurs ni pour que nous soyons vos esclaves, serviteurs ou mendiants, mais comme moyen de subsistance commun à tous, sans distinction de personne, et que l'achat et la vente de la terre et de ses fruits est la chose maudite et a été introduite par la guerre, a établi jusqu'à ce jour le meurtre et le vol, entre les mains de certaines branches de l'humanité et contre d'autres (...)  et bien que vous n'ayez ni tué ni volé, vous tenez cette maudite chose entre vos mains, par la puissance de l'épée ; et ainsi vous justifiez les mauvaises actions de vos Pères..."
 "L'argent ne doit plus... être le grand dieu, qui  protège les uns et exclut les autres. Les Ecritures le disent, la marque de la Bête est 666, le nombre d'un homme, et ceux qui ne portent pas cette marque sur les mains ou sur le front ne devraient ni acheter ni vendre
. (Apocalype, 13 : 16)." 

A Declaration from the poor...

"Nous sommes faits pour ne priver aucun homme des  privilèges qui lui ont été conférés à sa naissance, égaux aux uns et aux autres"

"nous  tirerons le meilleur avantage du bois et des arbres qui poussent sur les communs...jusqu'à ce que le fruit de nos travaux produisent en abondance...jusqu'à ce que l'Esprit en vous vous fasse abandonner vos terres et vos biens..."

op. cité

"vous et les riches propriétaires libres tirez le meilleur parti des Communs, en les surpeuplant d'ovins et de bovins; et les pauvres... y ont le moins de part; non, ils sont contrôlés par vous, s'ils coupent du bois, de la lande, du gazon ...dans des endroits  communs, où vous leur interdisez l'accès."

op. cité

"Par conséquent, nous espérons que tous les marchands de bois renieront toutes ces marchandises privées, comme étant un vol des pauvres opprimés, et prenons note, qu'on leur a dit notre résolution: mais si l'un d'entre vous qui êtes marchand de bois, l'achète des pauvres, et pour leur usage, pour stocker les biens communs, vous le recevrez tranquillement, sans diminution; mais si vous nous faites du mal dans cette chose, ne nous en voulez pas, si nous arrêtons les chariots que vous envoyez et convertissez les bois à notre propre usage..."

op. cité

" le Parlement a promis, si nous voulions payer des impôts, risquer librement nos vies en nous battant contre Charles Ier et son parti, qu'ils appelaient l'ennemi commun, ils feraient de nous un peuple libre ; Ces trois faits étant réunis par nous, ainsi que par eux-mêmes, nous revendiquons l'application notre contrat, par l'engagement qu'ils ont pris d'être un peuple libre conjointement avec eux, et d'avoir un privilège égal de commune existence avec eux."

 

A Declaration from the poor oppressed people of England, directed to all that call themselves, or are called Lords of Manors, through this nation; that have begun to cut, or that through fear and covetousness, do intend to cut down the woods and trees that grow upon the commons and waste land." ( "Déclaration du pauvre peuple opprimé d'Angleterre, adressée à tous ceux qui s'appellent eux-mêmes, ou sont appelés Seigneurs des Manoirs, dans cette Nation,  qui ont commencé à couper, ou qui, par peur et convoitise, ont l'intention d'abattre les bois et les arbres qui poussent sur les communs et les terrains en friche"),  1649, document signé par 45 noms, au premier rang desquels figurait celui de Gerrard Winstanley.

a declaration of the poor

Gerrard Winstanley
John Coulton
John Palmer
Thomas Star
Samuel Webb
John Hayman
Thomas Edcer
William Hogrill
Daniel Weeden
Richard Wheeler
Nathaniel Yates
William Clifford
John Harrison
Thomas Hayden
James Hall

James Manley
Thomas Barnard
John South
Robert Sayer
Christopher Clifford
John Beechee
William Coomes
Christopher Boncher
Richard Taylor
Urian Worthington
Nathaniel Holcombe
Giles Childe, senior
John Webb
Thomas Yarwel
William Bonnington

John Ash
Ralph Ayer
John Pra
John Wilkinson
Anthony Spire
Thomas East
Allen Brown
Edward Parret
Richard Gray
John Mordy
John Bachilor
William Childe
William Hatham
Edward Wicher
William Tench.

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Winstanley avec ses amis diggers, Gravure de Clifford Harper.

Le Mercurius Republicus des  22-29 mai rapportent que les Diggers se sont vus spoliés par les Landlords d'une partie du bois nécessaire à la construction d'abris ou de cabanes.  Le  29, Fairfax, de retour à Londres, s'arrête  à la colonie et réclame de Winstanley de la discrétion contre sa tolérance. Après le départ de Fairfax, des soldats de passage voulurent satisfaire (contre avantages ?) des fermiers et des propriétaires terriens et s'y associèrent pour  malmener les Diggers. Le 11 juin, ils réitérèrent leur action, mais de manière bien plus brutale, cette fois, avant d'entamer quatre poursuites judiciaires contre Gerrard et d'autres, intentées au nom de notables de bonne famille, comme Ralph Verney,   ancien parlementaire, Francis Drake de Walton ou le vicomte Wenman, propriétaire du Manoir de Walton. Winstanley se tourne encore vers Fairfax (A letter to Lord Fairfax...), où il déclare avec lyrisme que le communisme ("Community in the earth")  c'est "la bataille entre l'Agneau de Dieu et le Dragon de l'Apocalypse". 

 

Au mois de juin 1649,  Winstanley écrit un pamphlet contre les quatre chefs Niveleurs sur la base d'un texte qu'il croit par erreur être écrit par eux, mais qui a été rédigé par John Canne un pasteur baptiste, associé  à Walter Frost,  secrétaire du Conseil.  S'en suit une dispute entre les trois parties dont nous nous passerons des détails. 

  propriétaires terriens    :  Deux freeholders, gros propriétaires terriens, tenanciers libres, William Star, de Walton et John Taylor.

  pamphlet     :   The Discoverer: Wherein is set Forth (to Undeceive the Nation) the Reall Plotts and Stratagems of Lieut. Col. John Lilburn, Mr William Walwyn, Mr Thomas Prince, Mr Richard Overton, and that Partie,  2 juin 1649.  

Vient ensuite The levellers new Remonstrance or Declaration to his excellencie the Lord General Fairfax (15 juin 1649), où il récuse l'accusation qui lui est faite d'anarchie, car s'il comprend l'institution des lois, il affirme que la communauté qu'il promeut n'a besoin "ni de magistrats, ni de lois, ni de prisons". Peu d'initiateurs de communautés auront comme Winstanley le souci de la liberté individuelle au sein du groupe. ll y va de l'organisation civile comme de la conduite religieuse, qui est bien plus révolutionnaire que celle des Réformateurs : " en ce qui concerne les enseignements spirituels, nous laissons chaque homme être son propre maître." Dans ce texte, il parle pour la première fois de sa communauté comme "company of the diggers" exigeant pour elle protection, surtout depuis qu'un de leurs membres s'est fait attaqué et blessé par des soldats d'infanterie du capitaine Stravie, qui ont aussi molesté un enfant et surtout, volé son manteau. Winstanley rappelle  "qu'à moins de faire irruption dans vos enclosures", "ils n'ont pas à être maltraités".

L'auteur liste alors point par point des éléments d'évidence qu'il s'agit de reconnaître, en particulier la colonisation des Normands de Guillaume qui fait de l'Angleterre, depuis plusieurs siècles (1066), une terre de conquête, et ce jusqu'à Charles Ier ; l'origine controversée des propriétés des Landlords, fondées sur la violence ;  la liberté chèrement gagnée du peuple qui rend nécessaire la  séparation des enclosures de la noblesse d'avec la "Communalité" ("Commonalty", notre Tiers Etat) dans leurs communes ; la suppression des lois iniques incompatibles avec l'équité et la raison ; l"établissement nécessaire d'une loi contractuelle (law of contract) octroyant à chacun le droit d'usage des communs pour sa subsistance et d'installation libre sur des terres non appropriées sans paiement de loyer. Le dernier point concernait la domination des classes riches : "quand au petit peuple,  travaillant pour elles contre salaire... quelle plus grande liberté possède-t-il en Angleterre qu'en Turquie ou en France ?" Il faut donc qu"aucune proportion de la nation soit lésée pa manque de représentants."   (cf. Lutaud, 1976)

Winstanley en avait terminé là avec les puissances civiles, il pouvait passer au pouvoir clérical : Avant la Chute, la terre était-elle à tous ou seulement à quelques uns ?  Et l'auteur de demander qu'on n'y réponde pas par des textes bibliques ou autres, mais par la loi naturelle, "inscrite dans le cœur de l'homme" celle dont saint Jean dit "qu'elle éclaire tout homme venant dans le monde."  Toutes les guerres, tout le sang versé, toute la misère  ne viennent-ils pas de ce qu'un "seul homme voulut en dominer un autre ?" Alors, oui ou non "ce malheur ne sera-t-il  pas supprimé quand toutes les parties de l'humanité se verront comme un seul être et considéreront la terre comme un trésor qui leur est commun ?" L'auteur insiste ensuite sur la justice en actes devant supplanter la justice "en paroles, comme les prédicateurs", qui trompent le peuple.  (cf. Lutaud, 1976)

The levellers new Remonstrance

Winstanley fut occupé tout le mois de juillet par ses ennuis judiciaires, dans lesquels il voulut se défendre sans avocat, ce qui le rendait "techniquement absent" du tribunal et qui lui causa une raison de plus de s'insurger contre le manque de liberté, en l'occurrence de ne pas avoir la possibilité de défendre soi-même sa cause. Le 26 août, Winstanley s'adresse à une juridiction plus élevée, la Cité financière de Londres, qui l'avait reçu en juin, pour défendre sa cause, au travers de son Watch-word to the city of London and the Army ("Mot d'ordre adressé à la cité de Londres et à l'Armée"), où il répète pour une énième fois que "La terre sera transformée en un trésor commun pour faire vivre toute l’humanité, sans distinction des personnes", souligne, une nouvelle fois, aussi l'importance primordiale de l'action pour opérer des changements : "Toute la vie est action, et si vous n'agissez pas, vous ne vivez en rien". Et cette action est d'autant plus importante que les paroles prononcées la contredisent souvent, rappelle-t-il  :  "Tout le monde parle de liberté, mais il y en a peu qui agissent pour elle ; alors que ceux qui agissent pour la défendre sont opprimés par les causeurs et les prêcheurs de liberté."  

Suite à tous leurs déboires, les Diggers quittent St-George pour les terres du Manoir de Cobham, non loin de là, appartenant au pasteur presbytérien John Parson Platt (mais dont il fut chassé en 1662 par le Code Clarendon [du nom du comte de Clarendon], restaurant l'Eglise d'Angleterre sous Charles II.  Platt réclama des troupes contre les squatters et cette fois, le tempérant Fairfax dut, sous les ordres de Bradshaw, President of the Council of State, envoyer des soldats. Ces derniers détruisirent fin novembre des cabanes, agirent ici ou là avec violence (Lutaud, 1979), ce qui donna prétexte à Winstanley d'un nouveau et long traité, A New Year's Gift... "par Jerrard [sic] Winstanley, un amoureux de la liberté et de la paix en Angleterre", où il évoque, par ailleurs, la soumission aux riches par la crainte, celle qui a animé  "les pauvres locataires qui ont démoli la maison...parce que leurs propriétaires fonciers et leurs seigneurs les regardaient, de peur qu'ils ne soient mis à la porte, ou de risquer leur vie. (...) Et quand les pauvres travailleurs forcés avaient fini de démolir la maison, leurs seigneurs leur donnèrent dix shillings à boire, et là ils se sourirent l'un à l'autre ; être craintif, comme un chien qui est impressionné, lorsque son maître lui donne un os et se tient au-dessus de lui avec un fouet ; il mangera, lèvera les yeux et tordra sa queue ; car ils ne rigolaient pas, de peur que leurs seigneurs n'entendent qu'ils les raillaient ouvertement ; car dans leur cœur, ils sont des Diggers."

"la maudite cupidité, qui donne la Terre à une partie de l'humanité et en prive l'autre partie : et cette partie qui a la Terre n'a pas le droit par la Loi de la création de la prendre pour lui-même et en exclure les autres ; mais il l'a violemment confisquée par le vol et le meurtre de la Conquête : Comme quand notre Normand William est venu en Angleterre, l'a vaincu, expulsé les Anglais et donné la terre à ses soldats normands,  à chacun sa parcelle à enclore, et ainsi augmenta la propriété ;  car c'est le fruit de la guerre depuis le début, qui retire la propriété d'une main plus faible pour la déposer dans une main plus forte, tout en entretenant la malédiction de la servitude ;"

Sans la guerre, sans la convoitise du pouvoir, "le Parlement, l'armée et les riches consentiraient joyeusement à ce que ceux que nous appelons pauvres creusent et plantent librement les friches et la terre commune pour assurer leur subsistance, en voyant qu'il y a suffisamment de terres... (...) notre terre sera augmentée de toutes sortes de produits, et le peuple sera uni dans l'affection, pour empêcher un ennemi étranger qui s'efforce, et qui s'efforcera encore, de venir comme une armée maudite de rats et de souris pour détruire notre domaine"  

"l'oppression est encore un grand arbre, qui éloigne toujours les fils de la liberté des pauvres Communs, possède de nombreuses branches et de grandes racines qui doivent être arrachées, avant que chacun puisse chanter  en paix les hymnes de Sion."

"L'Angleterre est une prison; la variété des finasseries des lois conservées par l'épée, sont les verrous, les barres et les portes de la prison; les Avocats sont les geôliers, et les pauvres sont les prisonniers; laissez un homme tomber des mains du bailli à celles du juge, et il est soit entièrement dépouillé, soit fatigué de sa vie."

"car bien qu'ils fassent semblant de faire la justice, les Juges et les Officiers de justice l'achètent et la vendent pour de l'argent, puis s'essuient la bouche comme une putain de Salomon, et disent qu'elle est leur vocation, alors qu'ils ne s'en préoccupent jamais."

"Si vous avez encore autant d'argent, ne le donnez pas pour détruire les hommes, mais donnez-le à certains pauvres ou à d'autres pour qu'il devienne marchandise, et dites-leur d'aller planter les communs ; ce sera votre honneur et votre confort ; assurez-vous de ne  jamais avoir un trop grand confort, dites-vous que vous êtes amis avec les pauvres ; venez donc, venez, aimez les Diggers, et faites restituer leur Terre ; car que feriez-vous si vous n'aviez pas de tels ouvriers pour travailler pour vous ?"

" De même, nous entendons qu'ils vous ont dit que les Diggers dérobent et volent le bien d'autrui. C'est également une calomnie : Certains nous ont volé des choses, plutôt, mais si quelqu'un peut prouver que l'un de nous vole des biens privés, comme des moutons, des oies, des porcs, comme on dit, que cela soit montré en spectacle au monde entier.  Pour ma part, je ne possède rien de telle sorte, ni ne connaît une telle chose chez tel ou tel Diggers. De même, on rapporte que nous, les Diggers, partageons ensemble les femmes et vivons dans cette bestialité : Pour ma part, je me déclare opposé à cela ; Je reconnais que c'est une vérité, que la terre doit être un trésor commun à tous; mais quant aux femmes, que chaque homme ait sa propre femme et chaque femme son propre mari ; et je ne connais aucun Digger qui agisse dans un tel et fol abus qu'est le partage commun des femmes : s'il en est, je certifie n'avoir rien de commun avec de telles personnes, que je laisse à leur propre Maître, qu'ils paieront par des tourments de leurs âmes et des maladies de leur corps."

A new-yeers [year's] gift for the Parliament and Armie: shewing what the kingly power is; and that the cause of those that they call Diggers is the life and marrow of that cause the Parliament hath declared for, and the Army fought for; the perfecting of which work, will prove England to be the first of nations, of the tenth part of the city Babylon, that fals off from the Beast first, and that sets the Crown upon Christs head, to govern the world in righteousness, ("Un cadeau du Nouvel An pour le Parlement et l'Armée : montrer ce qu'est le pouvoir royal; et que la cause de ceux qu'on appelle les Bêcheux (Diggers) est la vie et la moelle de cette cause pour laquelle le Parlement s'est prononcé et l'armée battue ; La  droiture absolue de ce travail prouvera que l'Angleterre peut être la première des nations ou la dixième partie de la ville de Babylone, qui se détache  en premier lieu de la Bête, avant  de ceindre la tête de Christ de la Couronne, pour qu'il puisse gouverner le monde avec justice"), 1650 

En décembre 1649 , un groupe de sept diggers, qui ne comprenait pas Gerrard, conduit par un certain Robert Coster  écrivirent aussi à Fairfax ("To his excellency..."). Coster rédigea aussi un pamphlet le même mois (A Mite cast into the common treasury... ("Un petit sou jeté au trésor commun") où l'auteur, s'il défend peu ou prou les mêmes idées que Winstanley, affirmant après lui que "depuis six ou sept cents ans, le peuple a été exclu du profit de la terre... par ce Seigneur et Maître illégitime, la Propriété." (in Lutaud, 1979), donne de précieuses et rares informations sur le vécu, les sentiments des pauvres sur leur asservissement.  Comme Winstanley, il lie l'extrême pauvreté, l'extrême misère à la nécessité de violer les lois pour survivre :  "Oppression et cruauté exercent sur le pays une telle emprise que les pauvres sont contraints de transgresser les lois de la nation." Il ajoute que la révolte populaire a permis aux pauvres de retrouver une dignité humaine, à relever la tête, au lieu de ramper, de "plier le genou "en position d'esclave", "de mendier, de supplier de travailler pour eux à huit ou dix pence par jour", ou encore d'offrir  de grosses sommes d'argent pour obtenir une simple parcelle, Coster comprend bien le marché de dupes établi entre pauvres et riches, où  les riches, en louant leurs terres, "en attendent de gros gains", où  les pauvres "sont asservis au point de ramper jusqu'à eux pour obtenir un emploi, bien qu'ils n'en reçoivent pas de salaires suffisants pour entretenir eux-mêmes et leurs familles dans le bien-être."

Par ailleurs, si l'ensemble des pauvres, ceux qui sont "sans emploi" et ceux "qui travaillent pour de maigres salaires, se mettaient à préparer et travailler les terres communes ou incultes, cela ne ferait-il pas baisser le prix de ces dernières, qui est la cause principale de la cherté des choses ?".

 

"Marx n'est pas loin", nous dit Lutaud, "ni d'ailleurs Louis Blanc, avec ce droit au travail, deux cents ans à l'avance." (Lutaud, 1979)

Coster imprime deux pamphlets l'année suivante, en 1650, imprimés artisanalement alors que Winstanley passait en général par un imprimeur professionnel, qui fut souvent Gilles Calvert, qui partageait les idées radicales des Bêcheurs.  De son côté, Gerrard écrivit une nouvelle fois à Fairfax (To my Lord General and His Council of War) qui se défend des calomnies lancées par Pratt. L'auteur note l'état d'esprit des gens désespérés de ne pouvoir survivre, prêts à voler, causer des troubles, plutôt qu'à subir la honte de quémander "l'argent récolté par les quêtes". D'autres ont aussi " honte  de mendier  et feraient n'importe quel travail pour vivre, comme c'est le cas de beaucoup de nos Diggers, qui ont été de bons chefs de famille." 

Entre le 20 février et le 4 mars 1650, il écrit un nouveau texte dont le titre n"annonce pas le contenu véritable. Derrière "La défense de ceux dont les efforts ne sont que de transformer la terre en un trésor commun, et que l'on appelle Diggers", on trouve une critique acerbe contre "le royaume extérieur, diabolique et charnel des choses périssables", que représente pour lui le mouvement des Ranters, n'hésitant pas à jouer des mots "rent" et "rant" pour évoquer leur soumission aux propriétaires Leurs moeurs légères, cette existence sensuelle, bestiale contraire à celle de l'esprit, est aussi sévèrement pointé par l'auteur, qui l'oppose à une vie raisonnable et qui "trouble des nations entières", et Winstanley  voit dans "la copulation effrénée avec les femmes" un "gaspillage des trésors de la terre" (en particulier la semence des mâles),  un objet d'inimitié dans les familles (Lutaud, 1979).

  La défense...      :   A Vindication of those, whose endeavours is Only to Make the Earth a Common Treasury, Called Diggers.

A New Gift...
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Winstanley, film de Kevin Brownslow, 1975

Fin février ou début mars 1650, Jerrard écrit un texte en forme d'appel, pour... soutenir la nouvelle république de Cromwell, "England's Spirit Unfoulded, Or an Incouragement to take the Engagement: a newly discovered" (L'esprit de l'Angleterre révélé, ou l'encouragement  à souscrire à l'engagement"), appel soutenu par Lilburn, et d'autres, rejeté par Prynne. Il y traite pour la première fois d'élection démocratique, "où chacun possédera pleine liberté en le Pays d'obtenir les moyens de vivre, et il l'aura de même façon pour choisir le pouvoir représentatif", "nos égaux, élus en toute liberté et pour un certain temps." (in Lutaud, 1979). 

Un traité théologique daté du 19 mars 1650, Fire in the bush..., fruit une nouvelle fois d'une révélation de Dieu, selon l'auteur, développe son opposition à la mystique Ranter, en défense de sa colonie et "plus conciliante à l'égard d'un gouvernement qu'il avait peut-être excessivement critiqué dans A New Year's Gift." (Lutaud, 1979). Au-delà, ce texte est une adresse aux "églises appelées, presbytériennes, indépendantes ou de toute autre forme de  doctrines, au service de Dieu". De nouveau, Winstanley présente un dieu panthéiste, dont la moindre parcelle du vivant fait partie de lui. Non seulement toute cette création est "le vêtement de Dieu" mais "il remplit tout de lui, qui est en toutes choses, et par qui toute chose obtient sa consistance." 

Le mouvement Digger a fait ici ou là "tache d'huile" ou plutôt "quelque essaim de pollen révolutionnaire", selon les mots d'Olivier Lutaud (Lutaud, 1979).  On connaît des groupes Diggers à Enfield, dans le Middlesex, non loin de Londres, dont l'existence avait déjà provoqué des troubles en juin 1649, à Iver, dans le Buckingamshire, dont le groupe imprimera un "Appel..".  de même facture que celui de Wellinborough (voir plus loin), dans le Gloucesteshire, où la situation se tendra tout juste un an après, à Cox Hill, aussi, dans le Kent, d'après le placard des Diggers de Surrey, voir plus loin, ou encore à Hartford, dans le Cheshire, selon un autre placard des diggers de cette région  (Lutaud, 1979). Il y avait aussi une petite colonie de partisans à Wellinborough, qui fait parler d'elle dans  A declaration of the grounds and resasons why the poor inhabitants... ("Une Déclaration des causes et des raisons qu'ont les pauvres de Wellinborough..."), un placard dans lequel il est précisé le nombre de 1169 "personnes réduites à la charité publique" pour la paroisse de Wellinborough, et leur situation fait froid dans le dos : "Plusieurs d'entre-nous meurent déjà de faim, et mieux vaudrait pour nous qui sommes en vie, de mourir par l'épée que de la famine".  

Appel...  :  "nous ne pouvons jouir par nous-mêmes du fruit de nos labeurs , car ils ne servent qu'à l'entretien des oisifs, de ces ventres paresseux qui gouverne et domine le petit peuple"

 

Du côté des Diggers de Surrey, on lançait un "Appel adressé à tous les Anglais à choisir entre esclavage et liberté", An Appeal to All Englishmen to judge between Bondage and Freedome, un autre placard,  daté du 26 mars,  signé par Jerard Winstanley et vingt-quatre autres personnes (dont Robert Coster), qui préfigure le projet  de l'Internationale communiste, dans la volonté de "faire de chaque Nation du Monde une libre République" (in Lutaud, 1979). Les Bêcheurs rappellent que Digging and Planting the Commons, "bêcher et ensemencer les communs" sont "le premier jaillissement de la liberté, qui veut faire de la terre un trésor commun." (in Lutaud, 1979). Manquant d'argent pour se nourrir ou acheter des semences, les Bêcheurs décident de missionner quatre des leurs en différentes régions d'Angleterre pour récolter des fonds et propager leur message. C'est au cours d'un de leurs périples que le futur auteur du Pilgrim's Progress, John Bunyan, alors démobilisé de l'armée de Cromwell, rétameur à Elstow, entendit vraisemblablement "la prédication révolutionnaire avant sa conversion par grâce divine". (Lutaud, 1979).

Le 9 avril 1650, Winstanley adresse "Une humble requête faite aux ministres du culte des deux Universités [Oxford et Cambridge] et à tous les hommes de loi de chaque Ecole de droit, de prendre en considération les textes de l'Ecriture et les points de droits mentionnés ici, et d'y donner des réponses raisonnables et chrétiennes..." pour que se résolvent enfin "le différend entre les pauvres d'Angleterre qui ont entrepris de creuser, labourer et construire sur la terre communale...et les seigneurs fonciers qui les tourmentent..." L'auteur évoque l'image d'un "Messie..vraiment socialiste" (Lutaud, 1979), en particulier au travers  de la parabole du jeune homme riche. Plus concrètement, il réitère l'association entre la juste rétribution du travail et la République réelle, fustigeant encore clergé et justice main dans la main pour qualifier les pauvres travailleurs de "vagabonds, d'oisifs" et les punir alors que les véritables oisifs sont à chercher ailleurs : "Demandez-vous plutôt si ce n'est pas le gentilhomme qui est oisif, et le pauvre qui est travailleur."

Une lettre de Winstanley du 4 décembre 1650 nous fait savoir qu'avec quelques "frères", (tous probablement sans toit et affamés), il a accepté de travailler à Pirton, sur les terres d'une veuve aristocrate, Lady Douglas, au tempérament aussi bizarre que mystique.  Ses amis ont été embauchés comme salariés agricoles et lui en tant qu'intendant, et il ne se passera pas un an avant que la propriétaire floue, ses employés sur leurs salaires, selon  Winstanley, ce qui provoque leur rupture.  

The Law of freedom

Le 5 novembre 1651 , Winstanley rédige The Law of Freedom, dont le préambule est adressé à Cromwell lui-même.  Il rappelle au tout début de son texte diverses corvées, taxes ou impôts qui font partie de tous les "fardeaux sous lesquels gémit le peuple", imposés par "la Puissance  des Seigneurs fonciers" :  arrhes, droit de cheptel, loyers sur les Communs,  droit de péage sur les marchés ("sous peine d'être chassés de la ville"), etc. Sur la richesse, le travail, les certitudes de Winstanley restent très proches des penseurs socialistes et communistes, Marx en tête et pour la première fois, il détaille  la forme concrète que pourrait prendre la société égalitaire qu'il appelle de ses voeux. "Ce stupide projet de nivellement de la propriété et de gouvernement  est tellement ridicule..." notera Lilburn dans l'édition de 1652 de son Apologeticall Narration (1643), et même si Lutaud en souligne le contexte particulier de sa rédaction, pendant son exil hollandais, surveillé, espionné  par la censure, on sait par d'autres propos, nous l'avons vu dans le dossier précédent, que Lilburn n'avait pas la fibre communiste de ses deux compères, Overton et Walwyn.

Extraits du préambule adressé à Cromwell : 

" Aucun homme ne peut être riche autrement que par ses propres travaux, ou par celui d"autres hommes qui l'aident à le devenir : si un homme ne reçoit aucune aide de son voisin, il ne parviendra jamais à constituer un domaine qui rapporte des cents et des milles par an. Si d'autres hommes l'aident à travailler, alors ceux-là sont riches tout autant que lui,  car leurs richesses sont autant le fruit de leur travail que du sien. 

Mais tous les hommes riches vivent à l'aise, se nourrissant et s'habillant par le travail des autres hommes, pas par le leur ; ce qui est leur honte, et non leur noblesse... Mais les hommes riches reçoivent tout ce qu'ils ont de la main des travailleurs, et ce qu'ils donnent, provient toujours du travail d'autres hommes, pas du leur ;  En conséquence, ils ne font pas partie des êtres Justes de ce monde."

"Mais un homme n'aura-t-il pas plus de titres d'honneur qu'un autre?

Si : Lorsqu'un homme passe par des bureaux, il accède à des titres d'honneur, jusqu'à ce qu'il atteigne la plus haute noblesse, pour être un homme fidèle de la République [Commonwealth]  dans une maison parlementaire. De même, celui qui découvre un secret dans la nature se verra attribuer un titre d'honneur, bien qu'il soit un jeune homme. Mais aucun homme n'aura de titre d'honneur tant qu'il ne l'aura pas gagné par le travail [industry], ou n'y arrivera pas par l'âge, ou par le bureau.

 

Chaque homme doit-il considérer la maison de ses voisins comme la sienne et vivre avec eux comme une seule et même  famille?

Non :  Bien que la Terre et les magasins soient communs à chaque famille, chaque famille vivra séparément comme elle le fait aujourd'hui ;   chaque homme dans sa maison, avec sa femme, ses enfants aura ses meubles qui décorent sa maison, ou tout ce qu'il a récupéré dans les magasins, ou pourvu au nécessaire de sa famille, tout cela restera propriété de cette famille , pour leur tranquillité. Et si un autre homme s'avise d'éloigner la femme du mari , ses enfants ou les meubles de sa maison sans son consentement, ou perturbe la tranquillité de son logement, il sera puni en tant qu'ennemi du gouvernement de la République ;"

"N'aurons-nous pas d'avocats ?

Il n'y en aura pas besoin, car il n'y aura ni achat ni vente; aucun besoin d'exposer les lois ; car la lettre nue de la loi sera à la fois le juge et l'avocat, éprouvant les actions de chaque homme : et vu que nous aurons des parlements successifs chaque année, il y aura des règles établies pour chaque action qu'un homme peut faire."

"Si on dit que tout cela conduira à la pauvreté, d'évidence on se trompe, car il y aura beaucoup de toutes les marchandises produites dans le monde, avec moins de travail et de problèmes qu'aujourd'hui sous la monarchie. Pour conserver l'abondance dans sa maison selon ses désirs, un homme n'aura jamais besoin de s'endetter,  les réserves communes assureront le paiement pour tous. 

Si vous dites :  certains vivront dans l'oisiveté, je réponds non, les oisifs deviendront des travailleurs, comme cela est déclaré dans le programme ; Il ne doit y avoir ni mendiant ni personne oisive.

Si vous dites, cela incitera les hommes à se quereller et à se battre :

Je réponds non: cela transformera les épées en socs et instaurera une telle paix sur la Terre que les nations n'apprendront plus la guerre."

Winstanley invite "tous ceux qui sont disposés à entrer dans la pratique de ce gouvernement et à obéir à ses lois. Et pour ceux qui ne le veulent pas, qu’ils continuent d'user du système d’acheter et de vendre, qui est la loi du Conquérant, jusqu'à ce qu'ils le veuillent."

Extraits du programme, adressé "Au lecteur amical et impartial" : 

"Autrefois il revenait aux Apôtres de conseiller, de juger en toutes choses, de déterminer avec soin ce qui est le mieux. Ce programme de gouvernement que je propose, est celui de  Justice et de Paix originelles sur la Terre, qui a été enterré sous les mottes de la convoitise, de la fierté et de l'oppression royales depuis longtemps.

L'auteur déclare  en premier lieu ce que nous savons déjà par d'autres textes, à savoir la fin du système "d'acheter et de vendre", le mode familial et privé d'existence, tout en précisant que "chaque métier sera conduit à plus d'excellence qu'il ne connaît actuellement" et que "tous les enfants doivent être éduqués et formés à la soumission aux parents et aux personnes âgées plus qu'ils ne le sont maintenant.

"Parce que les délits peuvent découler d"un esprit déraisonnable par ignorance, la loi a donc été rajoutée. 

Car si un homme abuse de son voisin, par des paroles provocantes, en le frappant, en commettant un délit sur sa femme, ses enfants, sa maison ou son mobilier, ou en vivant oisivement du labeur d'autres hommes, voici les lois pour le punir sévèrement, que les officiers auront pour tâche de faire respecter, selo